Oui
Et ce type, plus je le regardais, et plus je me disais qu’il ne me méritait pas. Il me faisait peutêtre un peu mal. Le fait qu’il restait encore là, à vouloir faire l’amour avec moi. À me regarder me salir pour ses pulsions. Tandis que moi, l’idiote, je disais oui. Et l’idiot qu’il était prenait ce « oui », dit amèrement, pour un consentement. Des fois, quand je disais non, j’en avais envie ; et quelquefois, d’une étrange contradiction, ce « oui », dit amèrement, voulait dire : « laissemoi tranquille. »
« Alors, Murielle… merde ! J’ai pas fait tout ce chemin pour rien. On le fait ou pas ?
— ... oui.
— Merci. Rentrons alors. Je paye l’addition. »
Je n’en étais pas si sûre. De la salissure à laquelle mon corps allait s’exposer. Des fissures de nos peaux et pourtant il y avait ce besoin charnel de vivre. J’étais là, allongée sur lui. L’amour, c’est si vide et en même temps je sais qu’il peut être jouissant. Sur quoi me baseje pour croire encore à sa beauté abstraite ? J’imagine sûrement l’humain comme trop pur et trop absolu, ce qui me sidère tant ; pourraisje lui dire, simplement, sans qu’il me haïsse ? Comment pourraitil me haïr, lui qui prétend m’aimer ? Putain, on fait l’amour et il pourrait me haïr, le contraire de l’amour que l’on pratique. C’est pas logique, merde, tu l’as bien dit. Et pourtant, il faut que je souffre à chaque fois que tu me touches. Tu me prends pour une fragile alors qu’en réalité je veux juste qu’on m’aime aussi bien que je le pourrais, et vous, les hommes, vous pensez qu’un poème, des fleurs et un restaurant suffisent à dire « je t’aime ». Je t’arracherais bien la peau. Pour voir si l’intérieur est aussi sale. Le faire d’un couteau luisant et gris, elle est là : ta folie amoureuse. La guerrière de l’amour, que je suis, s’en chargera. Pour que, peut-être, Calliope voie avec joie, une femme moderne dépiauter un homme. Jusqu’au cœur, et le croquer. Pour posséder dans ma gorge, la pomme d’Adam au féminin, le cœur d’Ève.
Si j’avais ne serait-ce que pris quelques secondes pour réfléchir encore un peu, peut-être que la situation aurait été autre.

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