Chapitre 3 - Lumières

4 minutes de lecture

 Perdue dans ses pensées, elle se regardait par moments dans le miroir, toujours sans se reconnaître. Rien ne lui revenait ni ne lui parlait. Son regard alternait lentement entre le petit objet réfléchissant et le vide dans lequel elle se perdait. De longues minutes s’écoulèrent où elle fouilla en vain dans sa mémoire. La seule chose dont elle se souvenait d'avant son réveil était cette vision cauchemardesque du monstre qui la poursuivait. Rien d’autre. Il ne lui restait plus qu'à quitter les lieux pour en savoir davantage. Elle ne pouvait se permettre d’attendre la venue de celui qui lui avait apprêté ses affaires, il lui fallait agir pour éviter de sombrer dans l’inquiétude et la folie.

Prenant enfin le taureau par les cornes, tremblante de peur et se demandant ce qui pouvait bien l’attendre par la suite, elle posa le miroir sur ses cuisses et se saisit de la besace de cuir qu'elle n'avait pas encore touché. Dedans, se trouvaient une gourde, trois pommes et un couteau à la lame usée. Observant le fruit d’une belle couleur rouge, elle le fit tourner dans le creux de sa main. Elle se rendait compte qu’elle connaissait le goût qu’aurait ce fruit sans pour autant se souvenir qu’elle en avait mangé un jour. Elle savait aussi qu’elle aimait sa saveur sans se l’expliquer non plus. Elle n’avait donc pas tout oublié puisqu’elle remettait des noms sur des objets ou des choses et qu’elle était capable de savoir à l'avance quel goût pouvait avoir une pomme. Ce fait, bien que minime, la rassura quelque peu. Tout n’était peut-être pas perdu. Elle croqua dans le fruit.

 L’estomac un peu plus rempli, elle se décida à partir. Il ne restait qu’un fruit dans la sacoche de cuir et le couteau dont elle ne s’était pas servi. Elle y ajouta le miroir qui prit toute la place restante. Accrochant son attirail autour de son épaule grâce aux deux longues lanières qui pendaient, elle put enfin se mettre en route.

À l’opposé de l’arbre duquel elle était « tombée », s’ouvrait un tunnel assez petit et étroit. Elle s’y engagea en baissant la tête, non sans appréhension. La présence de mousse phosphorescente sur les pierres la soulagea. Elle n’aurait pas à s’enfoncer dans les ténèbres à l’aveuglette. Bien qu’elle ne pouvait voir que sur une courte distance, le bleu qui ressortait dans l'obscurité lui permettait de se guider. Aucune bifurcation ne la fit hésiter. Le tunnel n’avait qu’une issue. Il serpentait par moments et montait de façon régulière grâce à des marches de taille similaire qui semblaient avoir été taillées de main d'homme. Elle faisait simplement attention de ne pas glisser ou de ne pas se cogner par mégarde. Il ne lui fallut pas plus de quinze minutes pour arriver enfin à… une impasse.

Les mousses à la lumière bleutée s’arrêtaient toutes au même niveau et éclairaient un mur bas de pierres grisâtres. Déconcertée, elle s’en approcha. En tâtonnant, elle finit par trouver quelques creux sur les hauteurs de la paroi et les pierres supérieures ne semblaient pas très bien jointes. Elle tenta d’en tirer une située tout en haut, ce qu’elle fit sans mal. Recommençant avec un deuxième bloc, elle constata que le mur était très facilement démontable. Animée par un élan d’espoir, elle continua de retirer les morceaux qui tombèrent un à un à ses pieds en s’entrechoquant. Une fois la hauteur du mur diminuée à hauteur de son nombril, elle entreprit de ramper au travers du trou qu’elle venait de créer. Des lianes lui barrèrent aussitôt le chemin. Nombreuses, épaisses et enchevêtrées, elles étaient impénétrables. C'est alors qu'elle entreprit de sortir le couteau de sa besace et, malgré le fait qu’il soit émoussé, elle parvint à couper une majorité de brins et à se créer un passage suffisant pour passer toute entière. Une lumière blafarde se dégageait même du trou qu'elle venait de réaliser. Essoufflée suite à cet effort, elle s'engagea en rampant dans l'interstice et, moins d'un mètre plus loin, elle se retrouva enfin à l’air libre.

 Il faisait nuit dehors. Une brise fraîche balayait doucement les lieux. Cela lui fit le plus grand bien et elle resta là un moment, récupérant sa respiration après cette lutte contre la végétation. Un rayon lumineux de couleur bleu turquoise sortait du haut du talus qui se trouvait derrière elle et éclairait les environs. Ce faisceau s’élevait si haut dans le ciel, traversant les frondaisons, qu’elle n’aurait su dire jusqu'à quelle hauteur il pouvait bien aller.

Quelle étrange lumière…

Elle considéra un instant le monticule, curieuse de savoir ce qui pouvait engendrer un tel phénomène, puis abandonna toute idée d’y grimper. Elle se sentait épuisée et incapable d’entreprendre une ascension aussi petite soit-elle. Au moins pouvait-elle voir autour d’elle. Une forêt clairsemée l’entourait. Bien que seuls des bruits lointains de bêtes sauvages et le hululement d’oiseaux nocturnes se faisaient entendre, se retrouver en de tels lieux lui donnait un sentiment d’insécurité instantané.

Une forêt… Encore…

Difficile pour elle de ne pas repenser à cette course folle dans les bois. Cela lui paraissait tellement irréel qu'elle ne savait pas si elle l’avait vraiment vécu ou simplement rêvé… Rien de ce qu'elle pouvait observer autour d'elle ne lui ramenait la mémoire. Ses derniers souvenirs n'allaient pas au-delà de son réveil dans cet arbre étrange et de cette vision terrifiante de ce monstre qui l'avait traquée. Tendue à l'idée qu'il puisse surgir de nouveau, elle entreprit de partir dans la direction opposée à celle du rayon doré. Attendre ici était impensable.

 Elle eut à peine le temps de faire quelques pas qu'un son la tétanisa. Un bruissement de feuilles mortes… Le sol en était jonché et, bien que ses enjambées aient engendré beaucoup de bruit, elle était certaine d’une chose, ce qu’elle venait d’entendre n’était pas de son fait.

Alors qu’elle demeurait immobile, le silence ne dura pas bien longtemps, un nouveau frémissement retentit un peu plus loin. Paniquée, elle ne tergiversa pas davantage et prit ses jambes à son cou.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 1 versions.

Vous aimez lire Lisounette ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0