Chapitre 6

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En ce début d’après-midi, le soleil était au beau fixe. Allongée au pied du grand chêne, musique dans les oreilles et livre à la main, je me détendais. Une légère brise me permettait de ne pas avoir trop chaud.


— Elena ?


Comprenant qu’on m’appelait, je coupais ma musique et retirais mes écouteurs. Je m’immobilisais dès que je reconnus le visage. Celui de ma mère, ce qui était pourtant impossible. Sans y être invitée, elle s’installa à côté de moi, à même l’herbe. L’avoir devant moi après toutes ses années, je ne savais pas comment réagir. Pourtant, sa présence ne me dérangeait pas. En cet instant, je n’avais aucun ressentiment envers elle. Seulement de l’incompréhension. Elle ne pouvait pas être là. Elle avait disparu subitement, sans laisser aucune trace.


— Je… je peux vous aider ?

— Tu as l’air d’aller mieux. Depuis la dernière fois qu’on s’est vu.

— C’est vrai. Je suis épanouie. Enfin je crois.

— Qu’est-ce qui te fait douter ?

— Vous. Vous êtes de retour et je sais que ce n’est pas normal.

— Hormis ma présence, qui je comprends, peux te perturbée, comment tu te sens en ce moment ?

— Lizéa est très fatigante, mais tout va bien.


Je ne savais pas pourquoi ma mère était là. Je ne savais pas si, comme lors de mon entretien avec le Dr Langstone, j’inventais sa présence, mais ça m’était égal. Tout ce qui m’importait en ce moment, c’était de discuter. Malgré notre passé complexe, en cet instant, j’appréciais sa compagnie. Je ne la sentais pas agressive. Je retrouvais la mère attentionnée, aimante que j’avais rencontrée avant qu’elle ne disparaisse subitement. Avant que je ne monte sur le trône.

Je discutais avec elle pendant ce qui m’a semblé durer plusieurs heures. Je n’avais aucune appréhension. Quand elle s’effaça discrètement, quand je me retrouvais enfin seule, Océane avait pris sa place. Elle semblait méfiante, mais à la fois perplexe. Était-ce la présence de ma mère qui la perturbait ainsi ? Non, elle n’aurait pas réagi ainsi si c’était le cas.


— Tu parlais avec qui, mon amour ?

— Avec…


Et là je compris. Ce n’était pas la présence de ma mère qui l’avait perturbée. Elle ne l’avait même pas vu. J’avais encore inventé sa présence. Je devenais folle, c’était la seule explication logique. Ma mère n’avait pu être à côté de moi. Elle avait disparu il y a dix-huit ans.


— Dis-moi, est-ce par hasard, tu aurais des nouvelles de ma mère ?

— T’es sérieuse là ? Pourquoi j’en aurais ? Et si j’en avais, tu sais très bien que je l’exécuterais avant même de t’en parler.

— Hé bien… hésitais-je. Comme tu le sais, j’ai discuté avec le Dr Langstone. Avant qu’il ne m’informe de son départ à la retraite, j’ai cru l’entendre parler de ma mère.

— Et qu’est-ce qu’il disait ?

— Qu’il avait retrouvé sa trace. Mais en fin de compte, il s’est avéré qu’il n’avait pas du tout parlé d’elle.

— Chérie. Et si tu retournais faire un test de… enfin, tu sais…

— Tu crois que… non, je ne pense pas. Je dois être simplement fatiguée.

— Tu sais, je préfèrerais en être sûr. Si tu es vraiment malade, comme ta mère, il vaut mieux si prendre le plus tôt possible. Et quoi qu’il arrive, je te promets de ne pas te laisse tomber. Je te promets d’être présente à toutes les étapes, de te soutenir. Je te promets de ne pas faire la même erreur que ton père.

— Pourquoi tu parles comme si tu étais sûr que j’étais malade ?

— Je te connais, mon amour. Et te voir parler dans le vide, à une personne qui n’est pas vraiment là, à ta mère qui plus est, ça m’inquiète.

— Je t’assure que ce n’est pas le cas. J’ai dû m’assoupir un instant.

— Et je t’assure que tu ne dormais pas.


J’avais toujours eu confiance en ma femme. J’avais toujours accordé une grande importance à toutes ses idées, à tout ce qu’elle pouvait me dire. Mais cette fois-ci, je n’y parvenais pas. Je ne pouvais la croire. Lizéa, Benjamin et Elise avaient besoin de moi. Je ne pouvais pas être malade. Je ne pouvais pas et ne voulais pas devenir comme ma mère. J’avais consacré toute ma nouvelle vie, la moitié de ma vie à devenir le contraire de la femme que j’avais toujours connu. Une mère aimante, une femme attentionnée, une impératrice respectée. Et j’avais réussi. J’avais réussi à consolider ma relation avec mon fils, ma fille aînée nous aider de temps en temps avec l’Empire, quand l’envie lui prenait et ma dernière fille prenait toute mon attention.


— S’il te plait, chérie. Parles-en au Dr Langstone ou même à Juliette, peu importe. Mais fais au moins ce premier pas. Pas nécessairement pour moi, mais au moins pour toi. Pour que tu sois certaine. Ne prends pas ça comme une sanction, mais plus comme de la prévention.

— D’accord, je vais aller le voir.

— Merci.


Océane m’aida à me relever et on rentra ensemble au château. On se sépara une fois arrivée. Je lui avais promis d’en parler, mais je sentis que Jeanne devait en être informée en priorité. Après tout, elle avait bientôt devenir mon médecin à temps plein, à la place du Dr Langstone. Je retrouvais Jeanne dans son bureau et l’invitais à marcher quelques instants avec moi dans les jardins. L’endroit serait plus propice à la confession qu’un cabinet médical.


— Je peux faire quelque chose pour toi ?

— Océane veut que je te parle de… je deviens folle, c’est la seule explication possible.

— Qu’est-ce qui te fait dire ça ?

— J’ai cru parler à ma mère. Sérieusement, Jeanne ! Elle a disparu depuis dix-huit ans. Je savais qu’elle ne pouvait pas être là et pourtant j’y ai cru. Et quand Océane est arrivée, elle m’a vu parler toute seule.

— Je vais être honnête avec toi. Avec Langstone, ça fait un moment qu’on suspecte un début de schizophrénie chez toi. C’est léger, mais c’est un peu trop régulier pour que ce ne soit que de la fatigue. Que ce soit elle qui vient souvent te voir, ton absence lorsque tu discutais avec lui ou maintenant avec ta soi-disant apparition de ta mère, je pense que tu es malade. Et je ne dis pas ça à la légère. Je connais ton dossier sur le bout des doigts. Si je t’en parle, ce n’est pas une simple suspicion.

— Dis-le-moi clairement. Tu en es sûr, c’est ça ?

— Pratiquement, oui.

— Qu’est-ce que je dois faire alors ?

— On pourrait commencer un traitement, voir ce que ça donne. Voir si ça va mieux.

— Ce n’est pas dangereux ?

— Ce qui est dangereux, c’est si tu ne fais rien. Si tu laisses ta maladie empirer. Choisis de te soigner tant qu’il en est encore tant. Tant que tu es encore maitre de toutes tes décisions.

— Avant que je ne devienne comme ma mère.

— Très bien. Faisons ça. Mais n’en parle pas à Océane ou aux enfants. Pas avant d’être certaine, sans plus aucun doute possible, que je sois malade.

— Je ne romprais jamais le secret médical, Elena. N’hésite surtout pas à venir me parler s’il y a quoi que soit. Je reviendrais vers toi avec une proposition de traitement.

— Merci.


Afin de me changer les idées, je décidais d’aller à la bibliothèque. Je parcourus les étagères pour essayer de trouver un livre qui pourrait me correspondre. En vain. Je fus interrompu, en sursautant quand Elise entra.


— Excuse-moi, je ne voulais pas te faire peur.

— Qu’est-ce que tu fais là ? Tu n’es pas en cours ?

— J’avais un prof absent. Un ami m’a ramené.

— Ben a encore cours ?

— Oui, on était en groupe cet aprèm et son prof est là. Qu’est-ce que tu cherchais ?

— À vrai dire, je n’en sais rien. Je crois que je tourne en rond.

— Tu veux qu’on sorte ? On peut aller faire un tour en ville si tu veux.

— Pourquoi pas. J’ai des puzzles à acheter pour ta sœur de toute façon.

— Super. Je vais chercher mon sac, je te retrouve dans la cour.


Suivant ma fille, je partis moi aussi récupérer mes affaires. Dans la cour, ma fille était arrivée avant. Elle en avait profité pour demander une voiture, qui nous attendait déjà. Mon armée était réactive, et j’appréciais.


— Tu as une idée en tête ? questionnais-je ma fille, une fois assise dans la voiture.

— L’un de nos haut-parleurs à lâcher hier pendant la répétition. Je dois la remplacer rapidement avant notre prochain concert.

— Vous avez date ? J’aimerais beaucoup y assister ?

— Vraiment ?


En une phrase, j’avais lancé ma fille sur sa passion. Elle m’expliqua comment elle réglait le son, comment elle et son groupe déplaçaient tout leur matériel à chaque représentation, mais surtout, comment elle arrivait à avoir des dates de concerts. Même si elle ne voulait pas faire carrière dans la musique que ce n’était qu’un passe-temps parmi tant d’autres, elle était très impliquée. Le bassiste et la guitariste, eux, voulaient faire carrière. En tant que meneuse, Elise faisait tout pour mettre en avant le groupe, mais surtout ces deux musiciens, espérant qu’ils se fassent repérer par un groupe de musique de plus grande envergure. Elle savait que le jour où il parviendrait à prendre leurs envols, leur groupe prendrait fin et il ne resterait que le violoniste et la chanteuse. Elle savait qu’à ce moment-là, la musique, ce serait fini. De toute façon, un jour ou l’autre, elle devrait arrêter pour prendre la couronne.

En ville, on s’arrêta en premier à son magasin de musique. Elle vérifier les propriétés des plusieurs appareil avant de négocier le prix avec le vendeur. On continua ensuite avec le magasin de jouer. On regarda ensemble les collections avant d’en choisir une vingtaine. Lizéa les terminait tellement vite qu’il valait mieux en acheter en grande quantité, en une seule fois, plutôt que de revenir trop régulièrement en magasin.

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