Chapitre 24 : Virée en plein air

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JAMIE


J’avais oublié l’incroyable sensation de liberté que pouvait procurer ce genre de petite merveille. Arrêté au feu, je donne quelques coups d’accélérateur inutiles et bruyants, en riant comme un adolescent puéril.

J'adore cet engin.

Le feu passe au vert et je redémarre en savourant la fraicheur du vent qui s’infiltre dans mon tee-shirt. L’air frais apaise mes nerfs à vif. Depuis que j'ai quitté Hannah ce matin, je suis partagé entre l’excitation et l’angoisse. La perspective de la sentir près de moi, encore une fois, me réjouit d’avance.

Mais si elle refusait ?

Je secoue la tête pour tenter de chasser cette pensée négative de mon esprit. Je trouverai bien un moyen de la faire monter sur ce bijou. Et je profiterai au maximum de chaque seconde pendant laquelle son corps sera collé au mien.

Je mets mon clignotant et m'engage sur Islander Road. J'aperçois immédiatement l'enseigne de l'agence et ralenti pour me garer sur une des places libres du parking. Rien de compliquer. Toutes les places sont libres. Sauf une. Je reconnais immédiatement la Prius de ma colocataire et un sourire étire mes lèvres. Le simple fait de voir sa voiture me met en joie. Je suis plus atteint que je ne le pensais.

Je coupe le moteur et regarde ma montre.

15h32

J'ai un peu d'avance. D'accord. J'ai beaucoup d'avance. Mais il était hors de question de laisser à Hannah la possibilité de se défiler au cas où son rendez-vous se terminerait plus tôt que prévu. Je pousse la béquille et pose mes pieds au sol.

Cet après-midi, la chaleur est infernale.

Je m'apprête à sortir mon portable de ma poche lorsque j'entends la porte de l'agence s'ouvrir. Malgré son air agacé et ses sourcils froncés, elle est sublime, comme toujours. Immobile sur le trottoir, elle ferme les yeux en grommelant avant de s'avancer vers sa voiture en fouinant distraitement dans son sac à main. J'enlève mon casque et lui souris lorsqu'elle m'aperçoit enfin. Les yeux ronds, elle me fixe pendant une seconde avant d'ouvrir grand la bouche. Qu'elle est mignonne. Je peux déjà l'entendre se plaindre d'ici. Son regard passe lentement de l'étonnement à l'agacement et je la fixe avec un énorme sourire tandis qu'elle s'approche d'un pas déterminé.

- Pour l'amour de Dieu, James, dis-moi que tu n'as pas l'intention de me faire grimper là-dessus ?

- Oh que si, Hannah.

Ses yeux ne sont plus que deux petites fentes. Elle me toise en cherchant ses mots. Sa bouche s'ouvre et se referme plusieurs fois avant qu'elle ne lève les bras en regardant le ciel.

- Merci beaucoup Annie ! Bougonne-t-elle.

Elle me toise, visiblement contrariée, les lèvres pincées et les mains sur ses hanches.

- Ton rendez-vous s'est bien passé ? Je la questionne en ignorant sa mauvaise humeur évidente.

- Pas vraiment... grogne-t-elle. Je grimace, compatissant.

- Désolé de l'apprendre. La bonne nouvelle, c'est que ton prochain rendez-vous va te remonter le moral.

Elle roule les yeux avant de promener son regard sur la moto.

- Qu'est-ce que c'est que ça encore ? me demande-elle en désignant ma nouvelle meilleure amie d'un geste de la main.

- Une HONDA CRF450L. Je lui réponds en tapotant fièrement le carénage.

- Il est hors de question de je monte sur ce machin avec toi. M'annonce-t-elle avec détermination.

- Pourquoi pas ?

- Ce truc, c'est pas fait pour la route. C'est ... Et puis, à qui tu l'as volé cette moto d'abord ?

Je rigole devant son air renfrognée.

- Premièrement, ce truc est homologué. Regardes, rétroviseurs, phares, feux arrière, clignotants... Et deuxièmement, je n'ai rien volé du tout, cette beauté est à Steve. Je le lui ai emprunté. Avec son accord. Evidemment. Je conclus avec un air de premier de la classe qui lui arrache un bref sourire.

Ses traits se détendent doucement et elle m'observe sans rien dire, les bras croisés. Je fais un effort surhumain pour ne pas fixer ses seins, qui semblent beaucoup plus proéminant dans cette position.

- Au lycée, Clark s'est brisé les deux tibias en conduisant un "bijou" de ce genre. Me lâche-t-elle en mimant les guillemets avec ses doigts.

- A l'évidence, Clark ne savait pas conduire. Contrairement à moi.

Elle m'observe, hésitante. Avant de regarder autour d'elle.

- Il est à qui ce casque ? me demande-t-elle, suspicieuse, en pointant du doigt le second casque accroché à mon avant-bras gauche.

- A la femme de Steve, Emilie. Je l'ai emprunté pour toi.

Je lui tends l'objet avec un sourire encourageant.

Elle le fixe sans l'attraper, puis après quelques secondes d'hésitation, se retourne sans un mot et dépose sa veste et son sac dans le coffre de sa voiture. Elle enfonce ses clés dans sa poches, détache ses cheveux et se plante devant moi.

- Juste un petit tour.

- Juste un petit tour. Je répète triomphant, en lui tendant de nouveau le casque, qu'elle attrape et enfile après avoir rejeté sa chevelure en arrière.

- Et tu respectes la limitation de vitesse ou je redescends immédiatement.

- Grimpes. Je rétorque en souriant, ignorant sa dernière menace.

Elle soupire avant de monter derrière moi, maladroitement.

- Ce truc est vachement haut. Bougonne-t-elle, me faisant rire.

- Passes tes bras autour de moi. Comme ça. J'ajoute en saisissant ses mains et en les enroulant autour de mon torse.

Ses bras et ses mains effleurent à peine mon tee-shirt, comme si le contact de mon corps allait lui brûler la peau. Je ri en attrapant ses bras et en les serrant davantage.

- Je ne voudrais pas te perdre sur la route. Accroches-toi bien. N’hésite pas. Tu es prête ?

- Hum hum, marmonne-t-elle, incertaine.

Je kick et démarre la moto. Je sens les bras d'Hannah se contracter lorsque je passe la première et m'engage sur la route. Mes lèvres s'étirent et je passe la seconde. L'écart qu'il restait entre nos corps est effacé par le léger soubresaut de la Honda au passage de la vitesse. Je peux sentir sa poitrine, serrée contre mon dos et la chaleur de sa peau contre le mienne est exquise. J'ai l'impression de revivre putain. Son corps m'avait manqué. Son parfum. Ses mains autour de moi. Je pourrais la balader ainsi toute une journée, rien que pour pouvoir la sentir contre moi pendant des heures. Nous passons plusieurs stops et deux feux, avant de nous retrouver finalement sur l'Esplanade Street, qui longe la plage.

Doucement, la tension dans ses bras se relâche et son corps crispé se rapproche encore du mien. Elle ne parle pas, semblant simplement apprécier le paysage qui défile sous nos yeux. Je ne peux m'empêcher de jeter un œil dans le rétroviseur toutes les trente secondes pour l'admirer. Ses yeux sont émerveillés et ses longs cheveux bruns s'emmêlent dans le vent.

La ballade qui borde la plage et relaxante et agréable. Mais ce n'est pas ce dont j'ai envie d'aujourd'hui. Je veux lui en mettre plein la vue, remplir ses veines d'adrénaline, lui donner des frissons. Je bifurque à droite et zigzag entre les voitures jusqu'à l'embranchement qui mène à la highway.

Enfin.

Je prends de la vitesse sur la voie d'accélération et sourit lorsque je l'entends couiner. Ses petites mains, posées sur mon ventre, sont agrippées fermement à mon tee-shirt. J'accélère en surveillant le cadrant.

105km/h.

Rien d'illégal. Une promesse est une promesse.

Je sens son casque se poser contre mon dos.

- Est-ce que ça va ? Je cris pour tenter de couvrir le rugissement du vent.

- Oui ! Me répond-t-elle. Sa tête est toujours calée sur mon épaule et ses bras resserrent mon corps comme un étau.

- Tu veux que je ralentisse ?

- Jamais de la vie ! Me cri-t-elle avant de rire.

Je souris et accélère légèrement. Je slalome entre les files de voiture, en savourant le vent qui nous plaque l'un contre l'autre. La conduite de la moto est souple et puissante, le moteur réagissant au quart de tour, au moindre coup de frein ou d'accélérateur. Ce sentiment de liberté est à couper le souffle.

Nous filons sur la highway pendant de longues minutes lorsque je bifurque sur un échangeur pour sortir de la voie rapide. Nous faisons demi-tour en direction de la ville et la virée du retour me semble affreusement courte. J'emprunte des petites routes et longe de nouveau la baie pour prolonger notre ballade. Nous arrivons finalement sur un parking proche du rivage. Quelques surfeurs cirent leurs planches, des amoureux admirent l'océan, assis sur le capot de leur voiture, et une famille est en branle-bas de combat, déchargeant du coffre, crème solaire, sac glacière, jouets de plage et serviettes de bain.

Je ralentis et me gare face à la plage. Le soleil d'été entame sa descente lentement et la douce chaleur de ses rayons, mêlée à la brise marine, rendent l'atmosphère agréable pour la première fois de la journée. Je coupe le contact, enlève mon casque et jette un regard derrière moi.

- Alors ? Je la questionne en relevant les sourcils.

- D’accord, un point pour James, c’était cool! Me répond-t-elle en souriant.

- Je te l'avais dit ! Rien ne vaut une promenade en moto pour remonter le moral !

Elle rit de bon cœur avant que son sourire ne s'efface soudainnement. Ses yeux s'arrondissent lorsqu'elle se rend compte qu'elle me tient toujours fermement contre elle. Elle s'écarte brusquement, en se redressant.

- Désolée, bredouille-t-elle en posant ses mains sur ses cuisses. Ses joues prennent une teinte rosée, tandis que son regard se perd dans la contemplation du goudron sous nos pieds.

- Aucun problème - Je lui souris en luttant contre l'envie irrépressible de l'embrasser - ça te dirait d'essayer ? Je reprends pour tenter d'apaiser la tension qui s'est installé entre nous en l'espèce d'à peine trente secondes. Elle relève les yeux vers moi et je lui fais un signe de tête vers le guidon pour appuyer ma suggestion.

- Oh non non non ... bégaye-t-elle en secouant la tête. Elle retire son casque et descend de la moto précipitamment.

Je pouffe en la voyant paniquer.

- Sur la liste d'Annie, il est écrit "conduire une moto", pas "faire un tour en moto". Je la taquine en enjambant la Honda à mon tour.

- Oui, eh bien, monter sur une moto, c'est déjà pas mal ! Je... Je ne saurais jamais piloter cet engin ! Panique-t-elle en reportant son regard affolé sur la machine en question comme si je lui demandé de piloter un Boeing 747.

- Je suis sûr que si. Fais-moi confiance, d'accord ? Je l'encourage avant de poser ma main au creux de ses reins. Je la pousse gentiment et réprime un sourire en l'entendant ronchonner.

- James, y'a du monde ici. Je pourrais écraser un enfant, ou pire, rouler sur un de ces surfeurs sexy. Tu imagines? Quel gâchis ! On devrait choisir un parking désert. Ou bien tout simplement oublier ce court de conduite.

Je ris à sa blague en tentant de réprimer la jalousie qui me transperce soudainement. Entre ma mère, mes deux sœurs et ma grand-mère, j'ai grandi entouré de femmes, et je jure que je suis un féministe assumé. Mais bon dieu, à cet instant, je voudrais l'enfermer dans une grotte pour toujours histoire de pouvoir être la seule personne sexy à ses yeux, jusqu'à la fin des temps.

- Grimpes la dessus et cesses de geindre. Je réplique d'un ton autoritaire avant de lui sourire. Je crève d'envie de l'embrasse ici et maintenant, sur cette moto, pour apaiser enfin le désir qui grandit dans ma poitrine depuis ce matin.

Et surtout pour que tous les surfeurs sur ce foutue parking sachent qu'elle m'appartient.

Le problème, c'est qu'elle ne t'appartient pas, sombre idiot.

Je secoue la tête pour effacer de mon esprit ce raisonnement d'homme de Neandertal et attrape ses hanches.

Elle couine lorsque je la soulève légèrement pour l'aider à enjamber la moto. Je monte derrière elle, sans la lâcher du regard tandis qu'elle m'observe par-dessus son épaule avec un air paniqué. J'empoigne fermement sa taille, me rapproche d'elle et prend une grande inspiration pour me reconcentrer sur ma mission du jour.

Cette virée en moto n'était finalement peut-être pas une si bonne idée.


***



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