8.3

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  • Tu crois qu'on va en baver ? demande René pendant qu'ils remontent les rues de la ville.
  • Tu vois tous ces romains, là ? Eh bien, je me demande bien pourquoi ils prendraient la peine de nous expédier chez des curés, pas toi ? Alors, ça veut dire qu'on va en baver, comme tu dis. Que ce soit avec ceux-là, ou avec les curetons...

René ouvre de grands yeux tout rond, craignant soudain que les soldats ne décident de les trucider au détour d'une rue voisine. Mais Raymond reprend, changeant de sujet.

  • Perso, je m'en tape. Ce qui me turlupine, plutôt, c'est que tout le monde m'appelle "mon petit", mon jeune ami", "jeune homme" et plein d'autres conneries de ce genre ! Toi, quand tu me regardes, tu me vois moi, et pas un autre, hein ? rétorque Raymond, visiblement en proie à une curieuse crise de doute.
  • Ben ouais, j'vois toujours ta sale gueule toute fripée, avec ces rides que je connais depuis si longtemps que je pourrais les dessiner les yeux fermés. Tu vas quand même pas te frapper parce que trois ou quatre péquins ont la vue basse ! Pense plutôt à ce qui va se produire sous peu : selon moi, va y avoir du vilain...
  • Pas dur de savoir... répond Raymond.

Il tourne la tête, cherche un peu du regard puis, ayant trouvé ce qu'il désire, demande à haute voix :

  • Dis-donc, ô Romain tout en armure, qu'on dirait un dieu venu tout droit du supermarché du coin, répondrais-tu à ma question ?
  • Faut voir, répond le mec en se curant une molaire creuse. Tu veux savoir quoi qu'est-ce ?
  • Tu as dit qu'on allait voir un curé, non ?
  • Pas un curé, patate (1) ! Un Grand Prêtre ! C'est pas pareil ! pouffe le chef.
  • Il est si grand que ça ? s'inquiète Agathe qui s'incruste direct dans la conversation.
  • Non, c'est un minus, en fait. Mais il est grand par son titre et ses fonctions, vous comprenez ?
  • Aah, c'est juste un enfoiré en costume d'apparat ! s'exclame Raymond, presque soulagé. Tu veux dire que c'est un mec qui sert à rien, mais qui est bourré de sesterces et qui aime faire chier le monde ?
  • Euh, tu y vas un peu fort, répond le romain à voix basse, mais c'est un truc dans ce genre, en effet. Tu le connais ?
  • M'en voudrais de connaître une raclûre de cet acabit ! Non, je connais pas mais ils se ressemblent tous, ces mecs-là. L'habit fait le moine, comme on dit chez moi !
  • Je te dis que c'est pas un moine, s'énerve le décurion. Prêtre...Grand Prêtre ! Et c'est le chef des chefs que vous allez rencontrer, en plus. Pas donné à tout le monde, ça !
  • Sauf pour les massacres en public, j'imagine ?
  • Voilà, tu as trouvé !
  • Et il s'appelle comment, ton curé de mes choses ?
  • Joseph.
  • Casse pas les briques, un blaze pareil...
  • Ouais, mais celui-là, c'est un pas banal. Un modèle qui recule devant rien.
  • Un mec comme les autres, non ?
  • Jospeh, dit Caïphe... c'est pas l'homme qu'on voudrait rencontrer pour sauver le monde, en fait...
  • Caïphe ? répète Agathe, ça me rappelle quelqu'un, mais je sais plus qui... Et tu dis que c'est le chef des prêtres ?
  • Ouais, ma belle ! Et quand on vous laissera entre ses griffes, nous, on retournera dans notre campement et on aura le droit de dormir quelques heures ! On arrive bientôt, alors fermez-la, sinon je redeviens le méchant Romain qui se tape de l'infidèle tous les matins...

A suivre...

(1) Alors, je me suis fais pourrir par tout le "Monde Savant" qui s'est empressé de me dire que la patate était inconnue à l'époque de la Jérusalem de Jésus Christ.
Alors, je réponds deux choses :

- D'abord, les plus savants que moi, je les emmerde. Surtout ceux qui disposent depuis toujours de la science infuse, et aussi ceux qui pissent plus froid, plus fort et plus loin que les autres.
- Ensuite, ce romain est un empire-trotter. Il a fait plusieurs fois le tour du monde à la voile, à pied, à cheval. Je le soupçonne même de tout connaître du vélo et de la mobylette bleue de mon enfance. Alors, il connaît forcément les patates, mais aussi les tomates et tout plein de trucs de ce genre. Pas étonnant, donc, qu'il sache aussi ce qu'est une "solanum tuberosum", vous comprenez ?

Enfin, je vous rappelle que ceci est un roman "anhistorique". Petit néologisme sans avenir pour qualifier tous les affreux barbarismes et autres bêtises qui émaillent ces lignes. Alors, faites pas chier avec vos académismes de merde et contentez-vous de ne plus me lire si ça vous hérisse le poil ou, ce qui flatterait largement mon ego, de rire ou de sourire en gardant à l'esprit que tout ceci n'est conçu que pour une bonne tranche de rigolade. D'autant que tout le reste est historiquement authentique, merde !

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