23. Monsieur est très demandé

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Maxime

— Ce soir, tu n’as pas besoin d’aller chercher les enfants. Nina est revenue et va s’en charger, comme avant. Tu vas enfin pouvoir te reposer un peu en soirée.

— Oh… D’accord. Je vais pouvoir passer plus de temps à refaire la suite alors. C’est bien pour les enfants, Nina leur manquait.

— Ne te tue pas à la tâche non plus, hein ! A ce soir, Miléna.

Je l’enlace et je dépose un bisou sur son front dans une chaste étreinte, comme nous en avons désormais pris l’habitude, chaque matin. J’adore ces petits moments où nos corps se rejoignent et où mon esprit divague vers tellement plus. J’espère toujours que ça va déraper un peu, mais pour l’instant, je n’ai pas eu trop de chance de ce côté-là. Le compte après ces quelques semaines de présence de la jolie Arménienne est bloqué à un bisou. Le premier. Inoubliable, mais déjà si loin.

La journée au boulot se passe tranquillement entre réunions et temps derrière mon ordinateur à valider des factures, organiser des plannings de présence et de rondes avec les agents de sécurité. Et quand vient le soir, je suis content de quitter mon bureau pour aller retrouver ma petite famille et la jolie babysitter qui est censée les avoir récupérés à l’école. Nina est une perle et je suis ravi de la voir revenir parmi nous.

Quand je pénètre dans le Château, la maison est silencieuse et je trouve cela surprenant jusqu’à ce que je me rappelle que ce soir, ce n’est pas la jolie brune qui vit chez moi qui s’occupe de mes enfants, mais qu’ils doivent être avec Nina dans le petit salon. Et en effet, la blonde aux formes voluptueuses est bien présente et surveille mes deux enfants concentrés sur leurs devoirs. Dès qu’ils m’aperçoivent, ils viennent se jeter dans mes bras où ils restent jusqu’à ce que Nina leur demande de reprendre leurs devoirs.

— Eh bien, ils obéissent bien, ce soir !

— On reprend les bonnes vieilles habitudes. Comment allez-vous, Maxime ? me demande-t-elle en venant me faire la bise.

Je soupire car elle continue à me vouvoyer malgré toutes mes demandes. Elle m’a avoué un soir, quelque temps avant son départ, qu’elle aimait se montrer pleine de révérence comme ça, face à moi. La façon dont elle l’a dit, en baissant les yeux, a eu un drôle d’effet sur moi et j’ai mis fin à la conversation rapidement, un peu mal à l’aise.

— Je vais très bien, et toi ? Ta maman va mieux alors ?

Elle reste à mes côtés mais se tourne vers les enfants pour mieux contrôler leur sérieux. Je me dis qu’elle a très bien choisi sa petite robe, ce soir, avec des couleurs sobres et claires, mais moulante à souhait.

— Elle va mieux, oui. Donc je vais mieux, forcément. Les enfants m’ont parlé de ma remplaçante, j’espère que l’agence n’a pas trop tardé à l’envoyer et que je ne vous ai pas trop mis dans la panade.

— Oh ce n’est pas l’agence qui l’a envoyée, la corrigé-je. C’est une femme que j’héberge car elle a des problèmes de papier. L’agence n’a réussi à trouver personne. Et comme elle était sur place, c’était la solution de facilité, tu vois ?

— Je vois. Donc… Elle vit ici, avec vous ? me demande-t-elle en fronçant les sourcils.

— Oui, c’est ça. Elle a pris une suite à l’étage et c’est pratique. Sans elle, je ne sais pas comment j’aurais pu m’en sortir pendant ton absence !

— J’imagine, oui… Il était quand même temps que je revienne, il y a eu du relâchement, sourit-elle en observant les enfants.

— Les enfants avaient l’air heureux, en tous cas, mais c’est sûr qu’avec toi, ils semblent plus sérieux. Tu manges avec nous, ce soir, et je te ramène ou tu dois rentrer tôt chez toi ?

— Je reste avec plaisir. Vous m’avez manqué ! Tous les trois, évidemment, ajoute-t-elle en me gratifiant d’un clin d’œil.

Je la regarde, un peu surpris car jamais auparavant, elle n’a indiqué qu’elle pensait à moi en dehors du travail. Mais si je suis bien son train de pensées, moi aussi je lui ai manqué. Et elle a vraiment insisté sur le mot “trois” qui m’implique plus que de raison, sûrement.

— Tu as dû avoir peur pour ta mère et passer beaucoup de temps avec elle. Ça m'étonnerait que tu aies eu beaucoup de temps pour penser à nous !

— Je peux faire deux choses à la fois, vous savez, sourit-elle. M’occuper de ma mère et penser à vous, Maxime…

— Parce que tu penses à moi ? Et tu ne veux toujours pas me tutoyer ? Repartir sur de bonnes bases, tu sais, après ta petite absence ?

— Oh, bonsoir Maxime, me surprend Miléna qui vient me saluer d’un baiser sur la joue. Il me semblait bien que tu étais rentré. Vous devez être Nina. Je suis Miléna, enchantée.

— Bonsoir Miléna. C’est bien Nina, en effet, la babysitter des enfants que tu as si bien remplacée pendant son absence.

— J’ai essayé, en tous cas, sourit-elle en jetant un regard attendri à Lili et Tom. Je ne vous embête pas longtemps, je vais aller préparer le repas. Spaghettis bolognaise, c’est Lili qui a choisi. Ça te va ?

— Parfait. Nina sera avec nous aussi ce soir. D’accord ?

— Très bien. Pas de jeu avec la farine alors, ce soir ? Un peu de sérieux, ça va changer, me dit-elle, l’œil taquin avant de sortir du salon.

Je l’observe sortir, amusé et toujours un peu excité comme à chaque fois que je me retrouve à proximité d’elle et suis sorti de ma rêverie par Nina qui me tire doucement par le bras.

— Donc, le tutoiement, me dit-elle avec un petit sourire. Je crois que je vais pouvoir m’y faire, Maxime.

— Ah oui ? Ce serait bien, en effet. Sinon, j’ai l’impression d’être un petit vieux. On n’a pas tant d’écart que ça, en plus !

— Attention, parler de l’âge d’une femme, c’est risquer la guerre, tu sais ? me dit-elle très sérieusement en posant son index sur mon torse.

— La guerre ? A ce point là ? Tu crois que ça pourrait aller jusque-là ?

— C’est un sujet tabou, c’est tout. Il va falloir te faire pardonner, du coup. Je te laisse réfléchir à la façon dont tu vas essayer, rit-elle.

Je la regarde et me demande ce qu’elle a en tête car elle est restée près de moi et me sourit en me dévisageant. Toute son attitude montre qu’elle attend une réponse immédiate de ma part et je ne sais pas trop quoi répondre.

— Je ne pensais pas que tu serais touchée par ma réflexion, Nina. Je suis désolé. Est-ce suffisant pour me faire pardonner ?

— Non, absolument pas. C’est trop facile, ça, Maxime. Tu espérais t’en sortir aussi facilement ?

— Et tu as quoi en tête alors ? Je n’arrive plus à réfléchir, moi, après une longue journée de travail.

— Je crois que ça vaut au moins un bisou, non ?

— Ah, s’il n’y a que ça pour te faire plaisir, dis-je. Et ça fêtera ton retour.

Je me penche vers elle pour lui faire un bisou sur la joue, mais au dernier instant, elle tourne la tête et ses lèvres viennent rencontrer les miennes. Je suis surpris et ne réagis pas immédiatement, ce qu’elle prend pour un encouragement car je les sens s’entrouvrir et sa langue essaie de s’insérer dans ma bouche alors que ses mains viennent me prendre la nuque.

— Maxime ? Dis-moi, tu es passé par le maga… Oh… Pardon, je… Je ne voulais pas… Vous déranger. Excusez-moi, je vais faire sans le sel. Reprenez… Enfin, faites comme si je n’existais pas, balbutie Miléna, dans l’entrée de la pièce alors que je m’éloigne de Nina.

— Non, mais tu ne déranges pas, Miléna. Ce n’est pas ce que tu crois, bafouillé-je alors que Nina me sourit.

— Je ne crois rien du tout, continue-t-elle sans me regarder. Je vais retourner en cuisine… Repas dans vingt minutes, j’espère que ça vous va…

— Oui, oui, parfait, dis-je doucement alors qu’elle me tourne le dos et se dépêche de sortir.

Nina s’approche à nouveau de moi et alors qu’elle tend ses lèvres pour un nouveau baiser, je la repousse.

— Tu es là pour t’occuper des enfants, dis-je, un peu énervé, pas pour te donner en spectacle devant tout le monde.

— Je suis désolée, je pensais que… Tu ne m’as pas repoussée non plus, ça n’a pas eu l’air de te déplaire.

— J’ai été surpris par ton approche, c’est tout. Tu es une jolie femme, n’en doute pas, mais je ne sais pas si je suis prêt à ce genre de choses. Et je crois que tu as un peu choqué Miléna en plus.

— Oh, ça va, rit-elle. Elle a dû en voir d’autres. C’est bon, j’ai compris, tu te tapes la remplaçante, c’est ça ?

— Mais non, qu’est-ce que tu vas imaginer ? Je ne me tape personne et surtout pas devant les enfants. Bref, je te laisse finir avec eux, et la prochaine fois que tu veux un baiser, demande avant si je suis d’accord, ok ?

— Oui, Patron. Comme vous voulez, me dit-elle en me faisant un nouveau clin d’œil.

Je sors rapidement alors qu’elle retourne auprès des enfants. Je me demande ce qu’ils ont vu et ce qu’ils vont penser de toute cette histoire, mais là, j’ai juste envie d’aller m’expliquer auprès de Miléna. Je ne sais pas pourquoi j’éprouve ce besoin, nous ne nous sommes rien promis, mais j’ai l’impression qu’elle n’a pas apprécié ce baiser échangé avec mon employée. J’entre dans la cuisine et elle sursaute, surprise de ma brusque intrusion.

— Ce n’est que moi, dis-je doucement.

— Je n’ai pas besoin d’aide en cuisine, je te remercie, me répond-elle en remettant le nez sur les gamelles.

— Miléna, ce n’est pas ce que tu crois avec Nina. Je te jure qu’il n’y a rien entre nous. Elle m’a sauté dessus pour ce baiser, je te promets que c’est ce qu’il s’est passé.

— Je ne crois pas que ça me regarde, soupire-t-elle. Tu fais ce que tu veux, c’est… Ta vie, ton corps, tes envies. Elle est jolie, je peux comprendre.

— Je pense que ça te regarde un peu quand même. Parce que je crois que je préfère cent fois le baiser que tu me donnes le matin avant que je ne parte à celui que Nina vient de me voler contre mon gré. Mais bon, ce n’est sûrement pas ça que tu veux entendre, j’imagine, et mes paroles ne sont pas très utiles pour contrecarrer ce que tu as vu, n’est-ce pas ?

— Tu parles trop vite, je ne comprends que la moitié de ce que tu dis quand tu essaies de te justifier, tu sais ? C’est un peu comme si je te parlais sans faire attention à mon accent, je crois. Mais je te le dis encore, tu n’as pas à te justifier auprès de moi…

Je constate qu’elle fait toujours mine de se concentrer sur la préparation du repas et je ressens comme un serrement de mon cœur de la voir ainsi se refermer sur elle-même, de la sentir essayer d’ériger une barrière entre elle et moi. Je me rapproche d’elle et, n’écoutant que mon instinct, je pose mes mains sur ses hanches et la force à se retourner pour me faire face.

— Miléna, dis-je lentement. C’est toi que j’ai envie d’embrasser.

Je joins le geste à la parole et pose mes lèvres sur les siennes. Surprise, elle ne me rejette pas tout de suite, mais finit néanmoins par me repousser.

— Il ne faut pas et tu le sais. Pour toi, pour moi, pour les enfants. Je ne suis que de passage dans vos vies, je ne peux pas faire ça, je suis désolée…

— Non, il ne faut pas, mais là, j’espère que tu as compris ce que je disais et voulais dire.

— J’ai compris, oui… Même si ça ne change rien ou presque. Je n’ai pas très faim, je te laisse terminer, je vais monter me reposer.

Je la regarde sortir précipitamment, impuissant pour la retenir. Je n’arrive pas à comprendre ce que tout ça signifie. J’ai l’impression que si elle s’est mise dans cet état face au baiser de Nina, c’est qu’elle est intéressée par moi. Un petit peu, au moins. Mais alors, pourquoi me fuir alors que je viens lui expliquer qui me plaît vraiment ? Et pourquoi faut-il que Nina ait choisi ce jour pour me sauter dessus ?

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