Chapitre 14

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Assis sur les chaises, ils patientèrent à peine quelques instants. Katani, qui luttait contre le sommeil, ne put se remémorer que des bribes éparses de ses lectures concernant le peuple du Tertre.

Disséminés dans les vastes prairies au pied des montagnes, Ils vivaient regroupés en communauté autour de tertres où poussaient les arbres sacrées, tous des graines du Vénérable étendant sa ramure sur le Tertre Premier. Le peuple des Tertres regroupaient une majorité de cultivateurs. Nombre de végétaux aux usages tant alimentaires que médicinales provenaient du Tertre. Dans cette région, vivaient aussi les maguérisseurs. Ces derniers maîtrisaient l’alchimie qui permettait aux plantes d’exprimer leurs pouvoirs de guérison.

L’une d’entre eux fit d’ailleurs son entrée derrière la dame du comptoir qui la conduisit jusqu’à eux.

  • Voici la maguérisseuse, Votre Majesté.

La jeune femme qui semblait à peine plus âgée que Katani, mit la main sur le cœur en inclinant sa tête auréolée de lourdes tresses auburn enroulées en couronne. Elle était vêtue d’une ample robe bleue profond. Ce coloris avait une signification dont Katani ne parvenait pas à se souvenir.

  • Bonsoir, je me nomme Iaga. Je suis la veilleuse pour cette nuit. Je vous verrai l’un après l’autre. Par qui souhaitez-vous que je commence ?

Ses yeux couleur de sous-bois reflétaient un calme et une sérénité que Katani lui envia.

  • Commencez par Son Altesse, je vous prie, proposa Rafa en jetant un regard d’invite à la princesse qui revint à des considérations plus pragmatiques.
  • Tu es sûr ? interrogea-t-elle à mi-voix l’ardent.

Il était solide mais, ces dernières heures l’avaient aussi beaucoup entamé. Des yeux, il lui réitéra sa suggestion.

  • C’est entendu, je vous suis Iaga, se décida Katani en se levant.

Elle chercha Rafa des yeux avant de passer la porte. Il la rassura d’un sourire puis disparut de son champ du vision.

Elle suivit en silence Iaga dans une enfilade de couloirs éclairés de loin en loin par de petites lanternes diffusant une lueur orangée. Parcourir ces lieux paisibles et chaleureux apaisa son corps et son esprit si bousculés les derniers jours.

Iaga s’arrêta finalement devant une porte ronde qu’elle ouvrit en posant sa main auréolé de vert dessus. Elle la poussa avant de s’effacer pour laisser entrer Katani. Cette dernière découvrit une petite pièce tout en rondeurs aux murs de couleurs crémeuse et au sol doux et brun. Des étagères remplies de fioles en tout genre, de fleurs, de racines et même de pierre en habillaient le pourtour. Au milieu tronaît en lit et un tabouret.

Iaga la conduisit jusqu’au lit où elle l’invita à s’allonger. Katani fit ce qui lui était demandé avec une petite once d’appréhension.

Iaga s’assit sur le tabouret.

  • En premier lieu, je vais vous examiner, annonça-t-elle en plaçant ses mains au dessus des pieds de la jeune fille.

Katani acquiesça même si elle ignorait comment la maguérisseuse allait procéder.

Iaga ferma les yeux. Un instant plus tard, son aura verte jaillit de ses mains telle un rayon astral pour venir envelopper les pieds de Katani, elle les déplaça ensuite lentement pour entourer ses mollets. Pendant que les mains de la maguérisseuse remontait, l’adolescente se détendit jusqu’à clore les paupières. Elle resssentait de drôles de sensations : des picotements, de la chaleur, du froid, des frémissements mais rien de douloureux.

Quand cela prit fin, Iaga poussa un gros soupir.

  • Bien, nous allons d’abord nous occuper des plaies superficielles et des contusions. Puis nous finirons par le soin de l’Aura.
  • Il me semble que mes blessures corporelles n’ont rien d’alarmant, objecta la princesse. Je peux m’en occuper seule ou même les laisser guérir sans intervention magique.
  • En effet, vous pourriez. Je ne compte pas me servir de mon Flux pour celles-ci. Nous allons nous servir de la magie que nous offrent les plantes, lui expliqua Iaga en se dirigeant vers les étagères.

Cela rassura Katani. Elle trouvait la jeune femme un peu pâle après son balayage corporel.

Après s’être affairée quelques instants, la maguérisseuse revint avec un pot en terre dont Katani ne voyait pas le contenant. En revanche, elle en percevait les fortes effluves sans parvenir à les identifier, des plantes certainement mais lesquelles ?

  • C’est un mélange de lin d’hiver aux propriétés cicatrisantes et de mentholi, une vivace aux propriétés antiseptiques, lui expliqua Iaga tout en commençant à en appliquer sur les jambes de la jeune fille.

Katani sursauta. C’était froid au premier contact puis cela se réchauffait rapidement. L’effet apaisant fut presque instantané.

  • Merci, c’est très efficace !
  • Des maguérisseurs spécialisés dans la communication avec les êtres végétaux, veillent sur ses plantes avec amour. En retour, celles-ci se laissent cueillir lorsque leur cycle est fini avec l’intention de donner de l’aide à qui en aura besoin.
  • J’aimerais bien cmmuniquer un jour avec un être végétal… murmura Katani rêveusement. Je me demande à quoi cela ressemble.
  • Vous avez plongé dans la Source Sauvage, vous seriez certainement capable de communiquer avec les plantes…

Katani se redressa vivement.

  • Comment le savez-vous ? interrogea-t-elle d’une voix sèche.

L’air étonné et confus, Iaga avait reculé de quelques pas.

  • Je l’ai perçu quand j’ai parcouru votre aura.
  • Je t’interdis de le dire à quiconque ! C’est un ordre, tu m’entends !

La princesse peinait encore à comprendre ce qui lui était arrivé, l'idée qu'une inconnue puisse le deviner et donc le répéter l'angoissait au plus haut point.

  • Les maguérisseurs sont tenus au secret concernant leurs hôtes, Votre Altesse.
  • Mais… ? insista Katani qui avait perçu la gêne de la jeune femme.

Au même moment, quelques coups discrets sur la porte se firent entendre. Katani se redressa, aussitôt sur le qui-vive.

  • N’ayez crainte, Majesté. C’est notre Guide, c’est moi qui l’ai appelée.

Avant que Katani ait pu formuler les questions qui se bousculaient sur ses lèvres, Iaga ouvrait la porte pour laisser entrer une petite femme de rien du tout, une brindille. Enroulée dans une ample tunique blanche, on pouvait craindre de la voir s’y noyer à chaque pas. Cependant, lorsqu’elle s’arrêta au chevet de Katani pour lever la tête vers elle, la jeune princesse n’eut aucun doute. Les deux grands yeux sages qui l’envisageaient au milieu de ce petit visage marqué de fines ridules appartenaient à une personne capable de guider d’autres sur le chemin de la connaissance.

  • Bien le bonsoir, jeune Reine-Sorcière, la salua d’ailleurs la Guide d’un ton chaleureux. Je me nomme Aldora. Je vous prie d’excuser cette visite tardive mais Iaga ne se sentait pas de taille pour décider de la conduite à tenir concernant votre Flux.

¾ Bonsoir Guide Aldora. Comment Iaga a-t-elle pu vous prévenir, elle ne m’a pas quittée depuis notre rencontre ?

Un sourire bienveillant mais taquin éclaira brièvement le visage mat d’Aldora.

  • J’oubliais que vous n’êtes jamais venu dans les prairies du Tertre jusqu’ici, Majesté.
  • En quoi cela importe-il ? protesta Katani vexée pour elle ne savait quelle raison.
  • Vous savez, sans nul doute, que chaque communauté de maguérisseurs est l’hôte et le gardien d’un Arbre sacré.
  • Oui, évidemment, j’ai lu des dizaines livres sur le peuple du Tertre.
  • J’en suis sûre. Cependant, certaines informations allant de soi pour nous ou quiconque nous connaît réeellement, ne figurent pas dans aucun ouvrage. Par exemple, vous avez certainement lu que la Guide est la fille de l’Arbre sacré et les maguérisseurs, ses petits enfants. Tout cela est symbolique mais savez-vous ce que cela signifie concrètement ?

Katani ne put que signifier son ignorance de la tête.

  • Pour devenir Guide, nous procédons à un rituel alchimique particulier. À la suite de celui-ci, l’Arbre et la Guide partage le même sang, ils peuvent aussi communiquer ensemble dans le monde du silence. La guide, quand elle intronise un maguérisseur, lui offre le pouvoir de communication sans parole avec elle, afin qu’il puisse être guider où qu’il ou elle soit.
  • Iaga vous a contacté ainsi, conclut Katani en tentant de garder contenance. Mais pourquoi ? Qu’arrive-t-il à mon Flux ? Je l’ai utilisé comme jamais auparavant ces derniers jours mais il n’a pas semblé me faire défaut.
  • Votre connexion à la Source est encore très forte.
  • Mais… je m’en suis extraite…
  • En effet. Cependant un soin d’Aura vous ferait le plus grand bien. Il restaurerait vos corps tant physique que psychique.
  • Et bien, quoi ? Il suffisait de le dire. Iaga peut s’en charger ou y’a-t-il encore une tradition ou un cérémonial que j’ignore concernant cela ? demanda Katani désabusée.

Aldora laissa s’envoler un petit rire cristallin sous le regard incrédule des deux jeunes femmes.

  • Point du tout, répondit-elle quand son rire se fut éteint. Votre Flux est très puissant, Iaga craignait de ne pas être à la hauteur. Elle avait raison.
  • C'est vous qui allez le faire alors ? s'enquit Katani qui sentait sa patience s'effriter en petites miettes.
  • Non, j’en ai discuté avec Aldor…
  • Qui c’est celui-là encore ? l’interrompit Katani en soufflant de dépit.
  • C’est notre Arbre sacré. C’est lui qui se chargera du soin.
  • Quand ?
  • Le moment venu, déclara Aldora en levant une main pour arrêter les protestations de Katani avant qu’elles ne commencent. Vous avez besoin de vous reposer. Iaga va vous conduire dans une chambre. Nous nous reverrons demain. Bonne nuit, votre Majesté.

Avec la légereté d’une plume portée par le vent, Aldora passa le pas de la porte et se fondit dans les ombres du couloir.

Iaga, d’un geste de la main invita Katani à se lever pour la suivre.

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