4.16

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  • Agathe ? demande Melchior, pensant à quelques bijoux qui feraient jolis dans les cadeaux à remettre au charpentier.
  • Ouais, not' copine Agathe. Ces fumiers de soldats l'ont emmenée quelque part par là, dans le camp. Faut la retrouver avant que vos copains la transforment en boîte d'allumettes !

Les mages ne comprennent encore rien, mais ils appellent quelques hommes à la rescousse. Après quelques nouvelles explications, les voilà partis à la recherche de la grand-mère. Et il ne faut pas longtemps pour lui mettre la main sur le paletot. Surprise au bau milieu du champ de bataille, elle était en train de dépouiller les cadavres et y prélevait tout ce qui avait de la valeur, au moins à ses yeux. Quand les malabars des mages arrivent près d'elle pour l'inviter à les suivre, elle croit tout de suite qu'elle va encore devoir jouer de la jambe de bois et se met en position, prête à pourfendre tous les entrejambes de la Terre.

Heureusement, l'air indécis des types la rassure très vite. Aussi, après quelques explications laborieuses, faites à grands signes de la main et du bras, Agathe jette enfin un oeil en direction de la prison et reconnaît René et Raymond. Toujours aidée par son grand sens pratique, elle relève sa jupe pour en faire un sac et y amasse toutes les pièces, bijoux et autres bibelots avant de se décider à les rejoindre. Quand elle n'est plus qu'à quelques pas du groupe d'hommes, elle veut leur faire un signe amical, la malheureuse étourdie, et tout son magot s'étale aux pieds des mages qui ouvrent de grands yeux étonnés et ravis.

  • Dame Agathe, c'est fort aimable à vous de nous offrir tous ces présents. Soyez assurée que nous en ferons le meilleur usage, et que celui qui les recevra sera comblé.
  • Ecoute-moi bien, mon gars, fait-elle d'un ton menaçant, si toi, un de tes potes ou encore un seul de tous les abrutis de ta troupe touche un seul de mes bijoux, je lui enfonce ma jambe de bois si loin dans le fion qu'il faudra un bûcheron pour le soulager de ses douleurs ! Tu piges ?
  • Euh, Agathe, intervient René d'un ton conciliant, ces messieurs sont nos libérateurs !
  • Libérateurs de quoi ? J't'ais pas prisonnière, moi ! Le commandant-colonel-général en chef du camp a fait de moi sa favorite ! Il est parti faire quelques courses pour notre sauterie prévue ce soir et il pourra te confirmer dès son retour. Alors, me gonflez pas avec vos âneries.
  • Agathe, je crois que tu es complètement à côté de la plaque. Laisse-moi te présenter Melchior, Gaspard et Balthazar, coupe Raymond, persuadé que ces noms feront leur petit effet.
  • C'est ça ! Moi c'est Agathe. Voilà, les présentations sont faites. Maintenant, si vous le voulez bien, faut que je retourne faire mon marché à moi, fit-elle en pointant son pouce vers le monceau de cadavres.
  • Agathe, tu vas la fermer et nous suivre sans faire d'histoire, ok ? lance René avec fermeté. Tu dois piger qu'on doit vite se barrer de là parce que, quand ton julot va reviendre, y aura pas mal de grabuge dans le secteur, et il sera plus question pour toi de faire le bonheur de ton pervers de haut grade !
  • Mais de quoi tu parles ?
  • T'as pas vu que ton "marché" est fait des potes de ton généralissime ?
  • Ah oui, tiens. J'avais pas remarqué ! fait-elle avec légèreté. Tu sais, une fois morts, tous les hommes se ressemblent aussi, hein ?
  • La mère, faut qu'on se barre tout de suite ! insiste Raymond. Alors, ramasse tes merdes et suis-nous. Sinon, on te laisse sur place, vu ?

Surprise, Agathe comprend qu'il ya peut-être vraiment du vilain à venir. Elle soupire de déception, ramasse quelques pièces plus brillantes que les autres, puis se résigne.

  • Bon, je me doute bien qu'en ces temps incertains, on doit vite passer de vie à trépas, alors c'est d'accord. Je vous suis !
  • Voilà qui est raisonnable, enfin ! s'exclame René.
  • Ouais, bah t'affoles pas quand même, hein ? Et on va où, au fait !
  • On va rejoindre une poiture locale, je crois. Du côté de Jérusalem.
  • Super ! J'ai toujours rêvé d'aller me recueillir sur sa tombe !
  • Quelle tombe ? demande Balthazar qui écoute avec attention.
  • Me parle pas, toi ! Te connais pas !
  • Messires, intervient alors le type qui les a découverts au tout début et qui a gardé un religieux silence jusqu'à maintenant, je pense que vous faites erreur. Le Maître n'est pas à Jérusalem.
  • Le Maître ? demande René.
  • Le fils du charpentier.
  • Parce qu'il ne vit pas avec ses parents ? s'offusque Gaspard.
  • Ben, à trente ans, faut bien reconnaître qu'ils sont pas nombreux à vivre encore sous la coupe de leurs parents, ô mage vénéré...
  • Trente ans ? Putain de sa mère, les gars, on est vraiment en retard. Faut mettre les adjas sans plus attendre et passer la vitesse supérieure !
  • De toute manière, je crois que notre retard ne pourra plus être comblé, maintenant, rassure Melchior.
  • Ouais, ponctue Raymond sobrement.
  • Et il est où ? demande Agathe, soucieuse de savoir combien de jours de marche elle va devoir se cogner.
  • Il est sur les rives du lac de Tibériade, tout au Nord.
  • C'est loin, ton lac ? demande René.
  • Plusieurs semaines de marche, fait le type, si on avance assez vite.
  • Misère, siffle Balthazar.
  • Allons, faut garder le moral, fait René en tapant sur l'épaule du mage déconfit.
  • Et la santé... se résigne Melchior.

Mais René, sourire aux lèvres, croit trouver un bon mot pour leur donner courage.

  • Savez quoi, les amis ? Avec un peu de chance, on y sera pour Noël ! On mettra un joujou dans la crêche !
  • Je pense qu'on sera un peu courts... fait Balthazar. Je vois ça encore un peu plus tard.
  • Genre ?
  • Un peu plus tard, vous dis-je. Vers l'époque où on fait les galettes...
  • Espérons qu'on aura la fève, alors ! conclut Raymond.

A suivre...

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