57. Ça chauffe au Château

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Maxime

— Tom, s’il te plaît, tu peux aller chercher la viande ? Le barbecue est prêt, il ne reste plus qu’à tout faire cuire ! Et dis à tout le monde de venir nous retrouver parce qu’on va bientôt manger ! J’espère que ta Mamie est arrivée car sinon, on va commencer à manger sans elle.

Il ne se fait pas prier et fonce vers la cuisine sous mon regard attendri. Il est vraiment content car, grâce à la présence de Miléna, il n’a pas à aller au centre aéré et peut rester toute la journée à lire et à jouer à la maison. Il a trouvé une caisse pleine de magazines pour adolescents qui datent de ma jeunesse et les dévore à longueur de journée. Il apprend plein de petites anecdotes qu’il s’empresse d'emmagasiner et de nous ressortir dès qu’il le peut. En attendant qu’il revienne, je surveille d’un œil distrait la braise et observe les canards qui s’amusent à se disputer. J’aime bien les voir voler comme ça les uns derrière les autres pour affirmer leur territoire et j’adore le bruit qu’ils font. C’est quand même une vraie chance d’avoir des douves comme ça, autour du château, c’est tellement agréable.

Tom revient avec Casanova dans les bras, suivi de Miléna et Lili qui ramènent les plats de viande crue et les salades.

— Ma mère n’est pas encore arrivée ? demandé-je, surpris. J’espère qu’elle ne va pas tarder, sinon il va falloir qu’on l’attende avant de commencer.

Ce petit barbecue, on a décidé de l’organiser hier soir pour fêter notre découverte et l’idée est de repartir un peu dans l’exploration du souterrain. Mais l’ambiance est un peu moins festive que prévue car ce matin, un recommandé est arrivé, avec tous les tampons officiels du gouvernement. Miléna a reçu sa convocation pour aller à l’OFPRA, l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides, à côté de Paris et elle est stressée, même si j’ai tenté de la rassurer. Elle a encore le temps de se préparer et va pouvoir se défendre, je trouve que c’est plutôt une bonne nouvelle.

— Non, pas de Marie à l’horizon. On va attendre, ce n’est pas très grave. Si tu t’impatientes, fais un câlin à Casanova, il est très doué pour occuper les gens. Surtout quand il décide de faire des bêtises partout, d’ailleurs, sourit Miléna en tapotant la tête de la boule de poils.

— Non, moi, ce que je veux, c’est un câlin de ma jolie Arménienne, dis-je en l’attirant sur le fauteuil de jardin où je me suis assis.

Elle se laisse faire en souriant et vient me chevaucher alors que je caresse sa nuque dégagée de ses longs cheveux qu’elle a tressés et noués autour de sa tête de façon artistique. Nous nous embrassons et je ne peux m’empêcher de repenser à notre réveil où elle s’est retrouvée dans la même position quoique moins habillée. Que c’était agréable de la réveiller en la caressant et en dégustant son intimité ! Que ce fut plaisant de la tirer des bras de Morphée pour la faire gémir et m’unir à elle. Ce matin, après m’avoir laissé faire l’introduction, elle a pris les choses en main. Littéralement. Et elle m’a utilisé pour son plaisir en s’empalant sur moi jusqu’à ce que ses ondulations sur mon corps excité ne nous mènent à l’extase. Et de la retrouver ainsi assise sur moi me renvoie à cette étreinte qui fut tendre et sensuelle et qui me donne envie de l’attirer avec moi dans la chambre que nous partageons pour reprendre les choses où on les a laissées quand nous sommes allés prendre notre petit déjeuner.

— Tu vois, c’est une belle journée, je suis sûr que c’est bon signe que tu aies reçu ce courrier aujourd’hui, je sens que tout va bien se passer.

— Tu crois ? Parce que, moi, je suis persuadée que ça n’a absolument aucun lien, mais tu es mignon d’essayer de me rassurer, rit-elle.

Je souris et l’embrasse à nouveau en laissant mes mains traîner sur ses fesses. Elle se colle tout contre moi et je crois que, si elle était un chat, elle ronronnerait du plaisir de cette nouvelle étreinte malheureusement trop vite interrompue par Tom qui s’est approché sans qu’on ne le remarque.

— Pour quelqu’un qui ne veut pas prendre la place de Maman, tu es quand même bien proche, je trouve. Vous pouvez pas être discrets au moins ?

— Non mais, de quoi je me mêle, moussaillon ? rétorqué-je en retenant Miléna qui cherchait déjà à se lever. Tu n’as pas compris que de mon côté, je voulais passer à autre chose ? Tu sais que j’ai envoyé un mail à l’avocat pour lancer la procédure de divorce, ce matin ?

Je vois que la jolie femme dans mes bras est toute aussi surprise que lui et les deux me regardent, étonnés, alors que Lili vient participer à la discussion.

— Ça veut dire qu’elle ne va plus revenir, Maman, c’est ça ?

— Ça veut surtout dire que je vais être libre de faire ce que je veux de ma vie, ça ne change rien du côté de votre mère. Il semblerait qu’elle ne souhaite plus rien avoir à faire avec nous, mais si mon avocat parvient à la contacter, ça va peut-être la faire réagir, qui sait ?

— La faire réagir ? Ce n’est pas parce qu’elle est partie qu’elle ne veut plus nous voir, marmonne Tom en se renfrognant.

— Sauf qu’elle serait venue nous voir, si elle voulait vraiment le faire, murmure Lili. Il faut te faire une raison, Tom, c’est chiant de t’entendre parler de Maman tous les jours.

— Elle lui manque, Lili, c’est normal qu’il en parle. Tu sais bien comme il est un peu différent de nous et que le changement est compliqué à accepter. Il faut juste être patient. En tous cas, moi, le changement, j’aime bien, j’avoue, dis-je en souriant à la brune sur mes genoux qui a l’air un peu mal à l’aise. Surtout quand il est aussi joli que Miléna !

— Je suis pas différent ! C’est vous qui êtes chiants avec ça.

— On est tous différents, c’est le monde qui serait chiant, si on était tous pareils, sourit Miléna. Je suis désolée, Tom, on s’est un peu laissés aller, je te promets de faire plus attention. N’est-ce pas, Max ?

— Mouais, je ne sais pas… J’aime bien les bisous, moi. Mais bon, je suppose qu’on peut se restreindre un peu. Par contre, je maintiens ce que j’ai dit, je suis content que l’on soit tous les quatre, et surtout qu’on puisse continuer notre quête du trésor tous ensemble. On a déjà trouvé plein de choses, mais il faut voir ce qu’il y a encore dans le souterrain et déchiffrer le livre afin de comprendre à qui a appartenu l’épée. C’est excitant, tout ça, n’est-ce pas les enfants ?

J’espère que le changement de sujet va leur faire un peu oublier que j’ai tourné la page de leur mère, que je suis en train d’essayer de prendre un nouveau départ et de me lancer dans une relation qui va m’apporter plein de bonheur, j’espère.

— Toujours plus excitant que Miléna et toi en train de vous… Bécoter, grimace Tom en lançant la balle à Casanova qui ne daigne pas bouger et reste à ses pieds.

— Ça va, Tom, on a compris, maugréé-je. Allez, on va faire chauffer les brochettes. Tu m’as bien dit que tu les avais faites mariner dans une sauce à l’arménienne, c’est ça ?

— Oui, j’espère que je n’ai pas trop abusé des épices, rit Miléna, son bras toujours autour de mon cou. Je te promets que c’est délicieux.

Je lui souris mais ce petit moment de félicité en famille déjà un peu malmené par mon fils qui aimerait que tout redevienne comme avant est subitement mis encore plus à mal.

— Eh bien ! Je vois qu’on se laisse aller, ici ! nous interrompt une voix qui pousse Miléna a se relever brusquement.

— De quoi tu parles, Maman ? demandé-je innocemment en me levant à mon tour pour me diriger comme si de rien n’était vers le barbecue où j’attise un peu les braises en soufflant.

— Oh arrête, ne me prends pas pour une buse ! s’agace-t-elle immédiatement. Allez jouer plus loin, les enfants, il faut qu’on parle entre adultes.

— Encore ? Pourquoi on nous demande toujours de partir ? s’indigne Lili. Allez, viens, Tom, les grands vont encore se disputer, il vaut mieux qu’on aille jouer avec Casanova et les canards.

Je continue à préparer le barbecue comme si ma mère n’avait pas débarqué en mode furie et positionne les brochettes sur le feu tandis que les enfants s’éloignent en tirant Casanova avec eux qui semble avoir autant envie de s’éloigner que ma fille.

— Vous voulez boire quelque chose, Marie ? lui demande Miléna qui tente de rester naturelle mais est déjà en train de jouer avec une mèche de ses cheveux, signe de sa nervosité.

— Tu vas bien Maman ? Tu as l’air un peu énervée, dis-je en souriant afin de détourner son attention de la jolie étrangère.

— Enervée ? Non, non, je trouve ça tout à fait normal que tu couches avec une femme sans papiers après l’avoir recueillie chez toi. Je trouve ça absolument normal que vous soyez devant les enfants en train de vous tripoter alors qu’ils parlent encore de leur mère quotidiennement. Tout va très bien, Maxou, je t’assure !

— Mais à part ça, Madame la Marquise, tout va très bien, tout va très bien, chantonné-je en essayant de prendre son interpellation à la rigolade. Si tout va très bien, on va bientôt pouvoir passer à table, alors.

— Enfin, Maxime, réfléchis un peu avec ta tête plutôt qu’avec ton… Ton… Bref, tu vois, quoi ! bafouille-t-elle en faisant de grands gestes désordonnés. Miléna n’a pas de papiers, tu crois qu’elle est avec toi pour quoi d’autre ?

— Je te préviens que si tu continues à insinuer ce que tu es en train de dire, ça va mal aller. Si tu veux qu’on passe une bonne journée en famille, tu retires tout de suite tes insinuations ou alors tu peux nous laisser manger tranquilles. Cela fait trois ans que Florence est partie et j’ai le droit à une nouvelle chance. Et je crois que je suis assez grand, désormais, pour juger de la personne avec qui je veux passer ma vie, tu ne crois pas ?

Je n’ai pas pu retenir mon énervement et je pense que ma mère est un peu surprise par la virulence de mes propos que j’essaie d’atténuer un peu en baissant la voix pour continuer.

— J’apprécie ton attention envers moi, Maman, mais je n’ai plus quinze ans, et je sais ce que je fais. Miléna est une femme formidable et même toi devrais être en capacité de voir qu’elle n’est pas en train d’abuser de moi.

— Je t’aime de tout mon cœur mon fils, mais tu es un imbécile si tu te jettes à corps perdu dans une relation qui n’a aucun avenir. Ce n’est pas comme ça que tu iras mieux, que tu oublieras Florence. Tu es bien un homme, tiens, une partie de jambes en l’air et tu perds toute raison !

Je jette un œil vers Miléna qui semble complètement désespérée et au bord des larmes. J’hésite un court instant sur la conduite à tenir, pris entre l’envie d’apaiser ma mère et la colère face à ses insinuations.

— Eh bien, au moins, pas de doute dans tes propos. Les étrangers sont tous en France pour le fric et les allocs, tout le monde le sait, dis-je un peu amer. Alors, on arrête de parler de ça. Soit tu n’acceptes pas la situation et tu peux retourner chez toi, soit tu mets de l’eau dans ton vin et me laisses gérer ma vie comme je le sens sans faire de remarques. Clairement, les enfants préfèreraient que tu restes et fasses comme si tout allait bien, mais moi, vu ce que tu viens de dire, je m’en fous. Tu peux rentrer chez toi, mais sache que Miléna est une femme bien et qu’elle n’en a rien à faire de mon argent. Tout le monde n’est pas aussi vénal que tu pourrais le penser.

Je lui tourne le dos et me rapproche de Miléna que je prends dans mes bras pour la réconforter. J’évite de l’embrasser devant ma mère mais l’entraîne avec moi vers l’endroit où jouent les enfants. Ma mère a l’air un peu sous le choc de ce que je viens de lui dire et quand je reviens m’occuper des brochettes, je constate qu’elle s’est assise à table et me regarde sans me dire un mot. Ce barbecue n’est vraiment pas dans l’ambiance familiale et chaleureuse que j’espérais.

Les enfants et Miléna viennent nous rejoindre quand je les appelle, une fois la viande cuite. Lili s’installe à côté de sa grand-mère alors que nous, les adultes, restons silencieux.

— Tu sais, Mamie, il ne faut pas s’énerver comme ça. Miléna, elle est gentille et elle a promis de ne pas prendre la place de Maman. Ça aurait pu être pire, vu les goûts de Papa en général, tu ne crois pas ?

Je souris en entendant ma fille parler, la voix de la sagesse parmi notre folie et colère à tous.

— C’est clair que j’aurais pu choisir une vieille acariâtre, pas jolie et méchante avec les enfants. Finalement, ce n’est pas si mal que ça ! ris-je.

— Oui, bon, bref… Parlons d’autre chose, soupire ma mère. Vous m’emmenez avec vous dans le souterrain cette fois, j’espère.

— Oui, bien sûr Mamie ! On va te montrer Nestor ! Tu vas voir, il est trop beau ! s’enthousiasme Tom.

— Nestor ? demandé-je en arquant un sourcil. C’est qui, ça ?

— Eh bien, c’est le chevalier en armure qui était en bas, Papa ! C’est lui qui a sauvé toutes les princesses en détresse, et il est aussi beau que toi et encore plus fort ! s’extasie Lili.

— J’espère que je sens moins le renfermé que lui, quand même.

— Ah oui, ça c’est sûr ! Quoi qu’après avoir creusé hier, tu ne sentais pas vraiment la rose non plus, rit Miléna alors que les enfants se moquent gentiment de moi.

— Ben dans ce cas-là, je n’étais pas le seul. Allez, on mange et après, on part en expédition. On en profitera pour remonter Nestor et lui refaire une beauté. Maman, attention, c’est peut-être ton prochain prétendant !

Ma mère me sourit doucement, signe d’apaisement. Je la sens toujours un peu en retrait, mais finalement, le reste du repas se passe sans accroc. Elle a l’air de se faire une raison et l’ambiance est plus détendue. Finalement, maintenant que tout le monde est au courant pour Miléna et moi, ce n’est pas plus mal, on va pouvoir vivre notre relation sans plus nous cacher. Ou en tout cas, juste en restant un peu discrets pour ménager toutes les susceptibilités.

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