Le coup de foudre de mes dix-sept ans
Je me souviendrais toujours de l'année de mes dix-sept ans. C'est l'année où il est entré dans ma vie. Cela a été un coup de foudre.
C'était les vacances d'hiver. Février. Le froid, la pluie, la neige... Ma meilleure amie m'a invité à dormir chez elle par deux fois. La première fois, on s'était vraiment bien amusé avec son copain et son frère. J'étais repartie tôt le lendemain, alors elle m'avait proposé de revenir. J'avais accepté, et Léa, ma meilleure amie, m'a demandé de venir tôt. Soit. Je suis arrivée chez elle à 13h. Elle n'était pas là.
Pourquoi me demander de venir si tôt si c'est pour ne pas être chez toi ? C'était LA question.
Son frère m'a ouvert. J'étais un peu mal à l'aise avec lui. Il n'était plus jeune que nous de seulement un an et demi, pourtant... Un monde nous séparait. Nous n'aimions pas les mêmes choses, n'avions pas les mêmes centres d'intérêts. Mais, si j'étais mal à l'aise, c'était parce qu'il avait toujours pris soin de moi.
Deux ans auparavant, alors que j'avais appelé sa sœur en larmes pour dormir chez elle, il avait essayé de me faire rire en attendant qu'elle rentre. Le soir, il avait passé la soirée avec nous, m'apportant tout ce que je voulais et c'était endormi près de moi. Et, quatre jours auparavant, lorsque j'avais dormi chez eux, il m'avait donné son doudou pour dormir, car j'avais oublié le mien.
Pour lui, je n'étais pas la meilleure amie casse-pieds de sa grande sœur. J'étais la jolie meilleure amie de sa grande sœur.
Alors, il m'a ouvert la porte. De toute évidence, il venait de sortir du lit. Il était encore en pyjama. Ses cheveux noirs tombaient sur ses épaules. Ses yeux d'un marron intense étaient encore rouges et cernés. Je m'étais excusé de l'avoir réveillé, mais ce n'était pas un problème, m'a-t-il dit.
Il s'est tout de suite mis au petit soin. Il m'a proposé de boire, à manger, m'a demandé de me mettre à l'aise le temps qu'il prenne sa douche. Dix minutes plus tard, il est revenu, frais comme un paon. Il avait attaché ses cheveux en une petite queue de cheval, il avait passé un jean gris sombre avec un sweat à capuche. Ses yeux étaient grands ouverts.
J'avais l'air fatigué d'après lui. Et je l'étais. Ce jour-là, je m'étais couché à quatre heures du matin. J'avais fait une insomnie. Il m'a laissé deux choix : rester me reposer dans la chambre de sa sœur ou bien l'accompagner chez le dentiste. Mais où était ma meilleure amie ? Pourquoi m'avoir fait venir si tôt ? Ce sont les questions qui m'ont traversé l'esprit pendant que lui, me regardait avec un petit sourire.
Ce sourire... C'était le sourire dont il me gratifiait tout le temps. Il n'était pas malsain ou malicieux, il était bienveillant. J'ai choisi de l'accompagner parce que je n'avais pas envie de dormir.
J'ai marché derrière lui. Je regardais ses longues jambes grimper la pente à toute vitesse. J'observais son dos se courber par l'effort. J'étudiais la fumée rejetée par sa bouche. Il faisait si froid, mais je ne me plaignais pas.
Parfois, nous parlions. Je ne saurais plus dire de quoi, c'était il y a si longtemps, mais à un moment donné, il s'est moqué de moi. Je me rappelle qu'il a eu ce sourire espiègle, provocateur. C'était nouveau. Il avait les yeux brillants d'amusement. J'ai fait semblant que cela m'avait blessé. J'ai boudé. Cela l'a fait encore plus rire. Son rire... Il était contagieux.
Nous sommes arrivés à son dentiste. J'ai attendu dans la salle d'attente. Je l'ai regardé parler avec la secrétaire. Sa tête se hochait souvent alors qu'elle lui posait quelques questions. Ses cheveux noirs se balançaient. Il était droit. Il a tout de suite été appelé par le médecin.
Quand il est revenu, il m'a fait un sourire avant de se tourner à nouveau vers la secrétaire. Il a récupéré ses papiers et nous sommes sorties. Dehors, le froid m'a mordu. Dehors, mon ami à fermer son manteau, a mis ses gants. Il s'est tourné vers moi et a refait sa blague. J'ai fait mine de bouder, après tout, cela m'amusait et là, il a fait quelque chose de bizarre.
— Oh ! Allez, viens là, m'a-t-il dit.
Je n'ai pas compris tout de suite. Il m'a pris dans ses bras. Quelque chose s'est réveillée en moi. Des papillons se sont envolés dans mon ventre, une chaleur soudaine s'est logée dans mon cœur. J'ai rougi, il me semble, mais il ne l'a pas vu.
Nous sommes rentrés. Nous étions encore seuls. Nous avons joué à un jeu vidéo. Il tenait la manette fermement. Ses doigts bougeaient sur les joysticks avec aisance. Il avait cette dextérité que je n'ai toujours pas aujourd'hui. Il riait. Il semblait si heureux, si apaisé. Et dès qu'il posait ses yeux sur moi, j'avais des fourmillements au creux du ventre. Quelque chose avait changé.
Il était plus tactile. Il me chatouillait, me pinçait la joue. Il ne l'avait jamais fait avant. Il se rapprochait de moi, de cette manière si fine que je ne m'en rendais pas compte.
L'après-midi est passée vite. Sa mère est rentrée, suivie de sa sœur. Nous avons parlé, joué, regardé un film. La soirée est arrivée. Sa mère a rejoint son conjoint pour la soirée. Et il y a eu un souci avec le copain de ma meilleure amie. Elle s'est levée, le téléphone sur l'oreille. Elle faisait les cent pas en discutant. Elle avait un pli sur le front. Elle était nerveuse.
Son frère est allé dans la cuisine. Il m'a fait un long regard, comme pour me demander de le suivre. Ce que j'ai fait. Je n'ai jamais su pourquoi. Mon cœur me disait de le suivre. Mon être me demandait de le faire. Mon âme savait déjà. Je suis restée contre le réfrigérateur. Lui, il buvait un verre d'eau, les yeux fixés sur moi.
Ses yeux avaient cette lueur. Ils ne brillaient plus d'amusement comme plus tôt dans la journée, cette fois ils flamboyaient. Il s'est approché de moi. Je n'ai pas bougé. Je sentais son souffle sur mon visage.
— Quelque chose a changé, n'est-ce pas ? m'a-t-il demandé.
Il me regardait si intensément que ma voix est restée bloquer dans ma gorge. J'ai hoché la tête, intimidée.
— Est-ce que tu le ressens toi aussi ?
Il était si proche. Sa chaleur corporelle enveloppait la mienne. Mon cœur a bondi, s'est enflammé. Toutes mes pensées se sont figées. Tous mes problèmes se sont envolés en une seconde. Ce garçon, le petit frère de ma meilleure amie, celui, que je pensais, ne m'appréciait pas, était devenu en une seconde, quelqu'un dont j'étais tombée amoureuse.
De nouveau, j'ai hoché la tête incapable de parler. Et lui, il a posé ses mains sur mes hanches, a penché la tête et m'a embrassé. Nous avons fondu l'un contre l'autre. Il m'a plaqué contre le frigo et il s'est perdu dans notre baiser.
Quand nous nous sommes séparés, sa sœur est venu vers nous. Elle a demandé à son frère d'aller chercher son copain qui était à quelques arrêts de tramway. Visiblement, il y avait un problème.
Il a enfilé ses chaussures, sa doudoune noire et il m'a embrassé le front. C'était un geste si naturel, comme si nous étions ensemble depuis des années. Sur le pas de la porte, il m'a fait un clin d'œil. Ce jour-là, j'ai eu un coup de foudre. Ce jour-là, le frère de ma meilleure amie m'a volé une part de moi.
Je n’ai jamais réussi à récupérer cette partie de moi. La vérité, c’est que ce garçon a été mon premier amour, et je n’arriverai jamais à cesser de l’aimer.
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