Chapitre 8

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Cela faisait déjà une semaine que Jeanne ajustait chaque jour ce nouveau traitement. Elle avait enfin réussi à trouver la bonne formule et le bon dosage, même si j’étais plus fatiguée que d’habitude. Surtout en fin de journée. Depuis que je l’avais commencé, ni ma mère ni Elle n’étaient revenues. Il ne s’était rien passé d’étrange, comme si, en fin de compte, Jeanne avait eu raison depuis le début, j’étais malade. J’en avais alors informé Océane qui m’avais immédiatement soutenue de ma décision. Elle avait rapidement compris pourquoi je ne lui avais rien dit.

Océane passait toute la journée au dojo, pour un évènement spécial avec de futurs grands champions du karaté. Les enfants en cours, j’étais au calme pour travailler sur le dossier complexe des prisons surchargées. Depuis que je travaillais sur ce dossier, mon bureau était sens dessus dessous. J’avais plein de feuilles de brouillons, des stylos, des Post-it, un vrai de champs de bataille. Un œil extérieur aurait pu croire que j’étais désordonnée, mais non, j’avais besoin d’utiliser tout l’espace mis à ma disposition, car j’avais besoin d’avoir plusieurs feuilles visibles devant moi et à portée de main. J’avais plus de documents que lorsque je faisais de la comptabilité.

J’étais tellement concentrée que je n’entendis pas les multiples appels que j’avais reçus. Je m’en rendis compte seulement une heure après. C’était la directrice de l’école de Lianna. J’écoutais rapidement le message avant de tout abandonner. Il y avait eu un incendie dans la classe de ma fille et elle était blessée. Sans perdre plus de temps, j’attrapais mon sac à main et j’appelais ma femme. Elle non plus ne répondait pas. Elle ne devait pas avoir son téléphone près d’elle. Je lui laissais à mon tour un message, pour la prévenir que je rejoignais Lizéa à l’hôpital et que Ben et Élise y étaient déjà. La directrice était allée les récupérer en personnes pour qu’ils soient auprès de leur petite sœur.

J’arrivais sur le parking de l’hôpital au même moment que ma femme. Celle-ci se réfugia immédiatement dans mes bras. Les larmes coulaient sur son visage. Lizéa était la plus grande faiblesse d’Océane. C’était maintenant à moi d’être là pour elle, d’être la plus rationnelle, confiante et positive. Après l’avoir temporairement apaisée, je glissais ma main dans la sienne et on entra dans l’hôpital.


— Chambre trois cent douze, nous dirigea l’infirmière de l’accueil, sans qu’on eût besoin de demander quoi que ce soit.

— Merci, répondis-je.


Nous ne savions pas exactement où se trouvait la chambre, mais ça nous était égal. Nous ne voulions pas perdre de temps à demander notre chemin alors qu’il suffisait de suivre les panneaux. On finit par trouver la chambre entre-ouverte. Ben et Élise y étaient déjà, tournant en rond, mais pas Lizéa. Les jumeaux nous entendirent entrer, Benjamin se réfugia dans les bras de sa mère tandis qu’Elise se glissa contre ma poitrine. Je caressais les cheveux de ma fille, sans un mot, lui laissant le temps de pleurer. Ses larmes coulaient sur ses joues puis dans mon cou. Même si elle s’énervait facilement contre sa petite sœur, Elise avait toujours été protectrice envers elle. Elle jouait son rôle de grande sœur à la perfection.


— Qu’est-ce qu’il s’est passé ? demandais-je dès que les pleures se calmèrent.

— Un feu s’est déclaré dans la classe de Liz, répondit ma fille. Sa maitresse a fait sortir tout le monde, mais il y avait un élève, paralysé par la situation, que Liz a voulu aider.

— Ils ont fini par se retrouver piégés par les flammes tous les deux pendant cinq minutes, le temps que sa maitresse trouve un extincteur pour leur dégager un passage, compléta mon fils. La maitresse attend dans la salle d’attente.

— Sauver les autres avant soi-même. Elle est bien ta fille, commenta Océane à mon intention.

— Comment va-t-elle ?

— Tout ce qu’on sait, c’est qu’elle est brulée au troisième degré, mais qu’elle est en vie, expliqua Élise.

— Ce n’est pas vrai, enchaîna Océane en se réfugiant dans mes bras.

— Elle est en salle d’opération en ce moment, reprit ma fille. Si j’ai bien compris, ils doivent lui faire une greffe de peau.

— Ça va bien se passer, Océ. Les médecins d’aujourd’hui sont compétents.


Ben et Élise nous cédèrent leur chaise, mais Océane préféra rester debout. Elle était bien trop paniquée pour réfléchir correctement. Elle tournait en rond dans la chambre, elle passait autant de coups de fil qu’elle pouvait. Elle avait besoin de se tenir occupée pour ne pas laisser ses émotions l’emporter sur la raison. Nous devions attendre le retour des médecins et de notre fille.

Ce n’est que deux heures plus tard qu’un médecin et une infirmière ramenèrent Lizéa dans sa chambre. Elle était allongée sur le ventre. L’entièreté de son dos, comme ses épaules, étaient recouvertes d’épais bandage. Son médecin nous invita à sortir de la chambre pour nous parler. Benjamin et Elise reprirent les chaises pour s’asseoir près de leur sœur. Conformément aux conseils du médecin, ils n’avaient pas le droit de la toucher.


— Comment va-t-elle ? le questionnais-je à la place de ma femme.

— Ses brulures sont importantes, mais elles se soigneront correctement. Elle va bien mieux que nous le pensions. Certaines parties de son dos ont nécessité une greffe de peau immédiate, mais ce n’est que sur une petite partie.

— Pendant combien de temps va-t-elle rester alitée ?

— Plusieurs mois. Ça dépendra de l’évolution de la cicatrisation.

— Et pour son retour au château ?

— Pour l’instant, je ne peux me prononcer.

— Merci docteur.

— Si vous voulez, la maitresse de Lizéa et la maman du petit garçon que votre fille a sauvées sont dans la salle d’attente.


Je me tournais vers Océane après le départ du médecin. Elle ne pleurait plus, mais je sentais toujours sa peine et sa peur dans son regard. Je la laissais rejoindre Lizéa et partis retrouver les deux femmes qui nous attendaient. Je mis à peine le pied à l’intérieur de la salle d’attente que je reconnus Irina Lane. Les deux femmes se levèrent aussitôt.


— C’est Antoine, le camarade que Lizéa a sauvé ?

— Oui, répondit Irina. Je tiens à m’excusez de…

— Vous n’avez pas à vous excuser, ce n’est pas votre faute.


Je leur donner des nouvelles de ma fille pour les rassurer. Au moins, Antoine allait bien. Lizéa avait réussi à le sauver. Je retournais ensuite auprès de ma fille qui dormait toujours. Océane était assise à ses côtés et tenais délicatement sa main. Avant de la rejoindre, je demandais aux enfants de rentrer. Ils avaient sûrement plein de devoirs et il valait mieux que ce soit eux qui préviennent Emma plutôt que quelqu’un d’autre. Surtout qu’elle arriverait à l’hôpital dès qu’elle apprendrait ce qu’il s’était passé. Les jumeaux hésitèrent un instant, voulant être auprès de leur sœur à son réveil. Après leur départ, je récupérais l’une des chaises et m’installais de l’autre côté du lit. Le plus délicatement possible, je caressais la tête de ma fille avant d’attraper sa main.


— Qu’est-ce qu’on va faire maintenant ? me questionna Océane en chuchotant.

— Si tu as besoin, je peux reprendre tous tes dossiers urgents pour que tu puisses rester avec elle.

— J’aimerais beaucoup. Merci.

— C’est normal, mon amour.


Je m’installais plus confortablement dans ma chaise. Sur internet, l’incendie de l’école de Lianna était déjà en tendance. Tous voulaient savoir ce qui était arrivé, mais surtout si ma fille avait été victime de l’incendie. Il ne savait donc pas que l’incendie avait eu lieu dans sa classe. Ma fille dormait toujours quand une infirmière fit entrer deux policiers dans la chambre. L’un d’eux referma la porte derrière lui après avoir jeté un dernier coup d’œil dans le couloir.


— Vos Majestées commencèrent le plus âgé, qui devait à peine avoir trente-cinq ans. Je suis le lieutenant Stan et voici mon coéquipier, le lieutenant Porte. Nous sommes chargés de l’enquête de l’incendie de l’école.

— Qu’avez-vous trouvé ? leur demandais-je.

— Nous sommes convaincus qu’il s’agit d’un incendie criminel. Les câbles électriques du vidéo projecteur ont été saboté, ce qui a provoqué l’incendie et les deux extincteurs de l’étage ont disparu.

— Vous vouliez dire que cet incendie était volontaire ? s’inquiéta Océane.

— C’est ce que nous pensons, oui.

— C’est un cauchemar, soupira ma femme.

— Soyez honnête avec nous, lieutenants. Ma fille était la cible ? questionnais-je.

— C’est ce que nous pensons, oui. C’est l’hypothèse la plus logique étant donné que c’est la classe de la princesse qui a été visée. Auriez-vous une idée de qui aurait pu s’en prendre à votre fille ?

— Nous avons beaucoup de détracteurs, lieutenants, reprit Océane. Nous sommes un couple de femmes, Lizéa est ma fille biologique et je ne suis pas née avec un statut élevé.

— J’ai aussi dû intervenir auprès des élèves de l’école de Lizéa il y a quelque temps. Les jeunes s’en prenaient à ma fille, justement parce qu’elle a deux mères.

— Tu ne me l’avais pas dit ça ! s’inquiéta Océane.

— Parce que je sais à quel point tu as horreur de ce genre de comportement. Parce que c’est toi qui t’es battu, bien plus que moi, pour qu’on puisse se marier et que notre couple soit reconnu. Lizéa m’en a parlé, j’ai discuté avec les jeunes et la directrice et ça s’est bien passé. Je ne voulais pas t’inquiéter.

— Auriez-vous des noms à me donner. Des élèves qui auraient eu ce genre de propos, enchaîna-t-il.

— Moi, non. Ma fille ou même Antoine, peut-être.

— Merci pour votre aide.


Il sortit une carte de sa proche qu’il me tendit afin que je puisse le contacter au cas où des éléments me reviendraient en tête. Les deux hommes nous saluèrent avant de nous laisser en famille. Moins d’une heure après leur départ, Lizéa remua dans son lit. Elle se réveillait doucement. Je laissais Océane la rassurer. Elle avait le besoin vital d’être auprès de sa fille.


— Maman ? commença Lizéa, tout doucement.

— Je suis là, ma chérie. Je suis là.

— Antoine, comment il va ?

— Il n’a rien. Lui, sa maman et ta maitresse sont dans la salle d’attente. Est-ce que tu as mal ? Tu veux un peu d’eau ?

— Je n’ai pas mal, non. Mais je veux bien de l’eau, s’il te plait.


Elle récupéra le verre d’eau sur la table de chevet et amena la paille à sa bouche. Rapidement, le visage de ma femme se détendit. Hormis ses brulures, Lizéa allait bien. Elle parlait et elle se souvenait de ce qu’il s’était passé. Pas une seule fois, Océane ne lui montra la frayeur qu’elle avait eue. Maintenant que Lizéa était réveillée, notre mission principale était de la rassurer. Ma fille réclama ma présence alors j’approchais. Je déposais délicatement un baisé sur l’arrière de son crâne et caresses tendrement sa tête.


— Pardon de vous avoir fait peur. Je voulais juste aider Antoine.

— C’était très courageux de ta part, mon bébé. Mais aussi très dangereux. Ne refais plus une chose pareille à l’avenir, d’accord ?

— D’accord. Je ferais attention.

— Repose-toi ma chérie, repris-je. Tu dois être fatiguée.


Tout doucement, non sans grimacer, elle ramena sa main à elle et son pouce termina dans sa bouche. Elle ouvrit un œil pour vérifier notre réaction avant de fermer les yeux et de s’endormir. Elle n’avait plus sucé son pouce depuis ses cinq ans, mais elle semblait avoir besoin de ce réconfort pour le moment. Nous ne pouvions le lui reprocher. Je m’assurais qu’elle soit réellement endormie pour rentrer au château. Océane voulait rester auprès de Lizéa et l’ensemble du personnel du palais devait attendre des nouvelles de notre fille.

Dès mon arrivée, je ne perdis pas de temps et retrouvais Emma dans son bureau. En face d’elle, toute l’adrénaline retomba d’un coup et je m’effondrais en pleurs dans ses bras. Bianca et Liliane comprirent et quittèrent la pièce sans un mot. Emma attendit que mes larmes se tarissent pour me proposer de m’asseoir. Elle récupéra une tasse dans l’armoire derrière son bureau et la remplie d’un thé encore chaud.


— Tu veux en parler ou tu préfères qu’on discute d’autre chose ?

— Je suis contente qu’elle… j’en sais rien. Je ne peux même pas dire qu’elle va bien alors que l’entièreté de son dos est brûlée au troisième degré.

— Lizéa est forte.

— Je le sais bien. Elle a sauvé Antoine, le fils d’Irina. C’est pour ça qu’elle est blessée, mais…

— C’est normal de s’inquiéter, d’avoir peur. Mais ça aurait être pire. Mais dis-toi que Liz n’a que sept ans, elle guérira vite.

— Sauf qu’elle aura des cicatrices à vie. Que ce soit à cause des brulures ou des greffes de peau.

— Vous devrez apprendre à vivre avec. Libre à elle, par la suite, de choisir, de les cacher ou au contraire, de les montrer.

— Comment tu fais pour être aussi positive ?

— Ce n’est pas simple, mais j’essaie. Tu devrais essayer aussi.


Avec Emma, je pouvais être honnête. Tandis qu’avec Océane, elle avait besoin que je reste positive, que je la soutienne. J’avais eu mon quart d’heure pour laisser libre cours à mes émotions, je devais maintenant reprendre le contrôle. Une fois remise, je retourner dans mon bureau. Avec l’incendie volontaire d’une école et l’hospitalisation de Lizéa, je savais que beaucoup d’administratifs m’attendaient. Aussi bien sur mon bureau que dans ma boite mail. Je m’assurais d’avoir le son de mon téléphone activé avant de m’installer.

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