Welcome to Night City
La voiture banalisée franchit le poste de contrôle et s’engage vers Night City. Pour Frank, le contraste est brutal. Derrière lui s’étendent les Badlands, vastes et sauvages, où l’air sent encore la poussière et la liberté. Mais devant, la ville s’impose, saturée de béton, de métal et de néons de toutes les couleurs.
Le nomade observe par la fenêtre à mesure que la voiture s’enfonce dans les rues. A peine ont-ils tourné sur les grands boulevards que le nomade regarde les toits. Sur l'un d'eux, un immense panneau publicitaire projette une femme en relief qui se veut vanter les mérites d’une nouvelle drogue synthétique, promettant évasion et extase.
Les fenêtres des immeubles sont grillagées, certaines éclatées, et révèlent des intérieurs crasseux où des familles entières vivent entassées. Frank remarque un enfant regardant tristement à travers les barreaux, ses yeux brillant de désespoir.
Au niveau du trottoir, une altercation éclate entre un groupe d’amis et un policier. Armé d’un taser, l’agent frappe sans retenue, presque avec plaisir, électrocutant ceux qui n’ont rien fait, et les laissant se tordre sur l’asphalte. Autour d'eux, les passants ne prennent pas le temps de ralentir ou de regarder. A Night City, la violence ne choque plus. Elle fait partie du décor.
Les bruits de la ville sont omniprésents : des klaxons, des cris, des sirènes et le bourdonnement constant des machines. Un contraste brutal avec le calme et l’immensité des Badlands.
— Bienvenue à Night City, murmure Svetlana, percevant l’inconfort de son passager. Ça te plait ?
— Les Badlands, c’est la liberté. Ici, c’est… l’oppression. Chaque coin de rue pue la décadence et la corruption.
Svetlana tourne à une intersection et ils passent devant un marché couvert où des vendeurs crient leurs marchandises : implants cybernétiques illégaux, armes modifiées, et drogues de toutes sortes. Un homme tente même de vendre un bras cybernétique encore tâché de sang à un passant intéressé.
— La ville a ses propres règles, avoue Svetlana. Et elles ne sont pas faites pour les faibles.
A mesure qu’ils approchent de l’appartement d’Akiko à Japan Town, Frank a cette sensation d’être surveillé et contrôlé. A sa défense, les dizaines de caméras autour de lui n’aident pas à soigner sa détestation de l'environnement urbain.
— Je vais te retrouver, Isabela, promet-il. Et on va faire payer ceux qui sont derrière tout ça.
Frank observe toujours la ville par la fenêtre, les yeux plissés contre les néons et les affiches holographiques criardes. Il se tourne vers Svetlana, la curiosité piquée par ce qu’il a vu jusqu’à présent.
— Alors, la rouage, comment c’est de travailler dans la police de Night City ?
— C’est… répond-elle avant d’augmenter le volume de la radio. La corruption est omniprésente, à tous les niveaux. Les corpos contrôlent tout même les forces de l’ordre. Je me prends pour don Quichotte à me battre constamment contre des moulins à vent.
— Ouais, c’est pas faux, commente Frank qui fait semblant de comprendre la référence littéraire.
— La plupart de mes collègues finissent par céder, soit en acceptant des pots-de-vin, soit en fermant les yeux, avoue Svetlana. Mais certains d’entre nous… on essaie de faire ce qui est juste même si ça signifie aller à contre-courant.
Frank donne un coup de chapeau en signe de respect.
— Compris, partenaire.
Ils continuent à rouler, passant devant une scène où des policiers arrêtent violemment un groupe de sans-abris. Juste au-dessus d’eux, des panneaux publicitaires colorés promettent richesses, gloire et extase. Du mythe à la réalité.
— Tu dois souvent te sentir comme une cible vivante.
— Tous les jours. Chaque enquête, chaque arrestation peut être celle qui me mettra une cible dans le dos. Mais quelqu’un doit le faire.
Frank la respecte encore plus à entendre ces quelques mots.
— T’es une dure à cuire, la pied-tendre. C’est rare de nos jours.
Elle sourit et dévoile une rare expression de compassion dans ce monde.
— Merci, le nomade. Mais je ne suis pas seule. Il y a encore des gens qui se battent pour ce qui est juste.
Ils approchent enfin de l’appartement de la petite amie de de Svetlana à Japan Town. La voiture ralentit alors qu’ils entrent dans un quartier un peu plus calme mais tout aussi délabré. Les immeubles sont hauts et imposants, avec des balcons grillagés et des portes renforcées. Svetlana se gare et coupe le moteur.
— Tu as mangé ? dit-elle en sortant de la voiture. Je vais m’arrêter chez Biang Biang avant de rejoindre Akiko.
— Biang Biang ? C’est de la nourriture de Jaune ou ils servent de la vraie américaine ?
— Laisse-toi faire, tu vas goûter à une spécialité locale. Tu m’en diras des nouvelles.
Svetlana guide Frank vers un vendeur de nourriture ambulant. A l’intérieur de la roulotte aux senteurs épicées, il peut voir plusieurs personnes travailler, occupées à servir une petite foule.
— Tu dois essayer le laksa d’ici, plaide-t-elle. C’est le meilleur du coin. La viande n’est presque pas synthétique.
Frank suit Svetlana jusqu’au stand. Le vendeur, un homme d’âge moyen avec un sourire chaleureux, les accueille en bahasa Indonesia avant de passer à un anglais approximatif.
— Salut Jo. Deux laksas au poulet, s’il te plaît.
Le portefeuille numérique de l'inspectrice se connecte à celui du vendeur — un échange direct, de cerveau à cerveau. Une impulsion numérique plus tard, les eddies changent de compte. Une fois leurs portions prêtent, le nomade et la rouage prennent leurs bols fumants, et s’assoient à une table libre devant la roulotte. Frank regarde les baguettes avec méfiance.
— C’est quoi ces bouts de bois ?
Svetlana se moque tendrement du nomade.
— Je vais te montrer.
Elle lui montre la technique, tenant ses baguettes avec un soin qui contraste avec la maladresse de Frank. Il essaie de l’imiter mais ses efforts sont infructueux, provoquant un sourire chez Svetlana.
— Bon, je vais y aller à la manière civilisée, lance le nomade en subtilisant une cuillère à ramen à une table voisine.
Il plonge la cuillère dans le bol, ramenant une portion de nouilles et de bouillon à ses lèvres. Le goût riche et épicé explose dans sa bouche et malgré lui, il ne peut s’empêcher de laisser d’apprécier la nourriture.
— C’est… vraiment bon, admet-il surpris.
Svetlana penche sa tête sur le côté pour se donner un air mignon et savourer sa victoire gustative.
— Je savais que ça te plairait.
Frank avale le reste avec une appétit, savourant chaque bouchée malgré lui. Une fois terminé, il pose le bol vide et soupire de contentement. Ils continuent à marcher dans Japan Town, les rues bondées de gens parlant dans un mélange de langues : japonais, coréen, chinois, indonésien, vietnamien et parfois même un peu d’anglais. Des écrans géants diffusent des publicités et des clips musicaux qui ajoutent une couche de chaos visuel et sonore.
Frank observe tout cela avec une certaine distance. Il n’a jamais été à l’aise avec les cultures autres que la sienne et se retrouver en plein cœur de Japan Town ne fait qu’accentuer son malaise. Ce que Svetlana remarque et pose une main rassurante sur son bras.
— Ne t’inquiète pas, nomade. Tu t’y habitueras. Japan Town a ses charmes, même si c'est écrasant au début.
— On va voir cette Akiko ? réplique-t-il.
— Son appartement n’est pas loin d’ici. Suis-moi.
Frank et Svetlana traversent les rues animées de Japan Town jusqu’à un immeuble grisâtre et mal entretenu. Les murs extérieurs sont couverts de graffitis et de fissures, les fenêtres sont ternies par la crasse et l’entrée principale semble sur le point de tomber en morceaux. Svetlana pousse la double porte qui grince en s’ouvrant, révélant un hall d’entrée mal entretenu.
Le duo se dirige vers l’ascenseur, dont les portes métalliques sont bosselées et rayées. Frank appuie sur le bouton, et après un court moment d’attente, les portes s’ouvrent avec un bruit désagréable. Ils entrent dans l’ascenseur où une mère vietnamienne et son enfant sont déjà présents. Aussitôt, l’enfant fixe celui qu'il prend pour un colosse, avec des yeux ronds de peur.
— Tu n’as jamais vu un nomade avant, le Pon ?
Le garçon se précipite pour se cacher derrière les jambes de sa mère, serrant sa robe de ses petites mains. D’un regard méfiant, la mère toise Frank, puis murmure quelques mots apaisants à l’oreille de son fils. Svetlana, fusille Frank du regard ; mais le nomade se contente de hausser les épaules.
— Quoi ? C’est juste une question.
L’ascenseur grimpe en grinçant, comme s’il allait se décrocher à chaque palier, puis s’arrête brusquement au huitième étage. Les portes s’ouvrent sur un couloir faiblement éclairé par des néons. Des détritus s’amoncellent au sol, tandis que des disputes et des basses s’échappent des appartements voisins.
Svetlana mène Frank à une porte marquée de caractères japonais et griffonnée de tags colorés. Elle tape de quelques coups et après un moment, la porte s’ouvre sur une jeune femme japonaise aux mèches bleues. Elle porte un t-shirt ample avec un logo de jeu vidéo et des écouteurs autour du cou.
— Salut, Akiko. Merci de nous recevoir, dit Svetlana en l’embrassant amoureusement.
Le studio est petit mais impeccablement organisé, rempli d’écrans d’ordinateur, de câbles et de gadgets technologiques. Des posters de mangas et de films d’animation couvrent les murs.
— Pas de problème, Zima, dit Akiko en jetant un coup d’œil curieux à Frank. Alors, c’est lui le nomade dont tu m’as parlé ?
Frank surjoue pour cacher son malaise dans cet environnement auquel il est étranger.
— Ouais, c’est moi. Pur jus américain. C’est toi la Pon avec les ordinateurs ?
— Jus quoi ? La Pon avec… répète Akiko en se tournant vers Svetlana.
L'inspectrice regarde son amante et lui fait signe de passer à autre chose. Une fois informée de la situation, Akiko se met immédiatement au travail. L’experte informatique s’assoit devant son ordinateur, connecte divers câbles à ses ordinateurs, faisant apparaître des écrans de code, et des logiciels de piratage.
Pendant qu’Akiko travaille, un nomade loin de son univers habituel parcourt l’appartement du regard. Les murs sont tapissés de posters d’animés dont il ignore tout, et des figurines de personnages de mangas ou de jeux vidéo occupent fièrement les étagères. Il s’approche d’une bibliothèque débordant de livres numériques et de magazines spécialisés en technologie. Les titres lui sont tous inconnus, truffés de termes qu’il ne comprend pas. Du bout des doigts, il effleure un recueil intitulé « Hacking 501 », en se demandant si Akiko comprend vraiment tout ça.
Frank a toujours vécu dans un monde de muscles et de métal où la force brute et la survie comptaient plus que les compétences intellectuelles. Ici, il se sent comme un dinosaure dans un monde de génies informatiques.
— Je contourne le brouillage, annonce Akiko sans détourner les yeux de son écran. C’est un système assez sophistiqué mais rien que je ne puisse gérer.
Frank regarde autour de lui, toujours intrigué par l’environnement. Il voit un casque de réalité virtuelle accroché à un coin de bureau, des consoles de jeux empilées les unes sur les autres et des boîtes de pizzas vides qui trahissent des nuits blanches passées devant les écrans.
— Tu fais tout ça toute seule ? s'exclame-t-il, incapable de cacher sa curiosité.
— Ouais, c’est mon truc. J’adore ça.
Frank reste impressionné malgré lui.
— Ça a l’air compliqué.
— Ça l’est, et c’est ce qui est excitant, répond-elle en regardant Svetlana. D’ailleurs, j’ai trouvé quelque chose.
Akiko affiche enfin les images des caméras de sécurité débarrassées du brouillage. On y voit le parking du motel, Isabela se faire enlever, et des véhicules de corpos fuyant les lieux à toute vitesse. Le nomade est attentif au moindre détail, et sent grandir en lui un respect sincère pour la hackeuse et son talent.
— On est sur la bonne voie, confie Svetlana. Akiko est la meilleure dans son domaine.
— Mauvaise nouvelle, annonce son amante. Le brouillage est trop puissant. Les plaques d’immatriculation sont illisibles. Ces gars-là savent ce qu’ils font.
Frustré, Frank se tourne vers la fenêtre en pestant.
— On n’a rien, alors ? ajoute-t-il.
— Pas exactement, intervient Frank. Akiko, zoome sur les images. Svetlana, regarde. Les roues ne sont pas d'origine, des vitres pare-balles ont été ajoutées, et j'te parie mon flingue que le moteur a aussi été remplacé. Ce n’est pas du standard corpo, c’est du sur-mesure.
Svetlana se penche en avant, examinant les images avec attention.
— Et leurs visages ?
Akiko secoue la tête.
— Ils ont pris soin de les masquer. Pas moyen de les identifier.
Svetlana réfléchit un instant.
— J'ai déjà vu les jantes des véhicules sur d'autres affaires, interrompt Svetlana. Elles viennent toutes du garage d'un gars, Tyrone Jackson. Il est le seul à en importer, directement du Japon.
Elle se redresse et regarde le nomade droit dans les yeux.
— Si on peut mettre la main sur ce Tyrone, on pourrait obtenir des infos sur ceux qui ont enlevé ta femme, nomade.
— Dis-moi où et quand, répond l'intéressé.
— Il vit pour la came, les caisses, et les courses. Ça vaudrait peut-être le coup de montrer ce que tu vaux, si tu veux gagner son respect.
Frank sent une lueur d'espoir naître en lui.
— Alors, on peut les retrouver ? demande-t-il avec espoir.
— Il organise des courses presque tous les soirs, et la prochaine, c’est demain. Je le tiens de mes collègues de la Highway Patrol… Cadeau du capitaine, ils ont tous eu leurs jours de congés sucrés. C’est toujours comme ça quand une course est annoncée. Cela permet au NCPD d'arrêter les conducteurs un peu trop performants et de revendre les voitures ensuite. Tyrone et mes collègues ont leur petits arrangements.
— Ce Yankee de Tyrone croit qu’il sait conduire ? Attends de voir comment on fait dans les Badlands.
— Voilà qui me plaît, répond Svetlana. La prochaine course se tiendra à North Oak. Demain, je me renseignerai sur le tracé exact et sur le point de départ auprès de mes contacts.
Elle s’étire en baillant discrètement.
— Mais en attendant, il se fait tard. Akiko, je peux rester dormir ce soir ?
La hackeuse se lève, et s’étire.
— Sans problème, répond-elle enjôleuse. J’ai même de la place pour le nomade et ses humeurs.
Elle s'éclipse un instant, et revient avec un datapad où s'affiche une liste de courses.
— Il y a une épicerie juste en bas, au coin de la rue. Frank, va chercher ce dont j'ai besoin. On va en profiter pour discuter un peu, juste Zima et moi.
Le nomade ajuste son chapeau, attrape la tablette et sort, armé, cela va de soi. Il descend les escaliers jusqu’à la rue animée de Japan Town. Il pousse la porte de l'épicerie asiatique, et entre en faisant tinter une petite cloche. L'intérieur étroit est encombré de rayons qui débordent de produits qui lui sont étrangers. Immédiatement, il sent les regards des autres clients se tourner vers lui, et sur ses armes et son gilet pare-balles. Frank est le seul non-Asiatique dans le magasin et sa présence imposante, accentuée par son arsenal, n’aide pas à le faire passer inaperçu.
Les clients murmurent entre eux, certains détournent rapidement le regard, d’autres s’écartent de son chemin. Une vieille dame presse ses courses contre elle, évitant soigneusement de croiser le chemin du géant armé.
Il déverrouille la tablette qu'Akiko lui a confiée et découvre que la liste est rédigée en japonais. Inutile de préciser qu’il n’en comprend pas un mot.
— Putain de Pon... Akiko, ça aurait été trop demandé d’écrire ça en américain ?
Il se tient en regardant les étagères sans savoir par où commencer. Les autres clients l’évitent, murmurant entre eux et jetant des regards furtifs vers l’étranger armé. Agacé, Frank soupire avant de repérer une jeune fille coréenne d’à peine quatorze ans qui travaille dans le magasin, occupée à empiler des boîtes de nouilles instantanées.
— Hé, toi, l’appelle-t-il. Viens ici et aide-moi à trouver ces trucs de Pon.
La jeune fille sursaute et se tourne vers lui, les yeux écarquillés de peur. Elle s’approche en tremblant de tout son frêle corps.
— Euh, oui, monsieur, balbutie-t-elle dans un anglais approximatif. Que faire pour vous ?
Frank lui tend la tablette. La jeune fille s'en saisit et commence à guider Frank à travers les rayons, rassemblant les articles un par un. Chaque fois qu’elle lui tend un produit, le nomade lui adresse un coup de chapeau, sans vraiment la remercier. Une fois les courses terminées, ils se dirigent vers la caisse. Un à un, les articles s’empilent tandis que Frank fixe le terminal ; un flash discret scanne sa rétine et valide le paiement. Une fois la transaction terminée, Frank se tourne vers la jeune fille et lui donne quelques eddies directement en main.
— Merci pour ton aide, jeune Pon. Si tous tes semblables étaient aussi serviables et travailleurs que toi, peut-être que vous pourriez un jour devenir de vrais Américains.
Autour de lui, clients et employés le dévisagent, partagés entre la peur et la stupeur. La jeune fille baisse la tête, incapable de répondre, et murmure un « merci » à peine audible.
Frank attrape par la suite ses sacs et se dirige vers la sortie, traînant derrière lui des regards emplis de crainte et de reproches. Une fois dehors, il inspire profondément l’air frais de la nuit.
— Putain de ville, marmonne-t-il en prenant le chemin du retour. Jamais tranquille, même pour faire des courses.
Frank s’arrête devant la porte du studio d’Akiko, sacs de courses dans les mains. Il lève une main et toque à la porte. Après un instant, elle s’ouvre non pas Akiko, mais sur un garçon de douze ans. Les yeux écarquillés de peur en voyant le nomade barbu et lourdement armé, l'adolescent brandit un parapluie comme une arme improvisée.
— Qu’est-ce que tu veux ! demande-t-il en essayant de paraître plus courageux qu’il ne l’est réellement.
— Je suis ici pour Akiko, gamin. T’es qui d’ailleurs ?
Mais le jeune garçon ne baisse pas sa garde.
— Laisse ma sœur tranquille ! Je ne te laisserai pas entrer !
Le regard de Frank se concentre sur sa cible, évaluant la menace mais il ne fait aucun mouvement brusque.
— Ecoute, partenaire. Je ne cherche pas les ennuis, dit-il en posant les sacs et en serrant son fusil contre lui. Je viens de faire des courses pour ta sœur. Alors laisse-moi passer.
Avant que le gamin ne puisse répondre ou faire un geste supplémentaire avec son parapluie, une voix retentit depuis l’intérieur.
— Takemitsu, baisse ça tout de suite !
Akiko apparaît à l’entrée, et conscience de la situation. Elle pose une main réconfortante sur l'épaule du jeune garçon.
— C’est bon, Takemitsu. Il est venu avec Zima. elle se tourne vers le nomade. Désolée Frank, c’est mon petit frère. Il vient tout juste de rentrer du boulot. On vit ensemble.
Takemitsu hésite un instant puis baisse le parapluie avant de reculer dans le studio.
— Merci pour les courses, dit Akiko pour changer de sujet. Je vais nous préparer un ramen.
Frank entre dans le studio, ses chaussures couvertes de poussière laissent des traces sur le sol impeccablement propre. Il retire son chapeau, révélant ses cheveux en bataille et ajuste machinalement la croix catholique qu’il porte autour du cou. Il jette à nouveau un coup d’œil autour de lui, scrutant l’appartement avec une désapprobation croissante.
— Un vrai repère de sans-Dieu, rouspète-t-il à chaque détail qu’il remarque. Pas une seule Bible en vue. Comment peut-on vivre comme ça ?
Akiko lève les yeux au ciel, visiblement irritée alors qu'elle entame la préparation du dîner.
— Frank. On n’a pas besoin de ta religion et encore moins de tes préjugés. C’est chez moi, tu te souviens ?
Observant la scène depuis un coin de la pièce, Takemitsu reste près de son arme improvisée. Attirée par l'odeur, Svetlana apparaît à son tour dans le cadre de la porte et se retient de rire.
— Je ne vais pas m'ennuyer ce soir, murmure l'inspectrice en regardant tour à tour Frank et son amante.
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