Je sais qui tu es
Tu frappes.
Trois coups.
Silencieux, pourtant.
Je n’ai pas besoin de regarder par le judas : je sais que c’est toi.
Le Vide. Pas un cri, pas un visage. Un creux. Une attente qui pèse.
Tu veux entrer. Tu veux parler.
Mais je te connais déjà. Tu n’as pas besoin de voix : tu as la mienne. Tu n’as pas besoin de discours : tu fais résonner mes silences.
Tu es venu souvent, déguisé :
le jour où j’ai compris que j’étais différent,
le soir où mon père m’a dit de ne plus jamais « jouer au fragile »,
la fois où je me suis forcé à sourire devant leurs blagues pour ne pas qu’ils devinent.
Tu étais là, tapi dans les coins de mon cœur, à me souffler que je serais seul, toujours seul.
Tu n’es pas venu avec des chaînes, mais avec des doutes.
Pas pour me frapper, mais pour me faire croire que je n’avais rien à défendre.
Et tu reviens aujourd’hui. Comme une vieille connaissance, avec ce même air fatigué.
Tu veux que je t’écoute ? Que je t’ouvre ?
Tu veux discuter ? Très bien.
Alors écoute-moi.
Oui, j’ai eu peur. Oui, j’ai voulu disparaître dans des sourires trop polis et des silences bien tenus.
Oui, il m’est arrivé de croire que je n’étais qu’un détail brisé dans une image parfaite.
Mais tu sais quoi ? J’ai aimé. J’aime.
Un garçon m’a regardé un jour avec une tendresse que tu n’avais pas prévue.
Il m’a pris la main en public. Il a dit mon prénom comme si c’était une chanson.
Et cette chaleur-là, tu ne peux pas la digérer.
Elle te repousse.
Je t’ai déjà ouvert trop souvent. Tu t’es assis dans mes draps, sur mes épaules, dans mes rêves.
Mais aujourd’hui, je suis debout.
Il y a des hommes derrière moi, des garçons, des souvenirs tendres. Il y a des rires qu’on a volés à la honte. Il y a des bras qui me serrent comme si j’étais entier.
Alors non, le Vide. Tu n’entreras pas.
Tu peux frapper autant que tu veux.
Moi, je vais rejoindre celui qui m’attend — ou l’attente elle-même, mais pas toi.
Je ne suis pas vide.
Je suis plein d’amour. Et de vie.
Note de l’auteur :
Ce texte a été écrit en réponse au défi « À votre porte se trouve… Le Vide » lancé par Milia.
Je l’ai abordé comme une rencontre intime et frontale avec le Vide intérieur : celui qui murmure quand on doute de soi, celui qui rôde quand on se sent de trop, surtout quand on aime différemment dans un monde qui nous apprend à nous taire.
À tous ceux et celles qui, un jour, ont cru qu’ils n’étaient pas assez pour être aimés : vous n’êtes pas seuls.
— La Voix Qui Écrit
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