Rituel d'Automne

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Nicolas sortit de la bibliothèque et se dirigea vers l'orée de la forêt, comme le journal crypté le mentionnait. Arrivé sur place, il chercha après la clairière en forme de pentacle.

Au bout d'un moment à tourner, tourner, tourner au milieu des arbres défraîchis, il tomba sur un bosquet encore fourni. Il s'en approcha. Une petite clairière transparaissait à travers les feuilles encore verts des cinq arbres qui l'entouraient. Au milieu de ce cercle en étoile, un dolmen le dominait de toute sa hauteur. Une douce mélopée s'élevait de ce lieu hors du temps, hors de la réalité. Il plissa les yeux pour mieux voir le lieu et le compara au croquis du livre. Oui, c'était bel et bien là.

Sans hésiter, pressé de retrouver sa vie d'avant, il gagna la petite clairière, s'avança en son centre et s'appropria les lieux. Un tapis de fleurs d'automne recouvrait le sol humide et diffusait un parfum suave, similaire à des fruits sucrés ou des baies d'automne. La mélopée continuait de répandre sa douce musique à travers les arbres décorés de couronnes, de lampions, de guirlandes. On aurait dit que l'endroit avait été préparé pour lui.

Au loin, un son de tambour brisa la mélodie, des voix vinrent s'ajouter à la rythmique entraînante, des cantiques couvrirent bientôt tous les autres sons.

Des silhouettes parées des plus belles couleurs automnales apparurent, se rassemblèrent autour de lui et dansèrent en une ronde infernale qui lui donnait le tournis.

Quand les percussions s'arrêtèrent, tous les esprits s'immobilisèrent, se placèrent en haie le long du dolmen et attendirent en silence. Nicolas dirigea son regard vers les pierres sacrées et aperçut la créature sauvage qui avait remplacé sa fiancée. Celle-ci, inconsciente, était ligotée et muselée. Sur son visage on avait peint des runes à l'encre noire. Nicolas se demanda pourquoi on lui avait infligé cela. Un peu plus loin, gisait la poupée hantée, inerte.

Alors que Nicolas s'attardait sur l'étrange mise en scène qui se déroulait devant lui, la silhouette encapuchonnée apparut. Faux dans la main, elle s'approcha de Nicolas, le salua et lui demanda de se placer à côté de lui.

- Cet homme a survécu à la nuit de sang, a bravé tous les obstacles. Il mérite donc une récompense pour son courage.

Les esprits sacandèrent le nom de l'homme en capuche :

- Gloire au Maître de la mort !

Il leva la main et les clameurs s'arrêtèrent.

- Je vais donc offrir un choix à Nicolas. Il pourra repartir dans sa vie d'avant ou se joindre à moi. Mais attention, dans les deux cas, il devra abandonner quelque chose. S'il choisit de rentrer, sa fiancée, ici présente, empoisonnée par les démons, restera un monstre pour toujours... s'il choisit de rester à mes côtés, sa femme sera libérée, reprendra le cours de sa vie, mais lui devra me céder la sienne et devenir un esprit de la mort !

La foule, exhalée, cria de plus belle. Nicolas prit conscience du choix qui s'offrait à lui. Il avait raison, son voyage touchait à sa fin. S'il choisissait de rentrer chez lui, il serait dévoré par la créature qu'il n'arrivait pas à detester malgré sa violence et sa rage ; s'il choisissait de la libérer, il perdrait la vie et deviendrait une faux de la Mort. Un esprit condamné à glaner les humains lorsque leur temps leur serait compté. Prit de panique, il essaya de réfléchir. Etait-il plus judicieux de rentrer ? Ou de disparaître de sa vie ?

La Mort interrompit ses réflexions.

- Alors jeune homme, que choisis-tu ?

- Je... Je ne sais pas, bégaya-t-il. Les deux choix demandent un lourd tribu.

Soudain la créature sanguinaire se réveilla, perdit ses crocs, ses griffes et ses yeux rouges pour redevenir la jeune femme que Nicolas aimait tant. A sa vue, son visage s'adoucit, son coeur se gonfla d'amour et de tristesse. Il venait de faire son choix.

- J'ai fait mon choix, mais accordez-moi une dernière faveur, s'il vous plait.

- Laquelle ?

- Promettez-moi qu'elle se rappellera de moi, de notre vie à deux, de nos projets, du sacrifice que j'ai accompli pour la sauver.

La sombre silhouette rélféchit un instant.

- Je te l'accorde. Je te promets qu'elle sera sauve, qu'elle se rappellera de toi, comme l'homme bon que tu étais. C'est pour cette raison que tu as été choisi, comme ton ancêtre qui a rédigé ce journal que tu tiens si précieusement entre les mains.

- Alors, je choisis de vous rejoindre.

- Qu'il en soit ainsi.

L'entité leva sa faux : les incantations reprirent, la danse aussi. La musique devint assourdissante, les lumières aveuglantes, la clairière sembla s'embraser sous les rayons de l'Astre du matin. Une brume écarlate envahit le petit bosquet. Nicolas hurla, son corps lui faisait mal, son sang brûlait dans ses veines, sa tête paraissait sur le point d'exploser. Il s'écroula au sol, se recroquevilla, mains sur la tête en un geste inutile pour tenter d'abréger cette souffrance. Puis, tout devint noir. La douleur disparut. Il ne sentait plus son corps. Il avait l'impression de voler, alors il risqua un regard vers le bas. Il aperçut son enveloppe charnelle sans vie, gisant au milieu du pentacle. Les esprits le recouvraient d'un drap blanc, de fleurs, de couronnes ; ils répandirent ensuite une potion orangée sur l'étoffe de lin. Puis, la Mort claqua des doigts et le cadavre s'embrasa. De la fumée pailletée s'éleva dans les airs au son des cantiques. Lorsqu'elle atteignit l'âme de Nicolas, celui-ci se sentit aspiré par le sol. Dans une chute vertigineuse, il rejoignit le rassemblement. A présent entièrement habillé de noir, il rejoignit son maître qui lui offrit une faux. Il salua la foule, apporta sa bénédiction aux esprits. Enfin,tenant parole, le maître de cérémonie rendit définitevement forme humaine à la jeune fille et la renvoya d'un autre claquement de doigts vers la porte de la maison....

Dans une petite allée abandonnée, une jeune fille reprit la voiture laissée sur le parvis d'une maison et se dirigea vers la sortie en coulant un étrange regard envers la silhouette qui refermait la porte d'un autre monde...

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