2.5

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René se fout pas mal de la donzelle. Pour lui, les beaux yeux, beaux culs, jolis coeurs et autres fadaises n'ont jamais fait partie de son univers préféré. Alors, il bouscule Conardus qui est hypnotisé par le regard de serpent d'Agathe, puis, s'en prenant à Raymond qui tarde à revenir sur Terre, il apostrophe l'assemblée :

  • Bon, je veux bien vous accorder encore une seconde de méditation. Après, je vous préviens que je prends les choses en main, vu ?
  • Et si on se calmait un peu ? propose Agathe qui commence à souffrir du feu derrière elle. Si on se posait autour de la table ? On pourrait discuter calmement, croyez-pas ?
  • Passe à table... invite Raymond d'une voix doucereuse.
  • Ouais, on t'invite... continue René.
  • Je savais que je pouvais compter sur votre savoir-vivre, fait Agathe qui reprend espoir.

Elle s'éloigne lentement de la cheminée, s'approche à pas lents d'une chaise, s'en saisit et s'asseoit doucement, les mains serrées contre son manteau de laine. Conardus fait un mouvement pour l'inviter à se défaire de celui-ci, mais Agathe refuse en secouant la tête frénétiquement.

  • Laisse flotter, amigo, fait Raymond. Mamy sait se tenir, elle aussi. Je suis sûr qu'elle n'est pas venue les mains vides... N'est-ce pas, ma belle ?
  • Ah...Raymond... Tu me connais déjà tellement bien, répond-elle d'un sourire qu'elle voudrait enjôleur.
  • Ouais, tout en profondeur, on dirait ! fait René en clignant de l'oeil.
  • Il ne tient qu'à vous de me connaître aussi, rétorque la vieille. Je suis persuadée que nous trouverons vite un terrain d'entente...
  • Te fatigue pas, morue. Marchera pas avec moi, tes salamalecs. Prouve-moi, plutôt, que mon pote Raymond se goure pas quand il parle de ton savoir-vivre !

Agathe reçoit le message cinq sur cinq. Alors, à gestes mesurés, comme pour faire durer le suspens, elle entrouvre les pans de son manteau. Conardus est sur le point de défaillir, s'attendant peut-être à découvrir l'ultime secret des trous noirs ou, plus prosaïquement, les attraits pulpeux de cette sirène qu'il convoite de plus en plus. René ne dit plus rien mais ne quitte pas la vieille des yeux, prêt à lui piquer ce qu'elle cache entre ses seins.
Raymond, lui, prend tout simplement place sur la dernière chaise libre, un grand sourire aux lèvres.

Et Agathe, magistrale, extrait une bouteille de son manteau...


L'ambiance s'en trouve radicalement transformée, bien entendu. Seul Conardus continue de couver la vioque. Les deux autres jouissent déjà du plaisir des consommations à venir.
Et, quand la vieille exhibe une seconde bouteille, on sent dans l'air une franche tendance à l'euphorie !

  • Madame Agathe, bave René, je pense que je vous dois des excuses. Raymond m'a toujours parlé de vous en termes gratifiants, mais j'estime ce soir qu'il était encore à des années-lumière de la vérité. Faites donc un peu rouler les boutanches par-là, histoire que j'aère un peu ces breuvages ?

Bien sûr, René n'attend pas la réaction d'Agathe. Il tend le bras et attrape une première bouteille. Il plonge la main dans un poche de son pantalon et sort le tire-bouchon dont il ne se sépare jamais. D'un geste que d'aucuns qualifieraient d'expert, il débouche le récipient et le morceau de liège émet un "pop" sonore, signe selon René, d'un excellent cru.
Dehors, l'orage continue de tonner, la pluie déverse ses torrents d'eau distillée, mais le quatuor s'apprête pour un voyage dans les limbes, perdus dans des univers où l'alcool ruisselle de partout. Première tournée...

  • Ouah ! C'est du sévère, ça ! fait René en claquant la langue de bonheur. Dis-donc, la vieille, d'où tu sors des trucs pareils ?
  • Si j'vous l'disais, vous m'croiveriez pas ! fait-elle en tendant son verre pour une recharge express.
  • Tu sais, tu peux tout nous dire : on en a tellement vu que rien ne pourra plus nous surprendre un jour ! confie Raymond qui est curieux de savoir.
  • Vous allez vous foutre de moi ! élude-t-elle en vidant son verre d'un trait.
  • Mais non, belle colombe, intervient Conardus qui réalise qu'il a déjà perdu deux rasades à force de la contempler. Racontez-moi, je meurs d'envie de tout savoir de vous...

Agathe hésite encore une seconde. Comment pourront-ils admettre ?

- Bon...mais vous promettez de pas m'interrompre toutes les deux secondes, hein ?

- Promis ! clament-ils en choeur.

- Alors, voilà....

A suivre...

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