Tuer pour survivre

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Tous me voient comme l'ombre. L'ombre assassine, ce fantôme qui hante chaque être dans ce royaume de souffrance. J'inspire la terreur, partout, chacun de mes pas terrifie les enfants. Je ne suis finalement plus que ça. L'ombre.

Laissez-moi me présenter. Je m'appelle... Comment je m'appelle ? Aucune importance. Je suis l'ombre. Dans mon royaume, les elfes dominent. Mais oui, ils sont tellement beaux, puissants, riches...

Les autres peuples ne représentent que de simples insectes pour eux, des cafards rampant à leurs pieds dans l'espoir qu'on les épargne. Ces sublimes créatures dominantes les regardent de haut, avec dégoût et mépris, ou détournent le regard.

Souvent, ils les tuent. Oui, de leur lame cachée sous leur grand manteau, si les autres peuples posent la main sur eux, ils leur enlèvent la vie, d'un geste aussi anodin qu'habituel. Parfois, ils le font seulement pour s'amuser. Certains s'amusent même à les séduire pour ensuite les massacrer. C'est plus drôle après tout.

Mais le Roi des elfes est bon, à ce qu'il paraît. Il nous offre une chance à nous, humains, loups-garous, vampires, nains.

En devenant ses assassins, nous sommes protégés. Nous devenons à notre tour privilégiés. Des êtres supérieurs.

Pour ne pas se faire tuer, il faut tuer.

Ma famille est la plus grande famille d'assassins humaine qui existe, et ce, depuis des dizaines de générations. De notre naissance à notre mort, nous nous entraînons, puis tuons sans remords ceux de notre espèce qui refusent de tuer. Moi, la fille de cette noble famille, l'une de celles qui ont réussi à s'imposer dans un monde qui n'est pas le leur, je ne fais pas exception. C'est ainsi que je suis devenue l'ombre.

Je vais clarifier un point. Nous ne tuons pas sur mission, ou demande. Non, nous n'avons aucune condition, à part que nous devons tuer. Pas les elfes. Tuer toutes les "créatures" comme disent nos dominants. Plus nous tuons, plus nous sommes respectés. Ma famille, depuis des siècles, est élevée au même rang que les Elfes. Nous sommes devenus, comme eux, des Immortels. C'est le pacte du Roi.

Ce pacte veut que chaque fois que nous goûtons le sang d'un nouvel être, nous gagnons un an de vie. Un an où aucune lame ne peut transpercer notre poitrine, où aucun croc ne peut saigner notre cou, où aucune bête ne peut nous arracher la jambe. Invincibles pendant un an chaque fois que nous tuons. Mais, au final, nous tuons pour le plaisir. Le pacte n'est qu'un prétexte car, si nous ne tuions que pour survivre nous pourrions ne tuer qu'une fois par an. Or, c'est loin d'être le cas.

Sous ma capuche noire, mon oeil d'obsidienne luit dans la nuit. Ce soir, c'est la pleine lune. Selon ma propre condition, je dois tuer l'Alpha des loups garous.

Sur les toits du majestueux château du roi Ramond, une ombre se faufile silencieusement, vive, rapide. Moi.

D'un geste fluide, je saute du toit, atterrit dans le plus grand silence. Immédiatement, je me faufile entre les arbres. La meute hurle. Ils hurlent car ils savent ce que je m'apprête à faire. Ils savent qu'ils ne peuvent m'en empêcher.

De branche en branche, les hurlements se font de plus en plus proches, nets. Le son de la souffrance, qui déchirerait le coeur d'un enfant, qui briserait celui de mon frère, tout juste né, encore innocent. Mon coeur à moi se durcit encore, tandis que ma délectation se fait plus grande. L'adrénaline monte en moi. Le si doux goût du meurtre fait son apparition dans ma bouche, enfin.

La meute est réunie autour du Rocher de la Lune. Perché sur la roche sacrée, l'Alpha hurle. Il hurle ses adieux, pleure pour ses sujets.

J'extirpe ma lame de son fourreau. La lune se reflète dans l'argent pur. Les loups sentent déjà mon odeur, et, pleins d'espoir, foment une barrière tout autour de leur chef. Tous prêts à mourir pour leur guide ? Quels stupides animaux. D'un bond, je me projette sur le premier. Il a à peine le temps de réagir que l'argent lui traverse la chair. Son sang, noir, recouvre ma si belle lame. Dans un hurlement de douleur, l'animal meurt. Il est le premier.

Un à un, je les massacre tous, avec cette excitation qui me caractérise désormais. L'adrénaline du meurtre, cette soif de tuer, encore et encore. Il ne reste que l'Alpha. Voilà un moment que j'aurai pu le tuer, mais il est tellement plus délectable de finir par cette bête qui représente tant pour les autres...

Le brave loup blanc, devant ses camarades gisant, ne bouge pas. Il me lance un air de défi, sûr de lui.

Sans même courir, je m'approche de lui. Il ne bronche pas. Son regard, bien que me défiant, traverse mon âme, comme s'il y cherchait l'humanité qui se trouve encore en moi. Recherche vaine, l'ombre n'est plus humaine.

Alors, pensant me dominer de la sorte, l'Alpha se métamorphose. Il redevient l'homme qui habite le corps de la bête. Il fait bien deux têtes de plus que moi, et porte dans sa main droite une lame. Lui aussi, veut me tuer ? C'est intelligent. Mais trop tard.

Je suis née assassin.

J'ai grandi assassin.

Je le tuerai assassin.

Et dans un geste si bref qu'il ne s'en rendit pas compte, je l'execute. Ma lame d'argent traverse sans un bruit sa poitrine humaine. Il ne me fait même pas le plaisir d'hurler de douleur, non, il s'endort simplement. Cet animal n'a même pas eu le courage de tuer, il est mort comme tous les autres, comme chaque Alpha à la pleine lune depuis des années.

À mes pieds gisent désormais les cadavres de la meute entière. Tous, sans même avoir pu me tenir tête, sont morts comme les cafards qu'ils sont. Ma lame les a traversés comme elle traverserait n'importe qui.

Je ne suis pas n'importe qui. Je suis devenue supérieure, capable de tout. Je suis une Déesse, comme tous les elfes !

Et avec un sourire de satisfaction, je trempe mes doigts dans le sang de l'Alpha avnt de le porter à mes lèvres. Les autres ne méritent même pas que je goûte leur sang impur.

Je suis l'ombre.

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