Après la mort, le néant ?
J'avais toujours cru qu'après la mort venait le néant, que j'aurais enfin droit au repos. Et pourtant, me voilà dans un espace à l'opposée d'un grand vide noir, littéralement.
Autour de moi se trouve une étendue de blanc, suffisamment brillante pour créer une sensation de lumière mais pas assez pour m’aveugler. Le temps ne semble pas avoir ni d’impact ni de trace visible : j’en suis actuellement à 1800 secondes, et encore, je pense avoir perdu le fil à un moment, mais rien n’a changé pour l’instant. La lumière est toujours aussi crue, la température est toujours la même, et l'espace autour de moi est toujours aussi vide. En quelque sorte, j'ai gagné mon néant, il est juste un peu plus lumineux que prévu.
Finissant par m'agacer de cette inactivité et du tic-tac régulier créé par mon esprit, je me lève et me mets à marcher. Ce vide ne pouvait pas être infini ! J'en suis persuadé ! Enfin je l'espère sincèrement. Une éternité seul en étant conscient de l'être n'est absolument pas prévu au planning de ma mort. Oui, je viens de décider que j'en ai un. Je ne sais pas encore de quoi il sera fait, mais à présent il existe.
Le décompte du temps dans mon crâne se termine donc, remplacé par celui de mes pas. Ce n'est pas forcément mieux mais au moins je peux changer le rythme et perdre l'agaçant tic-tac.
Un...Deux...Trois...
Je vais bien apercevoir quelque chose ou quelqu'un. Je ne suis pas le seul mort dans le monde après tout... Tous les morts ne peuvent pas disparaître d'un coup, cela n'aurait aucun sens !
Vingt...Vingt-et-un...Vingt-deux...
Toujours rien. Et mes pensées commencent à sérieusement partir n’importe où. La mort aurait pu au moins couper le flot de pensées incessant et sans aucun de sens. A quoi savoir si les branches des arbres sont des bras, des cheveux ou des doigts pourrait me servir, surtout dans la mort ?
Cent-trois...Cent-quatre...Cent-cinq...
Les changements arrivent doucement autour de moi. Une légère modification de la teinte des murs, une lumière plus chaude, moins agressante, une température qui diminue pour devenir parfaite selon mes goûts. Même le temps semble avoir un peu plus d'importance à présent. Mais trop focalisé sur le comptage devenu familier, je ne m’en rends pas compte.
Mille-deux-cents...Mille-deux-cent-un...Mille-deux-cent-deux...
Mes pas se stoppent net, tout comme le décompte. Parce que devant mes yeux ne se trouve plus un blanc infini mais bien un jardin. Un de ceux que nous pouvions retrouver dans certaines zones de la Terre, parmi les vivants. Une allée de pierres blanches montre le chemin à suivre pour se promener sans risque de se perdre. Des fleurs de tous types parsèment l'herbe verte et douce, embaumant l'air de leurs parfums envoutants. Leurs couleurs m'offrent un étonnant spectacle, leur multiplicité contrastant avec le blanc pur que je viens de quitter.
Ce jardin ressemble à un rêve en tout point. Je suis d'ailleurs presque sûr d'entendre le glougloutement de l'eau au loin, provenant d'une fontaine sûrement aussi époustouflante que le reste du jardin. Peut-être y avait-il également un petit coin idéal pour un repas ou une séance de thé sous une arche couvertes de plantes grimpantes ?
Je recommence à avancer, avide de quitter la froideur blanche pour entrer dans ce petit coin de paradis. Mes pieds nus ne ressentent aucunes douleurs et marchent sur les grands galets blancs sans un bruit. Mais au fur et à mesure que mes pas m'emmènent plus profondément dans le jardin, que mes yeux découvrent de nouveaux éléments -tels que les confortables bancs éparpillés un peu partout- une sensation familière m'étreint. Je connais cet endroit.
Ce n'est pas un lieu qui ressemble à un rêve.
C'est LE jardin de mon rêve.
J'avais déjà vu ce paysage plusieurs fois, je l'avais construit, façonné du temps de mon vivant. C'est mon jardin secret, un endroit où je pouvais me perdre dans mon esprit, loin de tout, pour souffler un coup. Ce n'est pas un lieu inconnu ou qui existe véritablement. C'est un lieu basé sur mes souvenirs et mes envies de réconfort, un lieu dans lequel je me sens bien.
Il n'y a donc pas de néant, juste une place rassurante et calme, une place dans laquelle je peux profiter et me reposer. Peut-être continuera-t-elle de changer aux gré de mes envies ?
La fontaine apparaît ensuite devant mon regard, ainsi que la petite arche abritant une table et des chaises. J'y pris place avant de fermer les yeux, un sourire naissant sur mes lèvres.
Finalement, je ne regrette plus l'absence de néant.
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