La cage
Une fine pluie mouille mon visage depuis mon extraction forcée du véhicule. Je ne suis pas seul : mes compagnons d’infortune me suivent, hagards. Arrachés à un confort dont nous n’avions pas mesuré la valeur, nous marchons, sans doute, vers un même destin.
Traîné, poussé sans ménagement, je rejoins un abri ouvert à ce vent mauvais. Nul refuge, nul répit. Pourquoi moi ? Qu’ai-je fait pour mériter pareil sort ? L’absurdité de ma condition m’apparaît avec tant d’acuité qu’une larme perle sur ma joue, manifestation d’un désarroi que je ne peux cacher.
Soudain, on me désigne. Hasard ou conséquence ? Ma faiblesse m’a-t-elle trahi ? On me choisit parmi d’autres. Je suis l’élu. Arraché au sol, jeté dans une cage étroite, j’ai froid, je grelotte, la joue écrasée contre les barreaux de métal.
Mon voyage reprend. Je suis secoué, balloté comme un fétu de paille dans la tempête. Je m’agrippe aux montants de la cage pour ne pas perdre l’équilibre, ni le peu de dignité qu’il me reste. J’ai peur. Je reconnais des silhouettes, des visages. Ces hommes en noir qui patrouillent, là-bas. Vont-ils me tourmenter de nouveau ? Me scruter de leurs regards morts pour me convaincre de ma culpabilité ?
Je suis innocent ! ai-je envie de crier. Mais ils ne m’arrêtent pas. Ce répit sera-t-il durable ?
Nous traversons de vastes allées, aveuglantes de lumière artificielle. Elle m’étourdit, brouille mes repères. Mon parcours semble balisé, organisé. Pourtant je n’ai aucune prise sur la direction. Et j’ai faim.
Je tends le bras, saisis une banane, et lève un regard implorant vers ma geôlière.
— Non, Léopold ! Il faut d’abord passer en caisse avant de la manger ! Et tiens-toi tranquille dans ce chariot, ou je donne la place à ta sœur.

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