La réconciliation

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Enfant, Piotr avait rêvé en lisant les aventures des as de la Grande Guerre. Ses bottes à lacet havane foncé lui faisaient remonter ces délicieux souvenirs. Malgré leur prix élevé, il n’avait pas hésité à se les payer avec sa prime de premier sergent. C’était tout de même plus seyant que l’ensemble brodequins et bandes molletières, se disait-il en se regardant dans le miroir du bottier. Les sous-officiers anciens aimaient améliorer l’élégance de leur tenue. Les plus coquets n’hésitaient pas à faire retoucher leur uniforme par un tailleur pour se rapprocher du modèle des officiers, qui, eux, le faisaient entièrement confectionner. Mais, sur ce point, lui devrait encore se contenter des modifications réglementaires, réalisée à la base aérienne. Ainsi chaussé, il ressemblait quand même presque à un de ses chefs ! Il sortit de la boutique avec ses bottes aux pieds. Elles étaient vraiment très agréables à porter car très souples, elles n’entravaient pas les mouvements de la cheville. Et la semelle de cuir faisait un bruit plus agréable que les clous, sur le pavé. Piotr se sentait fier avec ces nouveaux souliers. Même s’il n’était plus chasseur, il marchait dans les pas des héros de son enfance ; bref, il se sentait aviateur glorieux. Après tout, ses deux médailles n’étaient-elles pas une marque de sa valeur ? Il n’avait qu’une hâte : se montrer auprès de sa belle pour la reconquérir. Après son retour d'Italie, les deux amants réconciliés avaient prévus de passer la nuit dans une chambre, comme lors de leur de première nuit.


— Où que c’est que t’as garé ton cheval, mon chou ?


Tout l’orgueil du pilote s’évanouit lorsque sa compagne, interloquée et hilare, l’accueillit par cette remarque cinglante. Il s’était imaginé qu’elle se serait émerveillée de sa fringante tenue. Non, la gourgandine se moquait. Avec un sourire malicieux, elle l’entraîna par la main. Puis elle défit le nœud de la ceinture de son peignoir, révélant un ensemble de sous-vêtements en dentelle et des bas de soie retenus par des porte-jarretelles.


— Tu remarqueras que moi aussi, j’ai mis mes plus belles bottes, rigola-t-elle, en agitant les hanches.


Subjugué par l’allure de sa partenaire, Piotr sentit son âme se ragaillardir. Il s’approcha pour l’enlacer et sentir la douceur de ce corps qu’elle lui offrait. Mais la petite espiègle l’arrêta en plaquant ses avant-bras contre son torse. Il posa ses mains sur les siennes pour les enlever mais elle intervint :


— Pas si vite, monsieur l’affamé. D’abord laisse-moi te débarrasser de ton costume en poil à gratter. J'ai déjà le mien pour me filer de l’urticaire.

— Et tu as eu ces choses-là, là bas ? s'étonna-t-il en pinçant une des bretelles de son soutien-gorge.

— Je t'en pause des questions ? Dis-moi pas que t'es venu pour causer chiffon ! Moi, je veux que tu me prennes dans tes bras, souffla-t-elle en dégrafant son col. Tu m'as tellement manqué !


Fiévreusement, leurs doigts s’allièrent pour déboutonner la vareuse de drap de laine et défaire la boucle du ceinturon. D’un geste vif et expert, la jeune femme envoya les pans en arrière et Piotr n’eut qu’à secouer les bras pour la faire tomber sur le plancher. Pendant ce temps, sa dulcinée ouvrit la culotte et écarta les bretelles. Elle porta ensuite ses lèvres à la bouche de Piotr, avant de le pousser en arrière. Déséquilibré, il tomba à la renverse. À peine eut-il le temps de jurer que Marďjcka s’était agenouillée et s’affairait à défaire les lacets des crochets de ses bottes. Ultime marque de désaveu envers elles, l’ingénu affecta l’agacement devant leur nombre, bénissant les chaussures basses de ces clients civils. La chemise kaki clair du militaire lui vola à la figure et l’aveugla. Elle n'eut pas le temps de s'en débarrasser. Il en profita pour lui sauter dessus et la plaquer sur le parquet. La liquette suivit le mouvement et permit à leurs regards de se croiser.


Ils échangèrent un bref sourire complice avant de s’embrasser fougueusement. Puis Piotr descendit le long du cou de la jeune femme, eut une petite attention pour les seins pointant sous les soutien-gorge obus et balaya son torse de son menton pendant qu’il délaçait sa courte gaine. Arrivé au nombril, il en titilla le creux avec sa langue, par de petites piques. Chatouilleuse, la belle se dandina en ricanant et prit la tête du mutin entre ses mains pour la repousser. Il dénuda son bas-ventre. Ses baisers y firent naître d’agréables et excitants frissons. Elle se mordit la lèvre, feula de plaisir et ondula du bassin. Ses cuisses écartées furent une invitation à d’autres ravissements, à laquelle l’entreprenant aviateur répondit avec délice. Il joua, non sans malice, avec le bouton du clitoris. Toute soumise, Marďjcka profitait pleinement de ses attentions, geignant de plaisir et cambrant ses reins pour s’offrir davantage. Comme ces retrouvailles s'annonçaient plaisantes !


Ce fut presque une déception lorsque le subtil manège pris fin. Piotr, le pourtour de la bouche tout humide et luisant, reprit son souffle. Puis avec délicatesse, il s’introduisit en sa compagne. Elle plaqua une mains sur son bassin et l’autre au creux de ses reins. Oh ! ce corps ferme et musclé, quel plaisir… Le ballet des hanches commença avec un rythme lancinant mais affirmé. Ventre contre ventre, ils communièrent ainsi dans une transe qui, s’accélérant, fut ponctuée de gloussement et de ahanements. Elle se termina en apothéose par leur jouissance simultanée.


Le souffle court, il retomba sur elle, béat et enivré de plaisir. Mais ils étaient avides : ni l’un ni l’autre n’était encore rassasié, comme victime d’une soif insatiable, d’un irrépressible besoin de profiter de leur éphémère jeunesse et de la paix. Très vite, leurs lèvres se cherchèrent à nouveau.


— On pourrait continuer sur le plumard, qu’est-ce t’en dis ?


Leurs ébats se prolongèrent après la nuit. Lorsque enfin ils se sentirent repus, perclus de fatigue et à bout de force mais inondés de bonheur. Sur le plan physique, c’était aussi grisant que se retrouver lancé à pleine balle au ras du sol ; on enchaînait, les virages et les changements brusques d’altitudes pour éviter les obstacles… L’esprit concentré sur la conduite, la vue brouillée par le défilement effréné des repères, le cœur à l’unisson... la vie prenait alors toute sa véritable saveur. Mais, pour le reste, les sensations n’avaient rien de commun avec ce qu’il vivait, sinon celle du premier vol en solitaire, lorsque le ciel se déploie sous les ailes et qu’il n’est qu’à soi. Une impression d’infinie plénitude...


— Allez, les gars ! Debout là dedans ! tonna l'adjudant Fronovskí. C’est l’heure d’aller mettre sur la gueule à Ivan !

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