Chapitre 1 - Partie 2 : L’abeille
L’appartement donnait sur la mer. Une terrasse étroite, deux chaises blanches, une table en plastique qui sentait déjà le sel, et en contrebas, l’immensité bleue qui se froissait sous la lumière. La mère ouvrit les volets, la clarté entra comme une vague.
— Regarde, dit-elle. C’est beau, non ?
Mélissa ne répondit pas. Elle posa son sac dans un coin, se laissa tomber sur une chaise et observa l’horizon. Tout scintillait trop fort. Le bleu, le blanc, même les cris des mouettes semblaient crier regarde-moi.
Sa mère, occupée à ranger, ajouta d’un ton léger :
— Demain on ira au marché. Je veux que tu choisisses les tomates.
Mais Mélissa n’entendait qu’à moitié. Dans sa poitrine, la phrase répétait en écho : je ne veux plus le voir, je ne veux plus lui parler. Elle s’y accrochait comme on serre un caillou dans la main pour ne pas sentir la brûlure du sable.
Elle se leva et sortit sur la terrasse. La mer respirait lentement. Elle posa les mains sur la rambarde. Le métal était chaud. Une brise vint soulever ses cheveux et lui caresser les tempes.
C’est là qu’elle la vit.
Une abeille. Seule.
Pas un nuage, pas un essaim, juste une, obstinée. Elle tournait en cercle, bourdonnant à hauteur de ses yeux, comme si elle voulait être remarquée. Puis elle se posa sur la rambarde, fit trois pas minuscules, releva l’abdomen et s’envola à nouveau.
Mélissa la suivit du regard. L’insecte fila droit vers la colline, par-dessus les toits, et disparut dans le soleil couchant.
Elle fronça les sourcils. Une abeille, ici, au-dessus de la mer ? Elle en avait vu des dizaines dans le jardin de sa grand-mère, mais là, sur la pierre nue de la terrasse, ça sonnait comme une erreur. Ou comme un signe.
La voix de sa mère vint de la cuisine :
— Il y a des figues dans le frigo ! Tu veux que je les prépare ?
— Non… merci, répondit Mélissa sans conviction.
Elle resta plantée, les yeux fixés sur la colline. L’air vibrait encore de ce petit bourdonnement. Comme si l’abeille n’était pas partie, mais qu’elle l’attendait, là-bas, derrière les arbres.
Un frisson lui parcourut les bras. Pas de peur. D’appel.
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