bleu, jaune, vert

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 Je l'avais aperçu. Il était à l'orée de ce petit sentier, hésitant à traverser comme s'il s'agissait d'une autoroute. Comme lui, je m'étais figé, espérant obtenir quelque chose d'extraordinaire de ce moment d'intimité. Je limitais mes respirations, baissais mon centre de gravité, le tout dans une délicatesse telle, que je m'étais persuadé qu'il se passerait un instant magique et qu'il ne fallait surtout pas le louper. Il se tenait fier, la tête droite. Quelque fois, il regardait à gauche, puis à droite, dans un mouvement saccadé et vif. Je pouvais voir son long corps se dissimuler sous une épaisse touffe de graminées. Il était si grand que je n'arrivais pas à définir quel taille il pouvait bien avoir.

 La peur me fit reculer d'un pas d'ailleurs, puis deux, la même qui me permettait d'éviter les dangers. Je m'écoutais, toujours plus discret, faisant face à mon adversaire que je redoutais presque maintenant. Mon cœur battait un peu plus vite. Je savais que j'avais peur, mais je ne savais pas exactement de quoi. Sa petite bouche laissait sortir une langue fendue entre deux périodes assez espacées. Soudain, la brise s'éleva derrière moi. Sa langue bifide accéléra les allers-retours. Il me sentait ! Je ne savais pas si c'était bon signe ou pas pour moi, mais je percevai la tension qui s'accélérait entre nous deux.

 C'est alors que dans une fulgurance, le reptile s'élança. En une fraction de secondes, juste le temps que je puisse dire « ouf », il avait traversé le chemin. Les feuilles mortes froissées qu'il avait déplacées bruyamment laissaient apparaître son passage. J'étais figé. J'avais tout de même pu enregistrer ses couleurs pour pouvoir m'émerveiller par la suite. Un dégradé de bleus prenait une bonne partie de sa tête et le dessous de sa gorge. Cette couleur tournait au vert dans des tons différents mais s'étendait sur tout son corps, et finissait sur son ventre d'un jaune paille. Le stress s'était enfui aussi rapidement que mon lézard. J'étais déçu de ne pas avoir pu l'observer plus longtemps, mais continuant ma petite randonnée, je me repassais l'action en boucle, un sourire au coin des lèvres.
 En fait, je méditais sur une chose : Était-ce vraiment extraordinaire ? Une chose ordinaire peut-elle devenir extraordinaire ? Si je faisais ce trajet tous les jours et que je voyais ce même spectacle, à force peut-être que je m'en lasserais, et que cela deviendrait insignifiant... Ce qui est incroyable pour moi ne l'est pas forcément pour un autre, et inversement. Je décidais d'influencer mon point de vue qui me permettrait de ressentir la joie, plutôt que de banaliser l'instant et ressentir une déception. Je continuais ma marche en avant et repris mon petit sourire, fière de ma découverte...

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