3.4

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Oui, les bras lui en tombent. Et pas que les bras, mais faut bien admettre que le tableau qu'il a sous les yeux justifie ces chutes inattendues !

Mais pouvait-il réellement s'attendre à autre chose de la part de ses trois ivrognes de potes ?
Bien sûr, ces couillons ont profité de ce qu'il regardait vers la rue pour se saisir de la bouteille qu'il avait bien légèrement laissée sur la table. Conardus, tout à ses découvertes, n'avait pas songé qu'il plaçait une brebis au centre d'un cercle de loups affamés. Enfin, peut-être pas des loups, mais un trio d'assoiffés.
Et ces pochetrons en sont déjà à la deuxième tournée ! Les verres sont pleins, y compris celui de l'extraterrestre. Ce dernier est muet de stupéfaction. Agathe, revenue du pays des songes, rigole bêtement aux sottises que René, à présent tout joyeux de voir son verre plein, lui susurre au creux de l'oreille. Le propriétaire des lieux, lui, se contente de siroter son glass à petites gorgées, mimant les gestes d'un fin connaisseur. Pour un peu, on lui accorderait des compétences qu'il n'a pas, sachant que les seules qu'il possède se limitent à quelques records de vitesse pour liquider un magnum de champagne.
Puis Conardus réalise la catastrophe et se précipite sur la table, renversant bouteille et verres pour les empêcher de boire !

  • Bande d'ahuris, qu'avez-vous fait ? s'exclame-t-il.
  • Râle pas, mon pote. On pouvait pas laisser cette frangine souffrir plus longtemps à côté des cadavres ci-présents, répond Raymond d'une voix calme.
  • Mais vous êtes complètement tarés, merde ! Je n'arrête pas de vous dire que...
  • Que ce truc est totalement magique, ce que je confirme, sans conteste ! coupe René qui se régale deux fois (une pour la gnole inconnue qu'il se tape, deux pour faire chier l'extraterrestre)
  • Mais vous ne savez pas ce que vous venez de faire !
  • Si, mon gars ! On en avait ras les pataugas d'attendre, alors on a décidé de se lancer dans les expériences, nous aussi. T'excuseras : on fait dans l'empirisme, nous. Mais, ceci dit, tu devrais te joindre à nous avant qu'on atteigne le fond... de la bouteille, rote Agathe, ivre à n'en plus pouvoir.
  • Misère de misère, s'affole l'alien, mais qu'est-ce qu'on va faire de vous ?
  • Ben, des célébrités mondiales, non ? C'est pas ce que tu disais, y a pas cinq minutes ? s'étonne René. Tu sais, si qu'on doit d'viendre célèb', autant qu'on sache de quoi qu'on parle, hein ? Maintenant, avec c'qu'on vient de tester, j'peux t'garantir qu'on est déjà pro sur le sujet !

Et il se marre comme un baudruche, ce con ! Conardus va pour répondre à l'énergumène, mais les dernières analyses arrivent et s'impriment sur un long rubeau de papier qui se déroulent de son ordi-bras. Les nouvelles sont du genre catastrophique, si l'on en croit l'air attéré qu'il prend soudain.

  • Nous sommes perdus ! murmurre-t-il, incrédule.
  • Mais non, mon pote, fait Raymond en se levant pour lui taper sur l'épaule. T'inquiète de rien, c'est jamais qu'une vieille boutanche qui mourait d'impatience de finir dans nos gosiers ! Tu vas quand même pas nous péter une pendule pour un p'tit coup de gnole derrière les oreilles, hein ?
  • Pauvres fous, vous ne savez pas ce que vous faites...
  • Et on f'rait quoi d'répréhensib', mon cher ? fait René d'un air de défi.

Le cher ne sait plus quoi dire. Le silence s'impose petit à petit. Les trois ivrognes se sentent presque fautifs. L'alien, lui, se résout à ramasser les morceaux, et les confie à ses robots qui les emmènent dans le vaisseau spatial.
Pour se donner une contenance, René tente encore quelques jeux de mots pourris, mais Agathe elle-même n'y sourit plus. C'est du plomb qui coule maintenant des murs du salon !
Mais ça ne les empêche pas de se moquer discrètement de leur pote qui reste très inquiet.

  • Faut pas t'en faire, mon ami, fait Raymond. J't'assure qu'on en a vu de pires, tu peux me croire.
  • Exact, renchérit Agathe, même que je peux te dire qu'j'ai bu des machins bien plus dégueux que ce vin, que je trouve très fin. C'est pas dur, on en boirait jusqu'à p'us soif ! Te dire, n'est-ce pas ?

Agathe aurait bien aimé continuer sur sa lancée pour rassurer l'alien, mais elle se sent soudain nauséeuse. C'est une brûlure diffuse qui s'installe, née du ventre, gangrénant vite son organisme. Elle ne tarde pas à se tordre de douleur sur sa chaise, pliée en deux (la vieille, pas la chaise qui en a vu d'autres !)
Conardus se précipite sur elle, tente de comprendre ce qu'elle profère indisctinctement, mais c'est à présent au tour de René de jouer les torturés ! Sans savoir pourquoi, l'alien se retourne vers Raymond... Veut-il s'assurer qu'il sera aussi indisposé, comme ses amis ? Il en est pour ses frais, au moins pour le moment. En effet, Raymond semble toujours frais et dispo. D'ailleurs, il profite du malaise de ses aminches pour lécher les dernières gouttes qui sont répandues sur la table !

  • Regarde-moi ces fiottes ! se moque-t-il, entre deux coups de langue gourmande. V'là t'y pas qu'ils vont nous choper une p'tite gastro. P'tites natures, va !
  • Aide-moi à les allonger par terre, vite ! s'affole Conardus.
  • J'vais plutôt aller chercher deux gamelles... répond l'autre.

Et il se lève pour aller dans la cuisine. L'alien attrape la vieille par les aisselles, le souffle soudain coupé par les remugles qui en émanent, et la pose sur le dos, à même le parquet. Il aurait bien tenté un petit bouche-à-bouche, mais elle menace de vomir à tout instant. Ne sachant pas trop quoi faire, il la place sur le flanc pour lui permettre de respirer plus facilement. Il a vu faire ça dans les séries policières, à la télé...

Il s'occupe ensuite de René, mais ce dernier est déjà dans les vapes ! Conardus veut le saisir et le poser au sol, lui aussi, mais quand il tente de l'attraper, il recule d'horreur... Le corps de René est devenu mou, d'une consistance identique à de la pâte à tarte fraîche* !
Terrorisé, il jette un regard vers Agathe. Celle-ci semble fondre, se dissoudre dans le parquet ! Elle s'inscrute, s'immisce ente les lames ! Et René profite de l'inattention passagère de l'extraterrestre pour s'écouler de sa chaise ! Alors, pensant à Raymond, il se précipite vers la cuisine. Raymond est coupé en deux de douleur. Son torse, flasque est à moitié avalé par le lavabo, pendant que le bas de son corps s'étiole sur le carrelage ! Conardus pianote frénétiquement sur son avant-bras, appelle tous ses robots à la rescousse, mais quand ils arrivent, il réalise qu'il ne sait pas quoi leur demander...
Puis, tout va très vite. Les corps de ses trois amis se dissolvent, se répandent au sol (dans la tuyauterie, en ce qui concerne Raymond !) puis disparaissent.
Tout simplement.

L'alien reste là, immobile et sidéré. Les robots clignotent bêtement dans le salon, immobiles, inutiles. Longtemps après, alors que le soleil annonce son retour à grands rayons colorés, Conardus rappelle ses troupes et rejoint son vaisseau spatial. Seul, désespérément seul, soudain.

Mais pas de temps à perdre en larmes idiotes ! pense-t-il. Il quitte rapidement la Terre, se rend sur la face cachée de la lune**

Loin des hommes, et de leur bouteilles alcoolisées, il n'a plus qu'à retrouver ses potes !


FIN DE LA PREMIERE PARTIE

* Je dis de la pâte à tarte, mais je suis pas sûr, hein ! J'y connais pas grand chose...
Imaginez donc un truc mou, genre chamalow en train de fondre devant un feu de joie.
C'est parlant, ça ?

** On the Dark Side of The Moon, donc... (juste pour les amateurs, hé, hé,hé...)

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