4.4

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  • Faut qu'on se grouille, fait René qui titube dans les pierres. On est à pince, nous ! Si on rate ces bagnoles, on est foutus.
  • D'abord, la route est juste en bas, alors t'inquiète pas. Ensuite, c'est peut-être pas une bagnole mais un camion. Et un camion, ça va pas si vite que ça. Alors, respire et fais gaffe à pas te martyriser avant d'arriver en bas ! répond doctement Raymond.
  • Si vous pouviez m'aider un peu, ce serait gentil de vot' part, fait Agathe entre deux halètements.
  • Te fais pas de bile, la mère. J'ai dit que je t'aiderai, non ? Tiens, prends ma main, on va y aller en douceur.

René ralentit la cadence, assure les pas de la vieille, plein d'attentions. Ce n'est pas le flanc nord de l'Anapurna, mais pour des vieillards en plein soleil, l'épreuve est difficile. Agathe souffre le martyr ; des cloques naissent sur les bras du pauvre René .
Ils avancent en silence, les yeux rivés sur Raymond qui ouvre la voie, tel Moïse ouvrant la Mer Rouge. Un oeil sur le terrain, un autre sur l'horizon à sa gauche, il dévale la pente en veillant à ne pas se tordre une cheville. L'exercice n'est pas des plus simples, mais heureusement, il ne dure pas. Vite arrivés sur la route, ils sont en avance sur la colonne de poussière.

  • Tu vois bien qu'il fallait pas te faire de mouron pour rien ! déclare Raymond, satisfait.
  • Ouais, ben, je préfère quand même ! grogne René qui aide Agathe à s'asseoir sur un rocher plat.

Les deux hommes tournent la tête vers l'horizon.

  • Va plus tarder à passer, le machin, pronostique René.
  • Faut dire qu'il n'y a que ce chemin, apparemment.
  • Coup de bol qu'on soit tombés pas loin ! Tu vois, Raymond, j'suis pas du genre à me planquer sous les pierres, mais là, j'avoue que je me sentais pas trop rassuré. Maintenant que je sais qu'on est près d'un arrêt de bus, je me sens mieux. Sacré alien de mes fesses, va ! Encore une idée à lui de nous envoyer à l'autre bout de la planète, tu crois ?
  • Conardus ne perd rien pour attendre, t'inquiète...
  • Tiens, fait soudain René, je crois qu'on entend le bruit d'un moteur qui gronde !

Raymond se tait, fait mine d'écouter même s'il est à moitié sourd depuis des décennies. Puis, les yeux plissés, il opine du chef : ça n'engage à rien, et puis, ça permet de conserver un minimum d'autorité... Mais il sait que son ami n'a pas tort parce qu'il sent des ondes se répercuter dans ses orteils.
Eh oui, en plus de puer le charnier, ses pieds sont d'une sensibilité exceptionnelle !
Au point qu'il sent, façon de parler, une rumeur en approche. Un bruit organisé, régulier, comme la respiration d'un sportif en plein effort. Pourtant, Raymond tique un peu : ce bruit n'a rien de mécanique. Non, rien à voir avec un moteur, pense-t-il. On dirait quelque chose de plus archaïque.

  • Tu sais quoi, René, fait-il soudain. J'crois qu'on devrait rester à l'ombre un instant...
  • T'as raison ! Ce soleil va me faire fondre !
  • Nan, j'parle pas de ça. En fait, on devrait se planquer et observer ce qui arrive vers nous.
  • Et prendre le risque de voir passer le seul camion de ce bled de merde ? proteste René. Ma parole, le Mahomet t'a tapé sur le cigare !

Le bruit se fait plus clair.

  • Tu sais c'que ça m'rappelle ? demande Raymond.
  • Euh...je crois savoir, ouais ! rétorque René qui s'inquiète soudain.

Agathe s'est levée sans rien dire. Curieuse comme une pie, elle est allée au devant de la colonne de poussière qui sera là dans quelques secondes. Encore masquée par une éminence sablonneuse, elle va bientôt révéler ce qui se cache à sa base. Et mamy Jambe en bois n'attend qu'un peu d'aide et une gourde d'eau. Au bout de pas longtemps, elle est la première à voir, à découvrir.

Et c'est elle, aussi, qui est la première à faire demi-tour pour prendre sa jambe à son cou !

A suivre...

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