Le nom interdit

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Ma mort ne vous aurait pas manqué
Nul n’a le droit d’éteindre
Celui qui a su marcher...,

Et marcher, marcher,

Même dans les tenèbres
Même pieds nus sur les tessons
D’un monde devenu fumée.
Ils m’ont vu tomber,
Mais jamais fléchir.


J’ai porté ma lumière
Là où même l’aube hésitait.
Ils m’ont cru fini —
Mais ma cendre brûle encore,
Dans le silence de leurs fêtes
Et la poussière de leurs gloires.


Ma mort ne vous aurait pas manqué,
Car elle est venue trop droite,
Trop nue, trop vaste,
Pour vos cercueils de confort.
Je suis tombé, oui —
Mais d’une marche consciente,
D’un pas arraché au vertige,
Offert à la vérité.


Nul n’a le droit d’éteindre
Celui qui s’est levé
Quand tout pliait.
Même mort,
Je vous regarde
Depuis l’éclat
Que vous n’avez pas su tuer.


Je suis parti sans bruit,
Mais dans le fracas de vos lâchetés.
Pas une larme, pas une halte,
Juste vos dos tournés, vos mains pleines d'autre chose.
Ma mort ne vous aurait pas manqué,
Car vous ne m’avez jamais vraiment vu.


Je passais, allumé par l’intérieur,
Et vous fermiez les rideaux sur vos propres nuits.
J’ai vécu sans cortège,
Mais non sans marche.
J’ai dit non là où il fallait hurler,
Et oui là où la peur bâillonnait les bouches.
Chaque silence fut un champ de bataille.
Chaque sourire, une armure contre l’abandon.


Je n’ai pas été fort :
J’ai juste refusé de mourir à genoux.
Ma mort ne vous aurait pas manqué,
Car elle ne vous parle pas.
Elle est trop pleine de sens pour vos vies en pilotage,
Trop droite pour vos détours.
Je n’ai pas attendu vos adieux.


J’ai laissé mes mots sur les pierres,
Mes pas sur les chemins que vous n’avez pas voulu fouler,
Et ma vérité comme une plaie ouverte sur vos habitudes.
Je vous ai tendu la main,
Mais vous l’avez lue comme un affront.


Je vous ai tendu ma voix,
Mais vous avez préféré le vacarme.
Ma mort ne vous aurait pas manqué,
Parce qu’elle ne vous arrange pas.
Elle vient comme un témoin gênant,
Un miroir que l’on voudrait briser.


Je n’ai pas été un héros —
Mais j’ai été vivant.
J’ai aimé sans retour,
J’ai pardonné sans témoin,
Et j’ai marché sans escorte.


Je n’ai pas crié vengeance,
Je n’ai pas demandé justice,
J’ai simplement avancé
Là où l’injustice était devenue la loi.


Ma mort ne vous aurait pas manquée,
Mais moi, je me suis manqué à vous.
Et vous ne le saurez
Qu’au cœur d’un silence
Trop tardif pour être vrai.


Vous direz peut-être :
"Il était étrange, trop entier, trop ailleurs."
Mais ce que vous nommiez folie
Était ma seule fidélité à l’être.


Je suis tombé sans drapeau,
Mais avec le vent dans les poumons.
Je suis mort sans statut,
Mais avec l’âme debout.


Ma mort ne vous aurait pas manqué,
Car vous n’aimez que les morts que l’on peut enterrer vite,
Avec de beaux discours et une minute de silence
Pour éviter le bruit de leur vérité.
Mais moi, je suis resté là —
Dans la poussière,
Dans vos songes,
Dans la fièvre de vos nuits sans réponses.


Et même si vous m’oubliez,
Même si mon nom n’est gravé nulle part,
Je saurai, moi,
Que j’ai marché.
Et ça suffit pour brûler l’éternité.
J’étais né sous le vent
Mais vous m’avez fait orage.


À peine un mot dans vos bouches,
Et déjà, j’étais trop.
Vous m’avez vu grandir
Comme on regarde une ombre s’allonger.
Jamais un accueil, jamais un “viens”,
Seulement vos silences aiguisés.
Je parlais, et vos murs se dressaient.
Je souriais, et vos regards fuyaient.


Je pleurais, mais le sel de mes larmes
Vous brûlait plus que le feu.
Alors vous avez trouvé un mot
Pour justifier vos peurs :
Akane.


Et ce nom, pourtant mien,
Est devenu fléau.
Dites-le, et la pluie tombe.
Soufflez-le, et les récoltes meurent.
Murmurez-le, et le feu s’allume dans les cases.
Alors, vous vous êtes tus.


Vous m’avez banni de vos mots
Avant même de me bannir de vos maisons.
Le vent passait, et vous disiez :
« Il est encore là… il nous écoute. »
Je vivais, et votre monde s’empoisonnait.
Non par mon fait, mais par votre foi tordue.
J’étais malheur par simple présence.
J’étais danger pour avoir été vrai.


J’ai tendu les bras —
On a reculé.
J’ai crié “aimez-moi” —
On a murmuré “maudit”.
Akane, ce nom devenu absence,
Ce nom qu’on n’écrit plus sur les pierres,
Ce nom qu’on ne transmet pas aux enfants,
Ce nom qu’on efface, qu’on nie, qu’on craint.
J’ai dormi dehors,
Sous des toits que j’ai moi-même bâtis.


J’ai soufflé sur les feux
Que d’autres réchauffaient — mais sans moi.
Même les chiens ont détourné le museau,
Même les enfants ont appris à cracher mon nom.
Et vous ? Vous vous êtes endormis
Sur vos peurs bien rangées.


Mais moi, j’ai porté ce nom
Comme un flambeau dans la nuit.
Je l’ai crié dans les forêts,
Je l’ai chanté aux étoiles.
Et jamais je ne l’ai renié.
Car Akane, c’est ma blessure,
Mais c’est aussi mon feu.


C’est ma solitude,
Mais c’est mon royaume.
Ma mort ne vous aurait pas manqué — Mais mon nom, un jour,
Vous brûlera le silence.
Ma mort ne vous aurait pas manqué
Ils ont cru m’avoir effacé.


Comme on rature un mot sur une pierre,
Comme on jette un nom dans le feu
Et qu’on croit qu’il n’a jamais été.
Mais la mémoire n’oublie pas ce qui brûle.
Et les cendres savent retrouver le vent.


Je suis revenu,
Pas en chair,
Mais en silence,
Mais en frissons dans vos dos la nuit,
Mais en soupirs dans les cases abandonnées.
Je ne veux pas votre sang.
Je ne veux pas vos cris.


Je veux seulement que vous regardiez
Le vide que vous avez creusé en moi.
Akane… ce nom que vous disiez maudit,
Vous le portez désormais sans le savoir.
Il s’est glissé dans vos rêves,
Il s’est mêlé à vos chants,
Il s’est accroché à vos entrailles.
Et vous avez peur.


Peur que je sois encore là.
Peur que mes pas résonnent.
Peur que mes mots rejaillissent,
Car ils n’ont jamais cessé de vivre.


Je n’ai pas frappé.
Je n’ai pas hurlé.
Je me suis contenté d’exister —
Et c’était déjà trop pour vous.
Mais maintenant,
Je me lève depuis la terre oubliée.


Je me dresse depuis vos cauchemars.
Je suis l’enfant que vous avez rejeté,
Et le cri que vous ne pourrez plus faire taire.
Je suis Akane —
Et je reviens sans arme,
Mais avec la vérité.
Je ne demande ni pardon ni place.
Je viens poser ma voix
Sur la table de vos silences.


Je viens planter mes pas
Dans vos terres desséchées par l’oubli.
Je suis Akane —
Celui qui portait le malheur,
Et qui revient comme un miroir.
Regardez-moi.


Regardez ce que vous avez fait.
Et si vous osez…
Dites mon nom à haute voix.

Légende
On dit qu’il partit sans bruit,
Mais que la terre trembla sous ses pas.
Qu’il n’avait ni tombe, ni linceul,
Mais que les arbres s’inclinèrent à son départ.


On dit qu’à son dernier souffle,
Le vent devint cendre,
Et que les rivières se turent
Par respect ou par honte.
On dit qu’un enfant, un soir,
A prononcé son nom sans trembler :
Akane.


Et qu’aussitôt, les murs ont pleuré,
Et les vieux ont baissé les yeux.
Alors on a compris :
Ce n’était pas lui, le maudit —
C’était nous.


Nous, les juges sans justice,
Les bourreaux à mains propres,
Les faiseurs de silences.
Akane n’était pas malheur,
Il était mémoire.


Il était le feu que nul ne peut éteindre,
Même sous la pluie des siècles.
Il était le cri dans les entrailles,
Le refus d’être tordu pour plaire.
Le poème que personne n’a lu
Parce qu’il disait tout.


Aujourd’hui encore, dans certaines nuits,
Quand le ciel se fend sans raison,
On dit qu’Akane marche.
Pas pour revenir —
Mais pour veiller.


Veiller sur les enfants qui osent parler,
Sur les cœurs qu’on traite de trop pleins,
Sur les solitaires à la marche droite,
Sur les noms qu’on voudrait enterrer.


Et son nom ?
On ne le dit qu’à voix basse,
Non par peur,
Mais par respect.


Car Akane est devenu plus qu’un homme :
Il est la brûlure de la vérité
Sur le visage du monde.

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