Réponse à "Changement d'habitude"

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Le visage de Ryuku était enveloppé par un voile blanc. Elle masquait son identité comme tous les matons de l'établissement, comme le stipulait le réglement. Contrairement aux autres gardiens, elle se n'avait pas honte de son travail. Grâce à ce boulot, elle pouvait vivre librement, sans être un poids pour sa mère. Derrière son regard ténébreux, son teint pâle et sa coupe à la garçonne se trouvait une femme douce. Même si, ses cheveux lisses et noirs renforcaient son intransigeante dureté. Sous ce corps fragile, on devinait une solitude tragique. Selon les instructions qu'elle avait reçu par courrier officiel, elle entra dans l'anti-chambre. Dans cet espace tamisé se trouvait quatre leviers placés devant une vitre. Elle se positionna devant l'un d'eux, ignorante de celui qui actionnait véritablement la trappe. La vitre sans teint empêchait les gardiens chargés de préparer le criminel dans la pièce opposée de voir à qui l'on avait attribué la responsabilité execptionnelle de bourreau pour la procédure.

Elle ne le savait pas encore, mais Ryuku avait servie son dernier repas au comdamné qui allait entrer ce matin. Pendant son tour, elle regardait par le vasistas de chaque cellule et vérifiait que chaque objet se trouvait à sa place et que le détenu s'occupait par une tâche intellectuelle. Chaque détenue ne devait en aucun cas être oisif, être étendu sur son lit ou regarder à travers les barreaux la couleur du ciel. Ce matin-là, arrivé à la hauteur du prisonnier 342, en écartant la protection de bois qui permettait de voir à l'intérieur, celui-ci avait relevé la tête de son livre de philosophie et lui avait adressé un sourire. Ce simple rictus l'avait fait rougir. Elle avait rapidement refermé la lucarne, genée.

Un peu plus tard, à la fin de sa ronde, le directeur de l'institution lui avait fait un signe discret. Elle l'avait suivie à son bureau. Il lui avait ensuite tendu une enveloppe officielle imprimée automatiquement par un un ordinateur. Pour sélectionner les bourreaux, la direction se contentait d'un algorithme aléatoire. Ryuku avança ses deux mains blanches et baissa la tête en signe de respect. Elle savait déjà de quoi il s'agissait. Le hasard voulait qu'elle soit fréquemment tirée au sort. Contrairement aux autres matons, elle se réjouissait de l'honneur qui lui était fait. Elle se réjouissait de recevoir un supplément pour participer à l'exécution. Elle ne se considérait pas comme une meurtrière. Ce n'était pas elle qui ôtait la vie à des hommes et à des femmes, mais la justice divine. Elle considérait que le pouvoir lui était transmis pour permettre à la grande faucheuse d'emmener ses âmes coupable en enfer. Ces hommes et ses femmes méritaient la mort.

Elle posait déjà la main sur le manche en acier, quand les trois autres firent leur apparition, quelques minutes plus tard, également masqués. Avec son corps filiforme, malgré le tissu blanc qui recouvrait son visage, on pouvait facilement la reconnaitre, toutefois une omerta sur l'identité des bourreaux empêchait chacun d'en parler. Ils feraient tous mine de ne pas l'avoir reconnu. Pour les collègues de travail de Ryuku, en tant que simple humain, ils n'avaient pas le droit de décider de qui allait mourir.

Ryuku ne voulait pas l'admettre, mais chaque fois qu'elle activait le levier pour briser la nuque d'un criminel, elle éprouvait du contentement. La satisfaction de savoir qu'un monstre allait disparaitre de la société. Cela ne permettrait jamais de la venger, elle et sa mère. Ce n'était pas son père, ce violeur insensible, ce pervers, qu'elle pendait, mais un être similaire en beaucoup de points. Après un instant, la clique des bourreaux se trouvait prête derrière le pupitre de commande. Ryuku déglutit avec difficulté en voyant le prisonnier 342 entrer dans la pièce. C'est, de plus, Ryuku qui l'avait formé aux règles de l'établissement lors de ses débuts dans la prison. Pourtant, le prisonnier 342 n'était qu'un nombre, parmi d'autres. Au moment d'entrer dans la prison, le nom était supprimé au profit de ce matricule. Mais quelque chose l'avait ému dans le regard du prisonnier 342, dans ses gestes. Elle ne saurait pas dire quoi exactement. Une sorte d'innocence, ce que habituellement on ne voyait pas chez les détenus. En un instant, son regard qui n'avait si sévère vis à vis des hommes se changea. Elle ressentit quelque chose qu'elle n'avait ressenti. Elle ne comprenait pas ce qui se passait en elle. La préparation ne dura que quelques minutes qu'elle aurait voulu ralongées, des minutes qui s'égrainaient trop vite.

Elle voyait ses camarades s'emparer des leviers et constata qu'elle, elle tenait plus le sien. Le compte à rebours avait débuté. Cinq ... Elle essaya d'ordonner à sa main de s'emparer du levier, mais une force l'en empêchait. Elle était titanisé. Au dernier moment, elle s'empara du levier. Zéro ... Son levier n'était pas abaissé. La trappe ne s'était pas ouverte. Tous les bourreaux se retournèrent vers Ryuku, qui par son visage blême et les quelques gouttes de sueurs exposait clairement sa culpabilité.

Le temps semblait s'être arrêté pur Ryuku, l'exécution était annulée. Après quelques instants qu'elle ne parvenait pas à quantifier, elle tourna sa tête et constata qu'elle était seule dans la pièce. Le directeur entra finalement à son tour. Son visage exprimait une colère sourde. Il lui demanda de la suivre dans son bureau :

- Ryuku !

- Oui monsieur le directeur ...

- Ryuku ! Que vous est-il arrivé ? Vous venez de saboter le processus d'exécution. Cet acte est passible de prison, vous êtes au courant ?

- Oui, bien sûr, je le sais.

- Vous étiez mon meilleur élément Ryuku ...

Cette phrase, à elle seule expliquait qu'elle n'exercerait plus son métier. On allait lui confier le nettoyage des sanitaire. De la torture. Le directeur considérait qu'avec cet acte, elle venait de bafouer son honneur. Elle allait souffrir de cet affront.

- Vous savez qu'il y a des activistes qui n'attendent que ce genre de faux pas.

- Oui monsieur le directeur.

- Et quelle est votre excuse Ryuku ? Pour quel raison n'avez-vous pas obéit à la sentence de notre pays ? Pour un criminel qui a assassiné toute sa famille.

- Parce que ...

- Parce que !?

- Je ... pense qu'il est innocent.

- Ryuku ! Vous êtes le tribunal, vous êtes le juge maintenant ?

- Je n'ai pas plus d'explication, je suis vraiment désolé.

- Nous allons revoir vos tâches Ryuku.

Elle sortit du bureau, totalement désorientée, incapable de savoir où elle devait s'en aller. Elle avait perdu ses repaires. Le prisonnier 342, se retrouva dans le couloir, les pieds et les mains attaché. Elle le croisa. Le prisonnier pleurait de tristesse, car il avait pensé que son cauchemar serait au moins terminé. Mais, le calvaire continuait, il ne saurait pas chaque matin si on l'assassinerait le lendemain.

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