Chapitre 1 - Héritage surprise

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HANNAH

 Je sors de chez le notaire complètement abasourdie. En arrivant une heure auparavant, j’étais bien loin de m’imaginer qu'à l'issue de ce rendez-vous, je me retrouverai avec davantage de questions sans réponse qu’à mon arrivée.

Premièrement, comment diable ma grand-mère a-t-elle pu me cacher pendant ces six derniers mois qu’elle habitait avec quelqu’un ? J’ai passé un week-end avec elle il y a trois mois, et je jurerais n’avoir rien vu appartenant à une tierce personne dans cette maison lors de mon séjour.

Deuxièmement, qui est cet homme mystérieux qui a partagé le quotidien d’Annie durant les dernières semaines de sa vie ? Ce nom, James Carter me dit vaguement quelque chose. Impossible pourtant de remettre un visage sur celui-ci. Hervey Bay est une petite ville, j’ai certainement dû le croiser pendant mon enfance. Le souvenir du défilé de papis modèles attendant leurs petits enfants à la sortie de l’école me revient en mémoire.

Je n’ai jamais connu mon grand-père. Il est mort deux ans avant ma naissance, et Annie ne s’est jamais remariée. Vingt-huit ans. Vingt-huit longues années de veuvage et de célibat. Enfin du moins, j’en étais persuadée jusqu’à aujourd’hui. Visiblement, ma grand-mère s’était bien gardée de me raconter ses histoires de cœur. Moi qui pensais être sa confidente… Annie est partie en me laissant triste, avec un égo en piteux état.

Le chemin entre l’office notarial et la maison me parait interminable. Si j’étais choquée d’apprendre la nouvelle il y a 1h, à cet instant, dans ma voiture, je suis carrément furieuse contre Annie. Si ma grand-mère et ce James Carter vivaient ensemble, ils partageaient forcément des sentiments profonds. Leur relation durait donc depuis un certain temps. Des mois je suppose. Des mois et je ne me doutais d’absolument rien. Une pointe de jalousie me transperce. Honnêtement, c’est à moi même que j’en veux. Comment ai-je pu passer à côté d’une telle chose ?

Finalement, c’est tout ce que je mérite à n’être rentrée à la maison qu’une seule fois en six mois. Une petite fille indigne. Voilà ce que je suis.

Je profite d’être arrêtée à un feu pour fermer les yeux et faire des exercices de respiration.

Inspire, expire Hannah.

Il faut que je me calme. D’accord, cette nouvelle est un peu déstabilisante. Oui, je suis un peu frustrée d’avoir été mise de côté sur ce coup-là. Et surtout, cette surprise n’arrange pas mes affaires. J’étais revenue en ville avec l'idée de m’y installer pour de bon. Adieu Brisbane. Ciao job pourri. Je suis de retour à la maison. J’ai besoin de changer d’air. De repartir à zéro.
Que ma grand-mère se soit remise en couple, soit ! Mais je suis bien embêtée par cette histoire de cœur, car Papi Carter squatte actuellement la maison que j’étais moi-même censée habiter ! Je me retrouve sans domicile fixe, à seize heures de l’après-midi, contrainte de me trouver un motel où passer la nuit…

Inspire, Expiiiiiiiiire ! Voilà, souris maintenant ! Tout va s’arranger.

Je souris comme une idiote et tombe sur le regard confus de ma voisine de file en tournant la tête. Je dois avoir l’air d’une cinglée, seule dans ma voiture, à marmonner dans ma moustache, avec ce sourire crispé sur le visage. Le feu passe enfin au vert et je m’engage sur la main street. Je dois me calmer. Je ne peux pas débarquer chez moi dans cet état. Enfin devrais-je dire, chez Monsieur Carter… Après tout, ce vieil homme n’a rien fait de mal. Je suis même peinée pour lui. Retrouver l’amour à cet âge, pour se retrouver seul à nouveau, quelques mois plus tard.

Je me gare dans le parking de la première supérette que je croise. La douce chaleur qui m’enveloppe lorsque je descends de la voiture m’apaise. J’ai grandi dans cette ville. Le cri des mouettes et la brise marine qui soulève mes cheveux me ramènent dix ans en arrière et me détendent instantanément. Dans le magasin, je me dirige vers le rayon smoothies et comme à mon habitude, passe cinq minutes à tergiverser sur le choix de la saveur parmi les quarante mille exposées devant moi. Je finis par trancher et empoigne un kiwi/banane/pomme bio. En traversant les rayons, j’en profite pour attraper un sandwich au pain complet et une barre chocolatée. Si je dois croupir dans un motel cette nuit, autant ne pas y mourir de faim.

En arrivant dans la file d’attente à la caisse, je me repasse en mémoire la conversation avec Maître Quinn, le notaire et accessoirement, vieille connaissance d'Annie. Lorsqu’il m’a annoncé que la maison de ma grand-mère, bien que faisant parti de mon héritage, était actuellement occupée, je suis restée à le fixer, complètement abasourdie. « Actuellement occupée ? » Honnêtement, je ne savais pas du tout comment interpréter cette information.

Estimant, au vue de ma tête d’ahurie qu’un éclaircissement était nécessaire, il me précisa qu’un bail avait été signé six mois auparavant entre Annie et un certain James Carter, pour une durée d’un an. Cette fois, j’ai manqué tomber de ma chaise.

— Un bail ?

— Tout à fait Mademoiselle Mendes, un bail locatif signé le 17 mars 2018 pour une durée d’un an et renouvelable par tacite reconduction. Dit-il lentement, en prenant soin d’articuler chaque syllabe comme s’il s’adressait à une débile profonde. Voyant qu’il n’obtient aucune réponse de ma part, il ajoute.

— Ce qui veut dire que sans aucune …

— Je sais ce que veut dire par tacite reconduction Maître Quinn, le coupé-je sèchement en fronçant les sourcils.

Absolument pas démonté par mon manque de politesse, il continue à m’exposer la situation comme s’il me présentait les plats du jour dans un restaurant guindé.

— Les dernières volontés de votre grand-mère sont très claires à ce sujet : Le bail entre Mr Carter et vous-même, au titre de nouvelle propriétaire, devra être honoré quels qu'en soient les conséquences. Toutefois, libre à chacun de vous, à compter du 16 mars 2021 de décider si vous souhaitez mettre fin à ce contrat ou non.

Il s’arrête et continue de m'observer. Il attend visiblement une réponse.

— Vous devrez bien évidement respecter le préavis obligatoire si une résiliation s’impose.

16 mars 2021.

Mon cerveau est paralysé, mes neurones déconnectés et cette date est la dernière information ayant réussi à traverser le vide abyssal qui remplit ma boite crânienne à cet instant. J’ai un milliard de questions en tête mais je suis tétanisée et incapable d’aligner deux mots. Pourquoi avoir loué notre maison ? Avait-elle besoin d’argent. Qui est ce type ? Pourquoi ne m'a a-t-elle rien dit ? Au bout d’une bonne minute de silence, pendant laquelle Maître Quinn s’affaire à feuilleter les pages du contrat, je finis par lâcher la première question qui me vient à l’esprit.

— Si Annie avait mis notre maison en location, où vivait-elle ?

— Annie n’a jamais quitté la maison ma chère.

— Que… Quoi ?

Si j’étais déjà à côté de la plaque, maintenant je suis carrément larguée.

— Annie et Mr Carter vivaient ensemble. Madame tenait à établir un bail afin de protéger Mr Carter en cas de décès. Voici le contrat en question, si vous me le permettez, nous pouvons le relire ensemble, dit-il en ajustant ses lunettes et en me tendant un exemplaire de celui-ci.

— Pas la peine, donnez-moi ça.

D’accord. Maintenant, je suis agacée. Et malpolie. Pour ma défense, cette histoire à dormir debout me donne mal au crâne.

Je parcours les pages jusqu’à la dernière, reviens à la première et recommence au moins trois fois. Des dates, des adresses, des numéros d’articles et trois tonnes de bla bla. Mon cerveau refuse d’enregistrer une seule information. Au bout de quelques minutes, je repose le document sur le bureau avec brusquerie, me redresse sur mon fauteuil et m’éclaircis la gorge pour tenter de retrouver une certaine contenance.

— Résumons Maître Quinn, vous voulez bien ?

Il acquiesce et m’incite à continuer d’un signe de la main.

— Ma grand-mère a établi un contrat de location à un homme. Avec qui elle vivait. Depuis un certain temps je suppose. Un homme que je ne connais absolument pas. Auquel elle n’a jamais, ABSOLUMENT JAMAIS fait allusion. Ni lors de ma dernière visite, ni durant aucun de mes appels hebdomadaires d'ailleurs ! Ce fameux contrat se termine dans six mois. SIX MOIS pendant lesquels je vais devoir me chercher un toit ! Voilà c’est ça, pour résumer, un inconnu va habiter chez moi, pendant que je serai réduite à vivre à l’hôtel ! A L'HOTEL!

A la fin de mon monologue, je suis débout, penchée sur le bureau de ce cher Maitre Quinn. Je hurle presque et dois faire peur à voir avec mon rire nerveux et ma main qui gesticule dans les airs au-dessus de ma tête. Sans paraître le moins du monde perturbé par mon pétage de plomb, il me répond avec un petit sourire poli.

— Si Madame Annie ne vous a rien dit, je suppose qu’elle avait ses raisons. Elle m’a également demandé de vous remettre certains documents, dont une lettre de sa part. Quoi qu'il en soit, nous pouvons dès à présent signer les papiers d’héritage officiel vous concernant. Votre frère n’étant pas disponible avant le mois prochain, je prends acte de sa procuration en votre nom et je ferai le point avec lui ultérieurement.

Lorsque je sors du supermarché et grimpe dans ma voiture, je suis bien décidée à affronter la situation comme une adulte responsable. Comme disait Annie, il y a une solution à chaque problème. Ce bail est signé, je ne peux plus rien y faire. Et puis, je ne peux tout de même pas mettre ce vieil homme à la rue ? Résolue, je m’arrête en chemin pour réserver une chambre dans un motel à quelques pâtés de ma maison d’enfance. Il est simple, propre et fera l’affaire le temps que je trouve un appartement à louer. La vie est décidément pleine d’imprévus et de rebondissements. Le problème, c’est que je déteste les surprises.


Et en arrivant devant chez moi quelques minutes plus tard, je suis loin de me douter que les surprises ne font que commencer...

***

~ Et c'est partie pour un premier chapitre ! Je l'avais déjà publié, puis retiré de scribay, par manque de confiance en moi et de temps !

C'est reparti pour un tour donc! Merci beaucoup pour vos commentaires et avis qui m'aideront énormement ! ~

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