05. Un sac à dos et c'est tout

8 minutes de lecture

Maxime

Je passe le repas à faire attention à ce que Tom ne dérape pas. Il n’a tellement pas l’habitude de recevoir du monde que je suis inquiet par rapport à son comportement. Surtout quand il devient rouge et que la frustration prend le dessus sur sa raison. Mais tout se passe plutôt bien finalement et Tom a l’air assez content d’avoir pu faire son malin devant Miléna.

Je profite du dessert pour l’observer. Elle a bien fait de laisser son gros manteau à l’entrée parce que ce qui se cache dessous est vraiment intéressant. Sa longue chevelure brune tombe jusqu’à ses fesses et ses yeux bleus clairs sont à la fois emplis de douceur et de mélancolie. Elle a de jolies pommettes et dès qu’elle sourit, deux petites fossettes apparaissent sur ses joues. Ses habits sont très simples, un petit tee-shirt sous une veste ample avec plein de poches, et un jean, mais je devine ses jolies formes. Il faut d’ailleurs que je fasse attention parce que je crois qu’elle a capté mon regard vers elle une ou deux fois.

— Bon, je vais vous laisser, moi. Marie, vous voulez que je vous raccompagne chez vous ? dit le Père Yves alors que nous venons tout juste de débarrasser la table.

— Oh c’est gentil, mon Père, et ça aurait été avec plaisir, mais j’ai ma voiture. Je ne pourrai plus bouger de chez moi si vous me ramenez. A moins que vous veniez me chercher pour me promener, évidemment, sourit ma mère.

— Ce serait avec plaisir, chère Marie. Une autre fois alors. Passez me voir, à l’église, vous y serez la bienvenue. Bonne soirée Maxime. Les enfants, soyez sages. Miléna, je vous laisse entre de bonnes mains. Dieu vous garde.

L’image que j’ai de Miléna entre mes mains est dérangeante. Mon esprit torturé s’est tout de suite imaginé avec ses seins nus sous mes doigts et cela me fait rougir un peu. Pour cacher mon trouble, je raccompagne l’homme d’église à sa voiture et attends qu’il ait franchi le petit pont pour retourner à l’intérieur. Ma mère a déjà son manteau et se prépare elle aussi à partir.

— Oh, tu nous laisses déjà ? lui demandé-je.

— Oui, je vais rentrer. Tu sais bien que je n’aime pas conduire de nuit. Et puis, il faut que je m’occupe des enfants demain matin, non ?

— Oui, à demain, Maman. Et encore merci pour aujourd’hui. Les enfants, venez dire bonne nuit à votre Mamie et après, au dodo !

Les enfants viennent lui faire un bisou alors que Miléna patiente, debout dans le salon, sans trop savoir quoi faire, visiblement gênée.

— Miléna, je suis désolé, mais je crois que le Père Yves est reparti avec vos bagages. Je ne vois pas de valises dans le couloir.

— Oh, non, non, j’ai juste mon sac à dos, il est resté dans la salle à manger. Je… Je peux aller le chercher ?

— Faites comme chez vous. Pendant que les enfants se préparent, je vais vous montrer votre chambre. J’espère qu’elle vous plaira.

Juste un sac à dos ? Mais c’est quoi, ça ? Qui voyage et traverse plein de pays avec juste un sac. C’est vrai qu’il a l’air bien rempli, mais quand même. Quand je pense que pour aller passer la journée chez ma mère, on remplit la voiture ou presque…

— Oh, je suis sûre que ce sera mieux que mes dernières chambres, Monsieur, rit-elle en détournant les yeux.

— Ah non, pas de Monsieur ici, vous êtes mon invitée, il faut m’appeler Maxime. Venez, suivez-moi, c’est par là, indiqué-je en lui montrant les escaliers.

— Oui, tout de suite, me répond-elle en s’approchant de moi. Après vous, alors, Maxime.

Maintenant qu’elle est toute proche de moi, je suis surpris de voir qu’elle est plus petite que ce que je croyais. Je la domine de plus d’une tête et je la trouve vraiment mignonne même si à côté de moi et de ma carrure de rugbyman, elle donne une impression encore plus grande de fragilité. Je monte les escaliers lentement afin de continuer à échanger un peu avec elle.

— Vous savez, tous les Français ne vivent pas dans un château comme celui-ci. C’est un peu particulier.

— Vous avez de la chance, alors. Enfin, sauf quand il faut faire le ménage, j’imagine.

— C’est sûr.

Finalement, ce n’est pas une bonne idée de lui parler, nous n’avons rien en commun. Je me renferme donc dans mon silence habituel et me décide à me contenter du strict minimum désormais.

— Là, à droite, c’est où mes enfants et moi vivons. Je vous ai installée de ce côté-ci.

Je la précède vers le couloir et ouvre la première porte à gauche.

— Ça ira ? demandé-je en lui indiquant d’entrer.

Elle s’avance et nos corps se frôlent alors qu’elle pénètre dans ce qui va être sa chambre pour les prochains jours.

— C’est… Bien plus que ce que j’aurais pu imaginer dans mes rêves, dit-elle doucement en tournant sur elle-même pour regarder la chambre.

— Oh, ce n’est pas grand-chose, mais là, il y a une armoire pour vos affaires. Et la cheminée est éteinte à cette saison, mais vous ne devriez pas avoir froid, les isolations ici ont été refaites. Et le lit est confortable, vous verrez. En plus, c’est un lit deux places, vous y serez à l’aise.

Je ne peux m’empêcher de rougir à l’évocation de ce grand lit car des images d’elle et moi le partageant s’imposent à mon cerveau. Je m’imagine la bousculer et la renverser sur ce lit et nous déshabiller jusqu’à ce que mes neurones se reconnectent. Mais que m’arrive-t-il donc ? Je suis si en manque que ça ?

— Oh je suis sûre d’être très bien ici. Et un lit une seule personne m’aurait suffi, vous savez. Après ma nuit dans le confessionnal, rien que la position allongée me fera du bien, continue-t-elle en caressant le dessus de lit du bout des doigts.

Mes yeux ne quittent pas ses doigts qui sont longs et fins et je me retrouve à bander en les imaginant parcourir mon sexe. Il faut que je fasse un effort pour continuer la conversation.

— Et là, il y a la petite salle de bain. La douche est petite mais fonctionnelle. J’ai mis une serviette de bain. Vous avez ce qu’il faut pour vous laver ? Sinon, je peux vous ramener ce dont vous avez besoin.

— Vous en faites déjà beaucoup, je… Je vais me débrouiller avec ce que j’ai, ça va aller, merci.

— Vous avez vraiment dormi dans le confessionnal hier ? ne puis-je m’empêcher de demander.

— Oui… Je sais que ce n’est pas bien, mais je n’étais pas très rassurée près du camp, et il pleuvait beaucoup… C’était stupide, je sais.

— Oh non, ne le prenez pas comme ça, je ne voulais pas vous juger. Je… J’étais curieux, c’est tout. Ici, vous êtes en sécurité en tous cas. Vous allez pouvoir dormir tranquille et vous reposer.

J’ai presque envie de la prendre dans mes bras pour qu’elle sente à quel point j’ai envie de la protéger. Elle apparaît si fragile, si délicate. Et pourtant, elle a traversé toute l’Europe et elle était prête à traverser la Manche. Seule. C’est qu’elle doit être plus résiliente qu’elle ne le paraît.

— Papa ! Papa ! On est prêts ! crie Tom en déboulant dans la chambre de Miléna comme si c’était la sienne.

— Tom ! Tu n’as rien à faire ici ! C’est chez Miléna, maintenant. Retourne dans ta chambre ! Et plus vite que ça !

— Ben si c’est sa chambre, tu fais quoi toi, ici ? me demande-t-il, curieux.

— Je lui montre où elle va habiter et m’assure qu’elle ne manque de rien. C’est bon pour vous, Miléna ?

— Oui, oui, c’est parfait. Encore merci pour tout, vraiment. Et bonne nuit à vous deux.

— Si vous avez besoin de quoi que ce soit, n’hésitez pas à demander. Je me débrouillerai pour vous le trouver. Bonne nuit.

— Est-ce que… Éventuellement, vous auriez un livre à me prêter ? J’ai fini celui que j’ai emporté, mais… Enfin, non, ne vous embêtez pas avec ça, laissez tomber. A demain, Maxime, me dit-elle, un sourire gêné, en ouvrant son sac posé au sol.

Elle ne se rend pas compte de l’effet qu’elle peut me faire en se penchant ainsi devant moi et c’est mon fils qui me tire par la main qui me sort de ma rêverie.

— Il y a des livres dans la bibliothèque, en bas, si vous voulez. Servez-vous, c’est fait pour ça. A demain.

— Merci. A demain, Maxime. A demain, Tom, et merci de me laisser rester un peu chez toi, dit-elle à mon fils en lui faisant un clin d'œil.

Je suis surpris de voir mon fils lui faire un sourire avant de sortir avec lui. Je parviens à calmer mon état d’excitation et nous retournons tous les deux dans la suite qu’il partage avec Lili qui est déjà au lit en train de lire.

— Allez Tom, au lit. Tu as exactement huit minutes et vingt secondes avant que je n’éteigne la lumière. D’accord ?

— Oui, d’accord Papa, dit-il en ouvrant son lit pour se coucher dedans avant de récupérer sa BD sur sa table de nuit. Dis, Papa, je peux te poser une question ?

— Oui, bien sûr. Tu veux savoir quoi, Tom ?

— Pourquoi est-ce qu’il y a des guerres qui poussent les gens à partir de leur maison et à faire des milliers de kilomètres pour avoir une nouvelle vie ?

J’hésite deux secondes à faire un tour de passe-passe pour ne pas avoir à lui répondre, mais le connaissant, ce ne sera pas suffisant. Je m’assois à côté de lui et remonte le drap sur ses épaules.

— Parce qu’il y a des gens sur Terre qui ne sont pas gentils, qui veulent plus d’argent ou alors qui veulent convaincre que leur Dieu est mieux que celui des autres. Il y en a qui aiment simplement le pouvoir. Et pour faire ça, ils sont prêts à tout, même à détruire et à tuer. Ou à causer des guerres… Tu vois ?

— Alors, même chez nous, on n’est pas en sécurité ? Tu crois qu’il pourrait y avoir une nouvelle guerre en France ?

— Je ne pense pas, mais il faut toujours être vigilant, tu sais. Pour l’instant, on est en sécurité, c’est pour ça que tant de gens comme Miléna viennent ici. Ça devrait te rassurer, non ?

— Peut-être. Je ne sais pas, c’est bizarre quand même, de voir des gens d’ailleurs chez nous. Tu crois que Miléna voudra bien m’apprendre d’autres mots en arménien ?

— Je suis sûr que oui, allez, bonne nuit mon Grand.

— Bonne nuit, Papa. A demain matin.

Je vais faire un bisou à ma fille avant de redescendre dans la cuisine pour faire la vaisselle et tout ranger. Mes pensées reviennent sans cesse vers la jeune femme qui vient de nous rejoindre, sur le fait qu’elle n’a en tout et pour tout qu’un sac à dos avec ses affaires alors que je possède tout un chateau. Le contraste est énorme. Nous ne sommes vraiment pas du même monde, elle et moi. Ce qui ne m’a pas empêché de la trouver séduisante…

Annotations

Vous aimez lire XiscaLB ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0