Chapitre 6

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62ème UT, TU 35988 de l’UIG

À bord du vaisseau பாத்39선박 affrété par l’UIG

Première exploration de சூன்04 (Mars)


Ils avaient passé plusieurs UT à tourner autour de la planète en orbite assez basse pour confirmer ce qui avait été vu par les sondes automatiques lors du premier voyage. Il y avait bien plusieurs blocs d’installation distincts. Si les formes étaient grossièrement semblables, on discernait d’imperceptibles différences qui montraient un « style architectural » disparate pour chacun, de ces ensembles. Cette découverte alimenta les conversations avant que ne soit décidée la composition des équipes. Cette fois-ci, ils allaient essayer d’optimiser le temps et d’envoyer deux expéditions simultanément, en deux lieux.

— Vous pensez qu’il s’agit d’époques de construction successives pour expliquer ces écarts de conception, s’interrogea tout haut la cheffe de cette mission d’exploration.

— En n’étant pas sur place, il est difficile de dater ces éléments depuis le ciel, rétorqua Chtchinionina. Pour moi, on dirait presque des spécificités « culturelles » ?

— Culturelles, dîtes-vous ? réagit Oostrail. Il y aurait plusieurs cultures au sein de la même espèce ? Je n’y crois vraiment pas…

— Qui vous dit que nous ne sommes en présence que d’une seule catégorie d’Intel ? fit le second Chtchinion. Rappelez-vous que sur l’artefact arrivé jusqu’à nous, il y a deux familles de ce qui pourrait ressembler à des langues écrites. Il y a sans doute deux espèces… Deux espèces qui auraient pu coopérer pour construire cet engin…

— Coopérer puis s’entretuer… En effet, souvenons-nous des traces de ce qui pouvait être des combats sur சூன்04-செற்02, le premier satellite de cette planète, compléta Oostrail.

— Deux espèces qui auraient cohabité ? Nous n’aurions donc pas été les seuls à faire cela avec l’UIG ? s’étonna Broxvrat.

— Qui sait vraiment ? J’espère que nous en apprendrons plus après les visites sur le terrain, conclut l’Ablonienne.

Brixtral devait se réfréner pour ne pas trop montrer son excitation. Sans contestation possible, il faisait partie de l’expédition qui allait révolutionner l’UIG.

— Je vous suggère de vous répartir en deux équipes. Fluuusigrati et moi allons rester à bord et coordonner les opérations au sol, proposa Asobalarava.

— Le plus simple ne serait-il pas que chaque groupe soit constitué d’un représentant de chaque espèce d’Intel ? compléta le Fluuusio.

Devant l’assentiment général, cette proposition fut entérinée rapidement. Brixtral allait se trouver avec Oosvlax et Chtchinionina. Il aimait bien l’Oosat, qui avait beaucoup d’humour. La Chtchinion était plus « sérieuse », mais très compétente. Même s’il ne voyait pas très bien à quoi il leur serait utile, il se dit qu’il ferait de son mieux. Il faisait tout de même équipe avec l'un des meilleurs linguistes et l’une des architectes les plus calées de toute l’UIG. Il était certain qu’il apprendrait plein de choses passionnantes. Oui, vraiment, il avait une chance folle, comme s’il avait chatouillé la queue d’un baitrüll[1] Chtchinion. Jamais il n’aurait pu imaginer tout cela quand il avait commencé ses études de droit intergalactique.

Brixtral se remémora ce qui avait été rapporté comme informations géographiques lors de la première expédition autour de சூன்04, à l’aide de sondes automatiques : cette planète présentait une véritable dichotomie entre les deux hémisphères. Autant l’hémisphère nord était assez lisse et situé plutôt en dessous du niveau de référence, autant son opposé, au Sud, était accidenté, comportant de gigantesques montagnes, des plateaux immenses, des gorges très profondes ainsi que des zones d’impacts de météorites. Comme si deux moitiés de sphères totalement dissemblables avaient été assemblées. Ce qui uniformisait le tout était cette couleur de poussière rougeâtre quasiment généralisée. Il se souvenait aussi de ces taches brunâtres qui avaient beaucoup intrigué les scientifiques. Celles-ci ne semblaient pas naturelles et pourtant, aucune vie n’avait été détectée à la surface de சூன்04. Cela tombait bien, une partie de ces zones plus sombres avaient été vues à proximité de la première installation qu’ils auraient pour mission d’explorer, sur l’hémisphère sud.




Ils s’équipèrent tous de combinaisons étanches avec des semelles lourdes, même si celles-ci s’avéraient sans doute moins indispensables que sur les satellites. En effet, sur சூன்04, la gravité était beaucoup plus élevée, mais toujours nettement moindre que celle de la majorité des planètes de l’UIG. Brixtral était à la fois émoustillé et inquiet. Qu’allaient-ils bien découvrir dans ces installations ?

Avec ses deux collègues, il prit place dans la navette automatique devant les déposer à proximité immédiate du site qui leur avait été fixé comme objectif. De ce qu’ils avaient pu visionner dans leur vaisseau, il s’agissait de ruines d’un probable gigantesque dôme entouré d’une série de bâtiments plus petits, le tout recouvert d’une épaisse couche de poussière rougeâtre.

L’atterrissage fut assez rude, le réglage des conditions de gravité entre les satellites et la planète n’ayant pas dû être totalement finalisé. Heureusement pour eux, Oosvlax s’était juste un peu déformé et les multiples pattes de Chtchinionina avaient pu absorber le choc. C’était pour Brixtral que le contact avec le sol avait été le plus violent, puisque lui n’avait que trois membres inférieurs pour encaisser la secousse.

Une fois remis de leur arrivée, ils vérifièrent mutuellement les combinaisons entre Chtchinion et Iixtrien, l’Oosat effectuant un contrôle final. Celui-ci réalisé, il débloqua le sas et tous trois se dirigèrent vers l’installation. À nouveau, Brixtral avait sorti ses deux lasers et les pointa devant lui en ouvrant la marche.

— Vous pensez que c’est vraiment utile ? interrogea Chtchinionina.

— Que dites-vous ?

— Ces armes, Secrétaire, sont-elles réellement indispensables ?

— Je n’en sais rien, mais par prudence, je ne les rangerai que quand je serais certain qu’il n’y a aucun danger. C’est bien ce que nous avions décidé lors de notre première descente au sol ?

— Cela me semble effectivement plus sage, convint l’Oosat.

D’un hochement de tête, l’Iixtrien remercia Oosvlax.

— Certes... Cependant, après réflexion, je me dis que s’il y avait quelqu’un, il risquerait d’interpréter notre attitude comme belliqueuse, vous ne croyez pas ? insista la Chtchinion.

— Normalement, il n’y a personne, répondit Brixtral

— Alors pourquoi devrions-nous nous inquiéter ?

Raisonnement imparable : s’il y avait quelqu’un, débarquer avec des armes aux poings pouvait paraître agressif et s’il n’y avait personne, le fait d’être armé n’avait aucun intérêt.

— Vous avez sans doute raison, admit Brixtral en rangeant ses lasers.

Toutefois, il garda une de ses mains sur la crosse de l’un des deux, au cas où…

Ils progressèrent assez rapidement, prenant garde à ne pas soulever trop de poussière lors de leurs déplacements. Heureusement, les conditions de gravité ici, évitaient de former des nuages à chaque pas.

Brixtral se remémorait ce qu’on leur avait montré avec un montage de films pris par les vaisseaux-sondes du premier voyage. Il arrivait que durant plusieurs cycles de rotation sur elle-même, cette planète soit recouverte d’une espèce de vent tourbillonnant charriant ces fines particules, occultant ainsi le ciel. Ils avaient de la chance, pour le moment, aucunes prémices d’un phénomène de ce genre n’avaient été détectées.

Leur but était en vue. Les constructions, enfin, ce qu’il en restait, étaient en contrebas, comme si elles avaient été bâties en exploitant un effondrement du terrain pour les y loger. Il était fort peu probable que le sol ait été creusé sur une telle surface, sinon, ils auraient vu, à proximité, des tas de roches. Non, cette excavation était réellement naturelle.

— Vous avez noté cette ingéniosité ? leur fit remarquer Chtchinionina. Utiliser le terrain pour s’appuyer dessus et optimiser ainsi la construction. Vraiment très intelligent et adroit de la part de ces Intels.

— N’est-ce pas le principe d’une espèce Intel d’être intelligents et ingénieux ? la taquina Oosvlax.

— Certes, en effet, mais là, je trouve cette façon de se servir de l’environnement géologique étonnante, rétorqua la Chtchinion, piquée au vif.

Brixtral, qui suivait cette conversation de loin, les laissant se chamailler gentiment, eut son regard attiré par des signes sur un mur. Il s’approcha. Mince, qu’est-ce que c’était que cela ?

— Mes amis, venez voir, on dirait encore un autre système d’écriture.

Ses deux collègues accoururent et après avoir étudié les dessins partirent dans des discussions échevelées.

— On dirait bien un graphisme du genre idéogrammes, un peu comme notre galactique standard, fit Chtchinionina.

— Oui, mais en même temps, les signes n’ont rien à voir avec les nôtres, la contredit Oosvlax.

— Tout à fait, il y a très peu de ronds ou d’arrondis, mais beaucoup de pointes ou de traits droits, c’est vraiment curieux.

— Est-ce que cela pourrait correspondre à un des systèmes qui ont été vus sur l’objet parvenu jusqu’à nous ? se renseigna Brixtral.

— Très peu probable, trancha Oosvlax qui était dans son domaine de compétences en tant que linguiste. Allons explorer plus avant si nous trouvons d’autres signes. Qui sait si après une collecte plus importante, nous ne pourrons pas déchiffrer cette langue étrange.

Cette fois-ci, Brixtral se sentait presque intégré dans cette équipe de brillants scientifiques. Il pensait vraiment en faire partie, la preuve, il avait même vu des choses avant que les spécialistes ne les détectent. Il lui restait juste un dernier point à recadrer avec eux, quand l’occasion se présenterait.

Après s’être donné rendez-vous à l’entrée du bâtiment trois dixièmes d’UT plus tard, ils se dispersèrent dans les couloirs afin de traquer ces signes. Dans la répartition des zones, Brixtral avait choisi l’étage supérieur, évitant ainsi ces variations de niveau difficiles à gérer avec ses trois jambes. Cela avait déjà été suffisamment pénible de descendre dans l’installation à partir de là où ils avaient pénétré.

Il s’enfonça donc dans le dédale de galeries et de pièces, à l’affut de toute inscription qui pourrait témoigner de la spécificité d’une espèce Intel. Il en trouva dans les couloirs, à l’entrée des salles. Il en remarqua également quelques-unes dans l’accès de ce qui rappelait un gigantesque dôme dont il ne restait pas grand-chose. En effet, il ne subsistait que les départs des montants, dressés de façon dorénavant inutile et presque grotesque, vers le ciel.

Continuant à progresser, il s’étonna de marcher dans une substance qui ne ressemblait pas à la poussière ambiante. Cela faisait penser à une sorte de mousse marron, tranchant un peu avec la couleur rouge de l’ensemble des dépôts présents. Surpris, il s’arrêta et s’aperçut qu’il était entouré de cette matière molle. Il devait se trouver au milieu de ce qui avait été une énorme verrière, peut-être un endroit où il y avait eu des cultures végétales… Il se baissa et en prit une poignée qu’il mit dans un des sacs qu’il avait à sa ceinture. Oostrail, le chimiste-biologiste de la mission, serait certainement heureux d’analyser un tel échantillon.

— Il était temps de retrouver les autres membres de son équipe. Il se dirigea vers le point de rendez-vous. Ses deux collègues étaient déjà sur place, en train d’échanger leurs points de vue : les mêmes caractères ou presque...

— Oui, moi aussi, j’ai vu des caractères très semblables, il doit s’agir de termes de base comme « sortie » ou « entrée », je suppose, répondit le linguiste Oosat.

— Ah ! Secrétaire, la moisson a été bonne ? interrogea la Chtchinion.

Enfin, l’occasion qu’il attendait s’offrait à lui. Il allait pouvoir régler un souci qui commençait à peser sur ses trois épaules depuis le début de cette mission.

— Chtchinionina, pourriez-vous m’appeler simplement par mon nom, comme vous le faites entre vous ? demanda Brixtral. Nous sommes tellement loin de chez nous, peut-être pourrions-nous laisser tomber ce cérémonial et ce titre ?

Il était d’autant plus sensible à cette façon de s’adresser à lui qu’elle lui renvoyait, dans son esprit, qu’il n’était qu’un « petit fonctionnaire » égaré au milieu de sommités scientifiques. Lui voulait dorénavant faire partie de cette mission en temps que membre à part entière !

— Comme vous le souhaitez, Secr… euh, Brixtral, c’est bien cela ?

— Tout à fait, merci ma chère.

— Je vous en prie, S… Brixtral. Il va me falloir certainement un peu de temps, mais je m’y ferai. Alors, de votre côté, vous avez observé des choses intéressantes ?

— Des inscriptions sans doute identiques aux vôtres, ou similaires au moins. J’en ai fait des images que je vais vous transférer une fois dans le vaisseau.

— Et qu’avez-vous dans ce sac à votre ceinture, lui demanda Oosvlax.

— Dans ce qui devait être un dôme, j’ai marché dans une espèce de matière molle qui m’a semblé étonnante par sa texture. Je me suis dit qu’elle pourrait intéresser nos chimistes-biologistes, nos collègues Oostrail et Broxvrat.

— Oh ! Vous avez bien fait, ils vont être ravis. Rien ne leur fait plus plaisir que d’avoir une énigme à résoudre, fit l’Oosat.

Brixtral était content. Il avait eu raison. Il avait procédé comme les chercheurs qui investiguaient pour élucider un mystère. Qui sait ce que l’Oosat allait découvrir dans cette espèce de substance un peu visqueuse ? Alors qu'il n'était pas scientifique de formation, il avait eu le bon réflexe pour le prélèvement d’échantillon, l’Oosat lui avait même confirmé.

— Et vous, de votre côté, qu’avez-vous trouvé ?

— Des couloirs, des murs, des angles droits et de la poussière, toujours cette poussière fine et rouge que l’on observe partout, souffla la Chtchinion.

— Ainsi que des inscriptions qui devraient nous permettre, une fois additionnées avec les vôtres, Sec… Euh, Brixtral, de progresser dans leur compréhension, compléta Oosvlax.

Cette première descente sur le sol de la planète, au moins pour cette équipe, était visiblement un succès. Il n’y avait pas de raison qu’il en soit autrement pour la seconde. Brixtral avait hâte maintenant de retrouver tout le monde et de débriefer ensemble. Il avait la sensation d’être à l’endroit où l’histoire de l’UIG était en train de s’écrire.




[1] Le baitrüll, dans la mythologie Chtchinion est un animal étrange qui porte bonheur. Il parait que celui ou celle qui arrive à lui chatouiller la queue sans se faire manger aura de ka chance toute sa vie.

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