Chapitre neuf

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Le souffle coupé, Katani resta muette de sidération pendant un instant. Jusqu’à qu’elle n’entende plus rien.

  • Rafa, gémit-elle, les larmes aux yeux.
  • Je suis à vos côtés parce que j’ai accepté une mission, lui répondit-il d’une voix lointaine. Plus encore, j’ai juré de la remplir. Je connais mes capacités : ma persérance, mon endurance, ma force … Je connais mes faiblesses : mon goût du risque, mon impulsivité, l’attachement que j’ai pour vous. Je marche avec vous parce que je peux vous protéger parfois, vous aider peut-être. Je sais que je tenterai tout ce qui est en mon pouvoir pour accomplir tout cela.

Il était toujours là. L'étau qui comprimait la poitrine de la jeune fille se desserra un peu.

  • Je sais Rafa … même si je ne le mérite pas…
  • Non ! s’exclama-t-il faisant sursauter Katani.
  • Je ne crois pas en toi !

Katani crut qu’une dague venait de lui déchirer les entrailles. Elle recula pour trouver un appui. Aucun mur ne vint la soutenir. Elle tomba sur les fesses. Pitoyable, sans surprise.

  • Je suis désolée…

Elle ne savait plus quoi dire. Elle voulait juste qu'il reste mais, chaque parole ajoutée semblait augmenter un peu plus la distance entre eux.

  • Je n’ai pas terminé la coupa-t-il d’une voix étrange. Je n’imagine rien. Je ne rêve pas de te voir plus forte ou devenir je ne sais quoi. Je te connais depuis cinq ans maintenant. J’étais là presque à chaque instant. Je t’ai vu forte… je t’ai vu fragile… capricieuse… pleine de bonne sens… courageuse… et lâche… Je ne t’ai pas poussé à te dépasser, j’ai juste été là quand tu souhaitais que je te soutienne. C’est toi qui a décidé de combattre tes cauchemars et tes angoisse en t’entraînant comme une forcenée.
  • Mais cela n’a servi à rien… lui rappela tristement Katani.
  • Tes cauchemars ont cessé, que je sache ! C’est aussi toi qui as décidé, contre l’avis de la Reine, d’honorer l’invitation du Dévoreur.
  • On voit ce que ça a donné… catastrophe sur catastrophe…
  • Assez ! Le Dévoreur m’a dit que la Table devait être détruite. Je te rappelle que tu as réussi à plonger dans la Source Sauvage aujourd’hui. Cela n’était pas arrivé depuis Amari. Tu as réussi à te servir de celle-ci pour te libérer et puis tu as résisté à sa puissance durant des heures. Toute seule ! Je ne crois pas au hasard, tu le sais et je ne peux m’empêcher de penser que tes entraînements t’ont sauvée.
  • C’est toi qui m’as sauvée en allant chercher la Pierre de la Génèse.
  • Je t’ai apporté de quoi te libérer, le reste, c’est toi qui l’as accompli !
  • Pourquoi es-tu si en colère Rafa ? interrogea Katani.

L’attitude de son protecteur l’effrayait. Jamais encore, il n’avait élevé la voix ainsi.

  • J'étais convaicu d'avoir fait ce qu'il fallait. Ce n'est pas le cas. Je suis en colère contre moi car je ne sais pas ce qui a pu te faire penser que tu ne pouvais être quelqu’un de… valeureux qu’en ma présence ou que… dans mon esprit. Comme si ton identité présente et future dépendait de ce que je crois… c’est horrible.

La réponse de Katani résonna dans le silence de son esprit malmené. Elle la fuyait tant bien que mal depuis qu'elle avait quitté la Cité. Son dernier rempart venait d'être soufflé par les dernières paroles de son protecteur. La vérité la transperça comme une flèche. Elle n'était rien sans lui, quoiqu'il en dise. Elle n'allait rien devenir : son insignifiante existence prendrait fin au bout de ce chemin.

Elle se mit à sangloter. Elle hoquetait, reniflait comme un tout petit enfant. Malgré la honte qu'elle ressentait, elle ne parvenait plus à se maîtriser. Rafa allait partir, c'était certain. Ce serait le coup de grâce.

Pourtant, elle l'entendit revenir sur ses pas. Bientôt, il fut si proche qu'elle perçut le son de sa respiration. Il posa sa main sur le genou de la princesse en soupirant.

  • J’ignore ce que l’avenir te réserve. Ce que je connais de toi aujourd’hui et l’importance que tu as à mes yeux me suffisent pour dire que je t’accompagnerai tant que tu le souhaiteras, peu importe l’issue.
  • je ne comprends pas ce que tu attends de moi, gémit-elle d'une voix déformée par le trop-plein de larmes.
  • Que tu t’aimes un peu mieux…. Que tu te regardes et que tu ne vois pas que des travers à corriger…

Katani laissa couler ses larmes. Jamais Rafa n’avait prononcé autant de mots en si peu de temps. Malgré la colère du guerrier, elle comprenait ses intentions. Elle retenait surtout qu’elle comptait à ses yeux même si elle restait convaincue qu’il la voyait meilleure qu’elle n’était.

  • Je ne vois rien de tout ça, je suis plongée dans l’obscurité Rafa, rétorqua-t-elle d’une voix lasse. Peut-être est-ce là ma leçon ?
  • Peut-être …
  • Pour le moment, j’ai besoin que tu sois ma lumière. Accepteras-tu d’utiliser ton Feu ?

Il mit quelques secondes à répondre mais il accepta. Ils se relevèrent de concert.

  • Prête ?
  • Oui, j’en ai assez d’être aveugle.

Elle vit les flammes se former et tournoyer dans la main libre de Rafa. Ils découvrirent qu’ils se trouvaient dans un très large couloir dont les contours se perdaient encore dans le noir. Rafa replia le bras et lança son projectile lumineux. Celui-ci parcourut une trentaine de mètres sans rencontrer le moindre obstacle. Soudain, il heurta un mur où il rebondit telle une balle avant de revenir à grande vitesse vers eux.

  • Attention ! s’exclama Rafa en levant sa main.

Instinctivement, Katani fit de même. Tandis que des doigts de Rafa s’échappaient des flammes, l’aura violette de Katani vint s’y mêler tel un bouclier. L’impact de la boule de feu la secoua violemment. Elle sentit la chaleur du Feu Sacrée tenter de percer ses défenses. Heureusement, les flammes générées par Rafa aspirèrent celui-ci rapidement.

Indemnes, ils purent baisser leurs gardes.

  • Bien joué Katani. Continuons !
  • Mais … c’est une impasse, tu l’as vu comme moi, non ?
  • Le couloir s'arrête. Cela ne signifie pas que nous ne pourrons pas passer, rétorqua l’Ardent en faisant apparaître une nouvelle flamme dans le creux de sa main.
  • Tu ne vas pas recommencer ? s’inquiéta-t-elle.

Dans la pénombre où dansaient les flammes, elle vit le visage de Rafa s’éclairer d’un vrai sourire.

  • Je crois que c’est la première fois que je vois aussi bien tes dents, Rafa, lui fait-elle remarquer. Tu es sûr que ça va ?

À son grand étonnement, le guerrier laissa s’envoler un rire franc dont les graves échos rebondirent sur tous les murs environnants. Jamais elle ne l’avait entendu rire si fort. Elle ignorait si elle devait se réjouir ou s’inquiéter de cette première.

  • J’ai cru comprendre qu’il est temps que je t’éclaire me concernant, que je cesse de te présenter uniquement mon côté Croc. Cela évitera peut-être à l’avenir que tu t’imagines devoir accomplir mille exploits pour être digne de confiance.
  • D’accord, lui répondit-elle circonspecte. Et donc cette boule de Feu, c’est pour ?
  • Pour ne rien rater de ta tête d’épouvantail désorienté… la taquina-t-il.

Il avait l’habitude de lui lancer des petites piques mais sans l’air narquois qu’il affichait à présent.

  • Je suis sûre que tu fais diversion pour que j’arrête d’angoisser ! protesta-t-elle.
  • Et ça marche ?
  • Oui, abdiqua-t-elle en s’autorisant à sourire à son tour.
  • Bien ! Trève de bavardages ! Allons voir de quoi il retourne au fond de cette impasse.

Quand ils arrivèrent tout près du mur. Ils découvrirent un cercle parfait creusé dans le sol, un puits dont ils n’apercevaient pas le fond.

  • Je crois que tu vas devoir à nouveau lancer ton Feu.
  • Si le fond est trop proche, nous n’aurons peut-être pas le temps de nous protéger.

Katani ne put que donner raison au guerrier. Cependant, devant cette issue possible, elle répugnait à faire demi-tour. Elle avait réussi à générer un bouclier lors du premier retour de flammes. Elle leva sa main qu’elle referma en poing avant de l’observer pensivement. Il était peut-être temps qu’elle applique la leçon apprise.

Elle se concentra, y mit toute la conviction qu’elle trouvait en elle. Elle ouvrit doucement le poing. Dans sa paume, son aura se déploya telle une fleur.

  • Allez grandis, l’encouragea-t-elle d’un murmure anxieux.

Comme pour lui répondre, son aura entoura sa main pour ensuite s’épanouir en une ellipse.

  • Voilà un bouclier tout à fait convenable, approuva Rafa sur un ton approbateur.
  • Merci, j’ignore combien de temps je peux le tenir, lui dit-elle en se plaçant un pas devant lui. Lance ton Feu, je suis prête.

Le croc s’exécuta aussitôt. Après une dizaine de mètres de course, le météore rebondit, la jeune princesse eut à peine le temps d’assurer ses appuis qu’il était sur eux. Sans l’aide de Rafa, elle perçut toute l’intensité de sa chaleur. Fort heureusement, elle se souvint comment l’Ardent avait aspiré les flammes. Elle s’y essaya. Une douleur sans pareille s’empara de son corps mais cela fonctionnait. À son grand soulagement, le Feu disparut enfin.

Elle se redressa en sueur pour se tourner vers son protecteur. Son visage rayonnant ne laissait aucun doute sur son état d’esprit.

  • Alors ? Tu ne crois toujours pas en moi ?
  • C’est pas mal, lui répondit-t-il d’un air faussement sévère. Je vais peut-être reconsidérer ma position.

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