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Nous fîmes une pause dans un petit local meublé d’une table et de quelques chaises, on y trouvait aussi un évier, une machine à café et un réfrigérateur. Lucie sortit des capsules de son sac ainsi qu’un paquet de biscuits.

— Pour les boissons fraîches, expliqua-t-elle, vous devrez les apporter vous-mêmes. Vous pouvez aussi réapprovisionner le café et parfois l’un ou l’une d’entre nous prépare des pâtisseries maison. C’est mieux d’avertir une semaine à l’avance.

Je me contentai d’un verre d’eau du robinet, Florian but un Nespresso. Une idée me vint à l’esprit : lorsqu’il ferait chaud et que la répétition serait physique, une douche serait la bienvenue à la fin. Je posai la question.

— Non, me répondit la présidente, pas de douches. Il y a bien deux vestiaires séparés pour les hommes et les femmes, mais qu’une seule cabine dans chacun. Le temps que tout le monde y passe et tu serais déjà chez toi. Bon, je sais tu ne viens pas en voiture, tu auras plus de place dans le bus.

André, qui était le mari de Lucie et le caissier de la troupe, ajouta :

— Il n’y aurait pas d’eau chaude non plus, nous devrions la payer, économies d’énergie obligent. Et payer le nettoyage. Les vestiaires sont fermés et on se changera sur la scène lorsque nous aurons les costumes.

Nous reprîmes la répétition, Olivier avait noté sur un tableau à feuilles les différents rôles et leurs titulaires. Chacun lut le texte qu’il aurait à jouer, sans chercher à le déclamer d’une manière ou d’une autre, c’était juste pour se familiariser avec l’histoire. Je mis en exergue mes répliques avec un surligneur jaune.

Le temps passa rapidement, je fus étonné lorsqu’Olivier nous indiqua que la répétition était terminée. Son horaire avait été légèrement modifié afin que nous pussions prendre le bus sans trop attendre, il n’y en avait qu’un par heure le soir.

Dans le véhicule, je m’assis à côté de Florian— il y avait peu de monde à cette heure-là, l’absence de douche ne changerait rien —, il eut la politesse se ne pas remettre son casque, mais il n’était pas très causant, moi non plus d’ailleurs. J’avais commencé le théâtre pour vaincre ma timidité presque maladive.

Peu avant Lausanne, je finis par lui demander :

— Tu habites où ?

— À Lutry, une maison au bord du lac.

— Chez tes parents ?

— Bien sûr, me répondit-il avec un peu de dépit dans la voix, où voudrais-tu que j’habite ? Cela a cependant quelques avantages.

Il pensait certainement aux tâches ménagères qu’il n’était pas obligé de faire lui-même : repas, lessives, nettoyages, tâches dont j’étais maintenant obligé de m’occuper depuis que je vivais seul et qui m’horripilaient.

— Tu t’entends bien avec tes parents ? lui demandai-je, regrettant immédiatement d’avoir posé cette question qu’il aurait pu trouver indiscrète.

— Dans l’ensemble, oui. Mon père travaille beaucoup et je ne le vois pas souvent. Ma mère est parfois un peu trop envahissante.

— Elle travaille ta mère ?

— Si l’on peut appeler cela travailler, elle écrit des poèmes.

— Et ton père ?

— Il est professeur au CHUV. (NDA Centre Hospitalier Universitaire Vaudois)

J’expliquai ensuite à Florian que j’habitais à Renens dans un immeuble locatif qui venait d’être construit près de la gare. Nous nous quittâmes au terminus du bus, à la station Riponne-Maurice Béjart. Je pris le métro jusqu’au Flon, puis un autre bus pour rentrer chez moi.

Mon ex-femme avait gardé notre ancien logement au Locle, j’avais donc acheté quelques meubles et aménagé sommairement mon nouvel appartement de deux pièces, encore encombré de tous les cartons que je n’avais pas déballés. Ni rideaux, ni tableaux, ni plantes vertes.

Je passai des habits d’intérieur, tee-shirt et pantalon de survêtement, puis je m’assis sur le canapé. Je repensai à cette première répétition. Même si nous n’avions pas encore joué, cela m’avait paru très intense. Cela me rappelait des souvenirs déjà très lointains, ceux de ma première expérience théâtrale. J’y avais rencontré ma femme. À cet âge on est plus insouciant, on s’imagine que l’amour avec un grand A durera toute la vie. Et puis c’est la routine qui s’installe, les petites manies, les disputes futiles, l’enfant qu’on espère pour nous réconcilier et qui ne vient pas.

Et, dix ans plus tard, je me retrouvais seul dans un appartement sans âme, un quartier sans âme, un boulot sans âme qui me permettait cependant de bien gagner ma vie. Je pensai à Florian : ferait-il les mêmes erreurs que moi ? Pas tout à fait, puisqu’il désirait devenir un artiste, accepter d’être mal payé, d’être un de ces fameux intermittents du spectacle, plus souvent au chômage que sur une scène. Évidemment, papa allait probablement approvisionner discrètement son compte en banque, encouragé par maman la poétesse qui comprenait très bien les désirs artistiques de son fils.

J’étais peut-être complètement à côté de la plaque, mais une chose était sûre : Florian m’avait troublé.

J’enfilai machinalement ma main dans mon boxer et je sentis grossir mon pénis, je le sortis sans même me déshabiller, j’avais une très forte envie de me branler, c’était finalement assez rare que je le fisse depuis mon divorce, plus pour des raisons hygiéniques qu’érotiques, pour maintenir le matériel en état de fonctionnement au cas où le logiciel passerait à la version 2.0.

Je m’imaginai que Florian le faisait aussi au même moment, en train de regarder des vidéos pornos sur son ordinateur, sa bite dressée hors de son boxer, comme moi, ou alors couché sur son lit, entièrement nu ; à son âge c’était normal. J’éjaculai trop rapidement, je pris la décision de me « vider les couilles » plus souvent.

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