Faire l'amour, une expérience mystique

7 minutes de lecture

S'il y a bien quelque chose de regrettable dans une relation amoureuse, c'est le sexe bâclé.

En tant que femme, je ne parlerai que de mon point de vue, de mon expérience, et ne ferai pas de généralités, mais il est sûr et certain que cela parlera à d'autres.

À l'ère du porno et des sites de rencontres comme Tinder ou Gliden, j'imagine combien il est difficile pour les personnes de notre génération de faire l'amour VRAIMENT. Pour les hommes, bien souvent, les relations charnelles sont associées à la performance, et malheureusement, les femmes, nous contribuons aussi à cet état de fait en attendant de vous que vous soyez un "bon coup". Pas facile de s'y retrouvez dans ce mic mac entre stéréotypes, fantasmes et conditionnements.

Pour ma part, j'aime les hommes bien montés, qui ont une certaine endurance et qui savent me faire jouir. Pourtant, malgré la réunion de ces trois critères que je qualifierai d'importants, je peux avoir le sentiment de passer complètement à côté d'une vraie relation intime épanouissante et satisfaisante.

J'ai besoin de plus, de beaucoup plus.

Pour commencer, j'ai besoin de temps. Faire l'amour avant un rendez-vous parce qu'on a une heure à tuer ou entre deux activités parce que bon, soyons fous, profitons-en, pour moi, c'est non. Je ne peux pas. Je n'y arrive pas. J'ai le sentiment que cela va être chronométré (et de fait, ça l'est) et cela rend mon état de pleine présence complètement improbable. Je ne suis pas dedans parce que je pense à l'après. À ce qui nous attend à la suite de ce câlin et cela m'empêchera à coups sûrs de savourer ce moment. J'ai bien essayé de faire abstraction. Force est de constater que je n'y arrive pas. J'ai donc besoin de temps, ce qui signifie que rien ne peut être prévu après sous peine de me perdre dès le début. Ça signifie que je préfère faire l'amour le soir, pas en pleine journée. À moins que la pleine journée soit dédiée uniquement à la glandouille et encore, même là, je ne suis pas sûre que cela me convienne. Car glander, en soi, pour moi, c'est déjà une activité.

Donc, j'aime faire l'amour le soir. La nuit m'inspire plus que la journée. Les teintes chaudes associées à la nuit tombée créent une atmosphère propice à l'intimité que je ne retrouve pas dans la vive luminosité d'une pleine journée. Le calme enveloppant de la nuit est aussi plus invitant à se rapprocher, là où le jour nous donne plus d'énergie pour s'adonner à d'autres activités plus actives.

Ainsi donc, je prefère faire l'amour le soir venu. De préférence après le repas pour ne pas être si affamée que mon esprit se retrouve bloqué sur les sensations de mon estomac vide. Et de préférence pas trop tard non plus car la fatigue prendra le relai sur mon désir et bientôt je n'aurai plus la motivation pour offrir les caresses que je souhaite accorder à l'autre ou recevoir celles qu'il aura envie de me prodiguer.

J'aime faire l'amour le soir, pas trop tard, pour avoir du temps devant moi et assez d'énergie. Faire l'amour est une activité qui peut se révéler physique et même si on est dans un mood tendre, ça peut rester très intense. Du temps, de l'énergie, de l'intensité.

J'aime faire l'amour comme si c'était un rendez-vous sacré. J'aime me préparer. Une douche peut suffire mais dans le meilleur des cas, j'ai envie de me mettre en valeur, de me pomponner, pour m'honorer moi, évidemment, mais pour honorer l'autre aussi. Tout comme j'apprécie de mettre une jolie table pour manger, j'aime me présenter dans mon plus bel emballage. Cela peut passer par une huile ou crème parfumée passée sur le corps, par des sous vêtements un peu plus habillés ou par des tenues plus affriolantes. L'idée d'ornements est importante pour moi, et je me sens plus à l'aise si j'arrive au lit telle une offrande dont l'autre va pouvoir se délecter.

Car il s'agit bien de cela, de se délecter. Hors de question pour moi qu'on me prenne pour un repas de fast food, qu'on m'attaque sans préambule, qu'on me consomme sans décorum. Et pourtant, pourtant, combien sont les hommes avec qui j'ai voulu faire l'amour qui m'ont considérée comme un hamburger.

Seins, fesses, sexe.

Parfois, quelques baisers dans le cou. Parfois quelques caresses sur les cuisses, avant d'attaquer l'entre-jambes.

Seins, fesses, sexe.

Dommage. J'ai une nuque, une colonne vertébrale, un dos, une chute de reins, des jambes, des chevilles, des plantes de pied, des bras qui se plient et forment des creux sensibles. Un ventre qui respire, ondule, qui se meut, et des plis de l'aine qui se détendent. Des cuisses qui s'ouvrent et se referment. Des mains que l'on peut passer par-dessus ma tête pour me faire tout oublier.

Mais de mon expérience, les hommes en sont toujours à : seins, fesses, sexe. Certes, ça fonctionne. Mais si le plat est mangeable, la cuisson est inadéquate. Rien n'a mijoté, rien n'a eu le temps de monter, de s'enflammer. Et je reste sur ma faim. Je veux plus que la sollicitation de mes zones érogènes. Je veux que tout mon corps soit loué, couvert d'attentions, comme si c'était la première et dernière fois que nous allions pouvoir faire l'amour et que nous voulions VRAIMENT en profiter.

Et si c'était la dernière fois ? Aurais-tu fait l'amour avec si peu d'investissement, si peu d'exploration ? Aurais-tu sauté l'apéro, les hors-d'oeuvres, les amuses-gueules et les entrées pour ne te concentrer que sur le plat de résistance dans l'espoir d'arriver vite au dessert ?

Et l'ambiance ? Que dire de l'ambiance ? J'attends tout de ce moment. J'attends une playlist douce qui diffuse de la musique délicate et sensuelle qui ravira nos ouïes, un de nos sens essentiels. Il ne faut pas qu'elle soit trop forte sous peine de ne pouvoir entendre tes mots tendres chuchotés au creux de mon oreille.

Les mots, la musique, les paroles, les sons, autant de stimuli qui sauront me préparer à la suite, qui m'aideront à relâcher les tensions de la journée, à me détendre au point que chacune des caresses reçues sera ressentie à la puissance mille.

L'environnement sonore est mis en place et tu n'as pas oublié les bougies. Parfumées, évidemment. Plus agréables qu'une lumière tamisée, elles permettent également de diffuser une chaleur subtile aux senteurs enivrantes. Toi et l'odeur de ta peau, de ton déo, de ton parfum préféré, moi et mon odeur naturelle, ou celle de ma crème, de mon huile, ou de ma fragrance favorite... et cette bougie qui se consume de plaisir en même temps que nous nous consumons de désir... il y a quelque chose de magique dans ce mélange olfactif. Ça paraît tout con mais pour moi ça ne l'est pas. C'est une porte ouverte vers un nouveau monde... Toi, moi, le soir qui s'annonce, nos corps propres et préparés, la chambre qui embaume, qui chante notre arrivée, des draps fraîchement lavés qui nous accueillent, de la douceur en veux-tu en voilà... voilà qui me semble être un bon début...

Alors tu me diras : et il faut faire ça à chaque fois ? Alors, je te dirai oui. Fais-moi l'amour à chaque fois comme si c'était la première et la dernière fois. Comme si tu n'allais avoir qu'une seule chance et aucun espoir de te rattraper.

Alors tu vas me dire : Mais je ne peux pas, c'est trop compliqué, trop long, trop fatiguant, trop, trop, trop...

Alors je te répondrai que je suis trop pour toi. Que si tu ne peux pas m'offrir une si belle cérémonie à chaque fois que tu as envie de moi c'est que que tu ne me désires pas suffisamment, et je passerai mon tour. Si tu n'es pas prêt à tout me donner à chaque fois que je suis entre tes bras, c'est que tu ne me mérites pas.

Je m'en fiches que tu sois gâté par la nature, endurant ou doué avec tes doigts, je veux que chacune de nos relations intimes soient l'équivalent d'une expérience mystique. Je veux que cela soit un rendez-vous unique et exceptionnel. Je veux des pétales de roses sur le lit et des mots d'amour déposés sous la tête d'oreiller quand tu seras parti. Je te veux créatif et patient. Doux et tendre. Sauvage et appliqué. Fougueux et insolent. Téméraire et inventif.

Ose tout mais écoute bien.

Regarde-moi dans les yeux aussi souvent que possible. Tes yeux ne mentent pas et les miens te diront certainement tout ce que tu as besoin de savoir.

Regarde-moi et parle-moi. Quand tu me sens m'éteindre, interroge-toi. Questionne-moi avec franchise et bienveillance. Autorise-nous à partager plus que nos corps. Demande-moi toujours si tu as un doute. Demande-moi toujours avant d'entreprendre. Mon corps est à moi, ce n'est pas le tien. Sois attentif à ma respiration, à mes mains, à ce que je te confierai tout bas.

Demande-moi plus souvent.

Attends mon autorisation. Respecte-moi de mille et une façons. Ne prends rien pour acquis.

Et si cette mise en scène te fatigue, t'exaspère, alors abstiens-toi.

Faire l'amour ce n'est pas comme aller chercher de l'essence. C'est une expérience d'un autre niveau qui demande énormément de toi, de ton temps, de ton attention.

Fais-le bien, même si ça doit être moins souvent. Rarement même, s'il le faut. Parce que ce sera si intense, si épanouissant et si bon qu'on n'aura pas besoin de le faire frénétiquement. Rends cet instant sacré. Rends-lui la beauté qu'on lui a volé.

Parce que crois-moi qu'aucune femme ne veut qu'on la traite comme une activité lambda.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 6 versions.

Vous aimez lire Argent Massif ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0