2.9 Cassandra Vingt huit ans

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État 34, An 3200

Depuis que je lui ai donné une petite fille, Maman ne s'occupe plus de moi. Je crois que l'éducation de la nouvelle génération lui prend beaucoup de temps. J'en profite pour m'accorder quelques libertés. Je prends enfin soin de moi. Je me mets à fréquenter les instituts de beauté et les salles de sport. Je m'offre le luxe de quelques opérations de chirurgie réparatrice pour corriger quelques signes d'affaissement cutané et surtout la longueur de mon nez crochu.

Grâce à ma sœur Célia, je satisfais enfin mes envies en terme de sexe. J'ai mes petites habitudes dans quelques-unes des maisons closes de ma soeur. Les patronnes savent mes préférences. J'aime les femmes plutôt jeunes et avec des belles fesses. Environ vingt-ans, sportives et à l'arrière-train légèrement bombé par le sport. À force de fréquenter ces lieux, je me rends compte que beaucoup de femmes sont comme moi, attirées par des femmes adultes et consentantes. Je me sens un peu plus normale. D'autres sont vraiment frappadingue.

Je me sens bien plus libre de mes agissements et je ponds régulièrement de nouveaux décrets pour réduire les libertés des reproducteurs et des Zêtas. Chacun d'entre eux me comble de joie. J'imagine les complices de mes tortionnaires subir l'augmentation du nombre d'entraves et toutes ces choses qu'ils aimaient leur être refuser.

Vendredi m'en veut et a cessé de m'adresser la parole. La seule fois où il a ouvert la bouche, c'est pour me dire d'une voix douce et brisé que je devenais un monstre sans cœur. Ses propos m'ont blessée et pourtant, je ne peux m'empêcher de me venger sur les vivants pour ceux qui m'ont humiliée et souillée. Vendredi est l'exception qui confirme la règle quant à la nature vil et animale des sujets masculins.

Quel dommage que mes recherches soient au point mort. Ma Delta stagne et aucun progrès n'a été fait depuis la naissance de ma pseudo-fille. Je lui ai fourni quelques jeunes Zêtas comme utérus, mais nous peinons à obtenir du sperme. Les rares vieux reproducteurs que je n'avais pas envoyé directement se vendre dans un bordel, refusent de donner de leurs personnes et de nous fournir en matière première. Certains se suicident plutôt que de participer. Les autres, je les envoie dans les maisons closes de Célia.

Bref, je ne suis pas prête à fournir un second enfant à Maman. Mes sœurs ont arrêté leurs traitements et leurs tentatives. Je soupçonne même Clara de prendre des substances interdites, empêchant de tomber enceinte. Si Maman savait cela, elle lui passerait un savon mémorable. Je sais que ma plus jeune sœur est terrifiée à l'idée de retomber enceinte. Célia, elle, a carrément arrêté de se faire féconder. Elle surveille avec précision ses périodes d'ovulation et refuse tout coït pendant sa période de fertilité. Leur première grossesse a traumatisé mes sœurs.

Sophie quant à elle, enchaîne les fausses-couches. Malgré mon booster, elle ne parvient pas à garder les embryons plus de quelques semaines. Son moral s'en ressent. Sophie est encore jeune. Elle a déjà eu deux filles avec de très bons potentiels, son aînée étant une future Alpha et la cadette une Delta. Je ne pense pas que le problème vienne d'elle. Ses nouveaux reproducteurs doivent avoir des malformations. Elle ne peut malheureusement pas en changer pour le moment. Déborah et la vice-Suprême actuelle l'empêchent de faire ce qu'elle veut.

Sophie va bientôt devenir vice-Suprême. Elle scrute les premiers signes de ménopause chez celle en poste. Déborah étant totalement naïve et stupide, mon amie aura bientôt une très grande influence. Alors, elle serre les dents, n'ayant que quelques années à tenir. Nous prévoyons également de renverser Déborah d'ici une dizaine d'années. Tout cela me met en joie ainsi que mes amies et sœurs.

Je me suis découverte des affinités plus poussées avec Alpha Marie, la deuxième comparse de la promo de Clara. Nous aimons toutes les deux les filles et flirtons l'une avec l'autre, nous autorisant des gestes tendres sous couvert d'amitié. J'ai encore un peu de mal avec le contact physique intime, toutefois, Marie et moi formons un couple secret tout comme Maman et cette garce de Gwendoline le firent dans mon enfance. Il ne reste qu'à espérer que nous ne finirons pas comme elles.

J'ai une autre petite copine. Une magnifique Delta à la peau ébène qui a une petite fille de dix ans. La femme avait été séparée de sa petite fille au début de mon règne. Mais très vite, comme elle m'était fidèle et dévouée, je lui ai permis de récupérer sa fille, une future Delta elle-aussi. Depuis, elle sait comment me remercier de ma bonté, une après-midi par semaine. Sa peau chocolat douce et satinée est un vrai régal pour mes mains et son corps ferme et musclé, un délice pour mes yeux. Sa langue et ses doigts agiles savent me détendre quand je suis sur les nerfs.

Avec Marie, outre notre attirance physique, nous aimons toutes les deux le loisir totalement futile et improductif qu'est le dessin de mandalas (NDLR : avis du personnage et non de l'auteur). Nous pouvons passer des heures pour colorier ces cercles de mille et unes façon. Nous nous envoyons par mail les photos de nos œuvres et quand nous nous voyons, nous en réalisons parfois à quatre mains.

Je prends conscience de mon âme d'artiste, brimée par Maman. Je suis des cours de dessin et de sculpture. Je m'inscris à une chorale et à des cours de danse. Je déborde d'activités au point d'en oublier parfois la principale et Déborah me recadre sur mes responsabilités en tant qu'Alpha. Vivement que je l'évince celle-là.

Ma nouvelle passion concerne les croquis anatomiques. Je me régale à esquiver des visages ou les courbes des corps. Je fournis même souvent des modèles, utilisant mon pouvoir de persuasion d'Alpha, quand je croise une femme au visage de Madone ou un reproducteur à la musculature intéressante. Je fais peu de nus pour l'instant. J'ai peur de montrer mon trouble devant une jolie fille ou au contraire mon indifférence devant un mâle.

J'ai réussi à traîner vendredi à un de mes cours. S'il a refusé de poser nu, son torse musclé et surtout son visage très plaisant ont fait rougir l'assemblée de demoiselles. Je sens qu'il a bien apprécié de prendre l'air. Je tente de retrouver mon ami en l'emmenant souvent à mes cours. Il s'initie lui-aussi au dessin, mais je dois reconnaître qu'il n'est pas très doué. En tout cas, il s'amuse et doucement me pardonne un peu mes décrets restrictifs. Nous renouons les liens d'amitié peu à peu.

Mon ami a vraiment un succès fou. De plus en plus de femmes s'inscrivent au cours de dessin et je dois parfois faire appel à mon autorité d'Alpha pour le tirer des griffes des dames en chaleur. Certaines ne se cachent pas de leurs intérêts et m'ont demandé le prix pour la location durant quelques heures ou un week-end de mon ami vendredi. D'autres, sont un peu plus civilisées et se contentent de regards envieux ou de sourires tristes.

L'une des femmes parmi les plus discrètes suscite l'intérêt de vendredi. Pas une attirance physique, mais de la curiosité. Mon ami échange parfois des regards interrogatifs ou inquiets avec la demoiselle. Je me suis renseignée et cette jeune femme est totalement inconnue de mes services et ne semble avoir aucun lien avec mon ami.

Une fois, ayant vu un échange bref de papiers entre eux, j'ai fouillé les vêtements de mon ami du soir, pendant qu'il dormait. Je n'ai trouvé qu'une image en papier vert avec un bonhomme smiley qui sourit. J'ignore ce que cela signifie. En tout cas, je surprends parfois vendredi à caresser le bout de papier en souriant tristement comme s'il s'agissait d'un trésor.

La jeune femme nommée Renée est âgée de vingt-six ans. C'est une Epsilon qui occupe le poste d'infirmière au département pédiatrique de l'Hôpital central. Mis à part qu'elle habite la même ville, rien ne relie cette personne à vendredi ou à moi. Le seul élément tangible est que c'est elle qui effectue les analyses du prélèvement sanguin de mon enfant, comme elle l'a fait pour un grand nombre de bébés nés dans l'hopital où je suis allé, et ce depuis dix ans. Bref, c'est une totale inconnue.

La femme vient à tous les cours de dessin, et bien qu'elle ne soit pas trop mauvaise, j'ai l'impression que cette soudaine assiduité n'est en rien lié à une quelconque passion pour l'art du fusain. Elle vient clairement voir vendredi. Pourtant, elle a un reproducteur, dont elle semble folle, nommé Malik. Ce n'est pas une attirance physique mais autre chose.

Je fais mine de discuter avec la jeune femme qui m'évite clairement. Cela me tracasse alors je demande à une de mes jeunes espionnes de suivre la donzelle. Durant près de deux semaines, j'ai trace du moindre déplacement de Renée, de toutes les personnes avec qui elle parle et de toutes les choses qu'elle fait. Rien de suspect si ce n'est mon instinct. Mais bon, mon instinct n'est pas fiable, quand on voit qu'il m'a fait devenir ami avec Édouard. Je finis par abandonner au bout de trois mois de recherches infructueuses.

Vendredi est de plus en plus rêveur et se montre très distrait. Il ne m'écoute quasiment pas, songeant à Dieu sait quoi. Quand je l'interroge, il me demande ce qu'est devenue notre fille et si j'ai des nouvelles d'elle. Un peu en colère devant son manque d'intérêt pour ma personne, je lui avoue qu'elle est morte des suites d'une maladie infantile et que je n'avais pas osé lui dire avant. En réalité, j'ignore totalement ce que ce bout d'humain est devenu.

Je vois vendredi accuser le coup et se retenir de pleurer. Ça lui apprendra à penser à quelqu'un d'autre que moi. J'exige d'être le centre de son univers. Je suis l'Alpha. Il doit être entièrement à mon service. Je ne veux pas qu'il rêvasse ailleurs. Je m'en fiche de ses enfants. Il est à moi et eux ne sont rien qu'un doublon de mâles et une Zêta ignare.

Mais mon instinct n'avait pas tort. Un jour que je rentre de trois jours de déplacement, je trouve la porte de mon domicile fracturée. Quelques objets insignifiants ont disparu, mais surtout, mes cinq reproducteurs et trois des Zêtas à mon service quotidien. Ils sont tous partis avec leurs affaires. On vient de me dérober mes biens et ils n'ont pas opposé la moindre résistance au vu de l'absence de traces de lutte.

J'appelle immédiatement les services de police et quelques espionnes bien placées. Personne ne sait ce qui s'est passé. En revanche, la fameuse Renée et son reproducteur Malik ont totalement disparu de la circulation le jour de mon retour. Je suis persuadée que cette femme est impliquée dans cet acte ignoble de vol envers l'Alpha.

Je réalise que mon ami vendredi m'a abandonné en étant parfaitement conscient de ses actes quand je trouve une photo de mon bébé âgé de quelques jours avec un mot derrière l'image. "Sa mort et ton indifférence sont la goutte d'eau de l'ampleur de ta monstruosité. Je voulais être ton ami et t'aider. Tu m'as utilisé comme un vulgaire objet. Adieu"

Vendredi m'a menti. Premièrement, il sait écrire et sûrement lire. Deuxièmement, il m'avait promis de rester avec moi et d'être mon ami. Il m'a trahi. Je le déteste. Il est comme tous les autres finalement. Je hais les mâles, je hais les Zêtas. Je me sens si seule. Je n'ai plus personne.

Sophie et Marie sont gentilles, mais je sais au fond de moi qu'elles ne le font que par peur de mes colères et de mon réseau d'endoctrinées bien plus important que le leur, surtout si on additionne celui de mes sœurs et de quelques alliés de Maman encore au pouvoir. Elles craignent le jour où je serais Suprême et protègent leurs arrières en faisant les belles auprès de moi.

Je rentre dans une colère noire. Je lance aussitôt un avis de recherche à l'encontre de Renée, Malik, vendredi, son ex propriétaire et les deux fils de vendredi. Je les veux mort ou vif et je suis prête à payer le prix qu'il faut pour retrouver ceux qui m'ont trahi et me venger. Mes prochains reproducteurs vont subir mon courroux.

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