EN VILLE

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 J'arrive en ville. Je me gare. Je suis à 10 minutes à pieds de notre point de rendez-vous. Je ne suis pas en avance, mais pas encore en retard. Je rallie la grand rue, je remonte le long de la ligne de trams. J'y suis presque. On s'envoie des textos pour s'informer. La voilà, la grande brune me fait un petit signe timide. Je m'approche. On se fait la bise. Après un rapide échange de banalités, on n'a plus grand chose à se dire. Elle n'est pas hyper bavarde et son coté timide ressort. Elle n'est pas à l'aise. Moi non plus. Je n'ai jamais été à l'aise en tête à tête avec une fille.

On entre dans le petit centre commercial où il y a la FNAC. On connait bien tous les deux. On vadrouille ensemble entre les rayons. Bédé, jeux vidéo, mangas, on lit en moi comme dans un livre ouvert. Mes habitudes d'adolescent solitaire ressortent rapidement, ce qui vaut à mon amie une visite fort peu intéressante du lieu. Faut dire on n'avait rien a acheté. On traine en ville c'est tout. Je me comporte comme je me l'étais dis, sans trop forcer, en étant moi-même. En se balladant comme avec un de mes potes.

On est un peu muet tous les deux. D'habitude, on parle cours, profs et autres choses propres au lycée. Là, c'est un peu l'angoisse. Cela ne m'était vraiment arrivé qu'une fois avant, cet espèce de tête à tête hors contexte habituel. Cette fois là on était allé voir un film, ça avait eu le mérite de ne pas exacerber les phases de malaise et les grands blancs.

Mais ici, pas de films prévus. On s'était juste donné l'objectif de se rejoindre en ville. Histoire de faire un truc. Pas vraiment de shopping et d'activités trépidentes. Je commence à me dire que ça marche moyen. Elle a l'air embarrassée d'être là. En tout cas, je suis embarrassé d'avoir rien d'intéressant à proposer et à dire. Le temps passe, mais la gène non.

*Cela me fait chier. Je l'aime bien et de la voire si anxieuse, stressée, mal à l'aise, ça me renvoie à mon propre mal être. Qui aimerait passer un moment aussi chiant avec moi ? Bon, écoutes, tu veux faire une bonne impression alors rend cette visite un peu plus active.*

J'me mets à raconter des conneries, débiter des paroles sans fond, histoire de ne pas exacéber le sale vide qui nous tiens à distance. Je montre des objets, je parle de mes passions, y a un magasin d'instruments en bas. Je parle batterie et musique. Ce n'est pas fabuleux, mais au moins ça montre mon intérêt pour cette sortie et pour elle. Bon, on a épuisé le stock d'histoires et les lieux d'intérêts. Il pleut un peu et il commence à faire froid. C'est pas top. Autant oublier les autres rues et l'envie de crapahuter. On s'arrête dans une chaine de boulangerie salon de thé. C'est pas hyper classe et pas vraiment romantique non plus. Je l'ai trainé avec moi jusqu'ici en essayant de la convaincre de se laisser payer une boisson chaude. Elle ne voulait rien que je lui paie. Je ne sens pas un refus de dégout mais une gène à m'utiliser comme un porte-monnaie. Après on n'est pas nombreux dans ce petit salon, et sa timidité lui fait faire machine arrière. Heureusement, le temps pas terrible nous impose un moment de répit et de calme, à siroter une boisson et manger un truc. Il n'est pas très tard. Et ça ne se passe pas trop mal finalement. Un rayon de soleil apparait. J'en profite pour lui demander si elle veut que je la ramène. Elle est venue en bus et ma voiture n'est pas si loin. Elle accepte derrière un petit sourire. Est-ce que je marque des points. N'y pense pas. C'était pas vraiment un rencard. Pas vraiment non plus, de regards complices ou follement passionnés. Mais on est moins coincé qu'au départ alors c'est déjà ça.

On s'engage dans la rue où se trouve tout au bout, ma voiture. Le soleil est revenu, cela fait plaisir. Alors que j'ai un moment d'égarement. Une petite fille de primaire court cartable sur le dos dans notre direction. Elle veut rattrapper une amie. "Et Marina, attends moi" crie t-elle en passant entre moi et mon amie. En forçant le passage. J'évite la bousculade de justesse. La petite passe en trombe. Et son élan et le léger manque de respect, à passer de force entre deux (jeunes) adultes, me fait inévitablement lâcher une blague. Un automatisme comique, à demi-conscient. Où je charge un fusil à pompe imaginaire pour tirer dans le dos de la petite.

Une blague impromtue qui n'a l'habitude de faire rire, que moi et mes amis les plus proches. Mais mon amie explose en un rire joyeux, luminescent, non retenu. Un rire et un sourire si sincère pour ma blague débile que je me dis "Wahoo ! D'habitude y a que moi que ça fait rire ces blagues de merde." Mon amie avait elle l'esprit assez tordue pour rire d'un homme fusillant fictivement une petite fille ? L'espace d'un instant dans un rayon de soleil tout était clair, jamais je n'avais eu une amie riant aussi sincèrement à une blague aussi débile. Et j'avais peu de chances de trouver une autre fille avec le même humour que moi. L'humour et son sourire faisant, je venais de tomber amoureux. Et même si plus tard, j'ai appris qu'elle me courrait après depuis un moment, c'est ce petit instant débile qui l'a révélé à moi. Depuis cet instant, je l'aime.

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