L'homme qui n'a de goût que pour ce qui vous dégoûte.
Dans son esprit, il n'y a de la tendresse que dans le fait de croquer dans un sandwich déjà entamé, tout droit sorti du fond d'une poubelle. Elle-même ouverte, bombardée par le ciel, d'une eau vorace et polluée. Ce moment où il passe sa langue sur ces milliards de bactéries est un pur délice pour lui, car il se positionne en tant que preneur de risques. C'est ce qu'il appelle "trouver de la saveur à la vie". On ne parle même pas de la beauté, de la sublime amertume de son odeur, quand cela fait plus d'une année qu'il ne s'est pas douché, et qu'il respire à pleins poumons l'insipidité de ses vêtements, dégoulinants de transpiration. Un cadavre vivant. Beau et sublime, d'ailleurs, sont des mots qui sont pour lui vomitifs. Il aime le moche, le laid, la pourriture qui s'engouffre sous ses ongles de pieds, le nez qui dégouline, les substances gluantes et inconnues qu'il peut croiser n'importe où, des toilettes d'une gare jusqu'aux ruelles les plus glauques.
Il s'aime parce qu'il vous dégoûte. Il ne vous viendrait pas à l'esprit d'être aussi répugnant que lui. La saleté, c'est sa valeur, sa différence. Votre propreté n'est à son regard qu'une insulte à ce monde obscur et puissant de cette bouche qui colle, de ces morceaux qui s'en échappent, de ces pieds qui puent, de cet environnement rongé par les moisissures, qui vous repoussent mais qui l'excitent.
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