La lettre du coupable (Réponse au défi Le faux coupable)

2 minutes de lecture

Le 8 avril 2025
Maison d’arrêt de Clairvaux

Maman,

Je ne sais pas très bien comment commencer cette lettre. Tu sais que je ne suis pas doué pour dire ce que je ressens. Mais ici, les jours sont longs, et le silence me laisse trop d’espace pour penser. Alors j’écris.

Tu as dû voir les journaux. Tu les lis toujours, je le sais. On parle de moi, de "l'homme du parking". Ils ne m’appellent même plus par mon prénom. Juste un surnom pour un visage flou dans un fait divers. On m’accuse de l’impensable. Tu me connais : tu sais que je n’aurais jamais pu faire ça. Pas à Thomas. Pas à un collègue. Pas à un ami.

On dit que je l’enviais. Que j’étais jaloux de sa promotion. Que je n’en pouvais plus de passer pour l’ombre du génie. Ce n’est pas vrai. Oui, j’étais fatigué. Oui, j’ai dit que j’en avais marre, que je le “ferais taire une bonne fois pour toutes”, mais enfin… Ce sont des mots. Des mots n’ont jamais tué personne. Ce n’est pas un crime d’être à bout.

Je me rappelle encore le jour où tu l’as rencontré, maman. Tu avais dit : "Il est charmant, mais il a l’air sûr de lui, peut-être un peu trop." Tu ne croyais pas si bien dire. Il savait se faire aimer, mais il savait aussi comment humilier. En public, souvent. Il avait ce don. Une façon de faire passer ses piques pour de l’humour.

Mais je ne l’ai pas tué. Je le jure. Ce soir-là, j’étais dans ma voiture, dans le parking. Je fumais, je réfléchissais. J’avais besoin de calme. C’est vrai, j’ai entendu un bruit sourd. Quelque chose de brutal, sec. Mais je n’ai pas bougé. Je me suis dit que c’était une portière. Ou un type énervé. Tu me connais, je n’aime pas me mêler des affaires des autres.

Quand je suis remonté, il était déjà trop tard. Ils ont dit que je n’avais pas l’air choqué, que je ne réagissais pas "normalement". Mais qu’est-ce que ça veut dire, maman ? Comment faut-il pleurer pour que l'on nous croie innocent ? Je suis resté figé, c’est tout. Je ne comprenais pas. Pas encore.

Je sais que tu as élevé ton fils pour qu’il soit droit, que tu m’as appris à ne jamais lever la main, même quand j’étais en colère. Et j’ai essayé, tu sais. Même ce soir-là, dans le parking. J’ai essayé. Mais je ne l’ai pas tué. Pas vraiment.

Tu viendras au procès ? Si tu peux. J’aimerais te voir dans la salle pour me sentir un peu moins seul. Tu es la seule à encore croire en moi.

Ton fils, qui t’aime.

Julien

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