Chapitre 11

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Même sans savoir ce qu’il s’était passé avec Julien, sans savoir que c’était lui qui était à l’origine de l’incendie qui avait blessé leurs sœurs, Ben et Elise comprenaient ma décision de partir. Elise avait un peu plus de mal à me laisser partir, elle voulait rester auprès de moi, m’aider comme sa mère le faisait déjà. Mais l’heure était passée vite et elle avait obligé de partir pour le lycée. Océane m’accompagne ensuite rendre visite à Lizéa. Comme nous avions encore deux heures devant nous, avant de rejoindre l’aile psychiatrique avec Jeanne, j’attendis patiemment le réveil de ma fille.

C’est un médecin qui la réveilla en douceur, pour vérifier comment elle avait. Une infirmière prit le relais pour changer ses pansements. Elle m’autorisa à approcher dès qu’elle a eu fini.


— Comment tu te sens, mon bébé ?

— Maman ? Tu es venue ? s’exclama-t-elle.

— Mais je viens souvent, ma chérie., mentis-je. Comme ta mère te l’as dit.

— Je te vois jamais, bouda-t-elle.

— Je ne voulais pas te réveiller.

— J’aimerais que tu viennes plus.

— J’essayerais, lui mentis-je à nouveau. Je te le promets.

— Tu peux t’allonger avec moi ?

— Je ne veux pas te faire mal.

— S’il te plait.


Avec douceur, je m’installais dans son lit et la laissais se placer sur mon ventre. Je jouais avec ses cheveux d’une main, laissant l’autre sur le lit, ne voulant lui faire plus de mal. Mais après plusieurs minutes, elle attrapa mon autre main et la posa sur son dos. Les médecins l’avaient tellement sédaté qu’elle ne sentait pas du tout la douleur, ça me rassurait. Elle se rendormit et je la serrais dans mes bras, n’ayant plus peur de la toucher. Une jeune infirmière toqua avant d’entrer. Elle sourit, attrapa une chaise et s’asseye à côté du lit.


— Elle pourra rentrer dans quelques jours. Elle cicatrice vite, elle n’a refusais aucun traitement. C’est une petite fille exemplaire, chuchota-t-elle.

— Vous dites ça parce qu’elle est sédatée. Mais je ne sais pas si c’est une bonne idée.

— Comment ça ?

— Je ne serais pas là et ma femme a déjà beaucoup de travail. Lizéa lui demandera beaucoup d’attention et je ne pourrais l’aider.

— Vous partez combien de temps, Majesté ?

— Je ne sais pas. Je ne veux pas qu’elle le sache. Elle est tout aussi bien ici, pour le moment. Je vous laisserai en discuter plus avec ma femme.

— Très bien. Son médecin pense qu’elle devrait retrouver toute mobilité d’ici deux mois. Au début, sa peau neuve risque de tirer un peu, l’empêchant de bien se mouvoir, mais avec de la patience, ça ira. Elle en gardera malheureusement la cicatrice.

— Merci Madame. Pour avoir pris soin de ma fille.

— C’est normal, Votre Majesté.


J’entendis la porte grincer, Océane entra et elle se retint de rire en apercevant ma fille étendue sur moi, comme quand elle était bébé.


— C’est l’heure ? la questionnais-je.

— Oui. Jeanne t’attend et elle a tout déjà toute expliqué à l’équipe.

— Tu m’aides à la déplacer.


Après m’être assuré que Lizéa était toujours parfaitement endormie, je l’embrassais sur le front et on sortit de sa chambre. Avec Océane à mes côtés, main dans la main, on rejoignit Jeanne à l’aile psychiatrique de l’hôpital. Elle avait revêtu sa blouse blanche et discutait avec une autre médecin. On approcha et celle-ci nous sourit.


— Elena, je te présente le Dr Elton. Elle te suivra de près, avec moi.

— Enchanté, Docteur.

— Vos Majestés. Jeanne m’a tout expliqué. Vous avez pris la bonne décision.

— Je l’espère.

— Tu es certaine que c’est ce que tu veux faire, chérie ? m’interrogea Océane une dernière fois.

— Oui. Je ne veux pas être un danger pour toi ou pour les enfants.

— Prends soin de toi alors. Je t’aime.

— Majesté, reprit la docteure. Dès que vous aurez passé la porte, il n’y aura plus de titre. Vous serez juste Elena.

— Ça me convient très bien.

— Alors c’est quand vous voulez.


Je pris ma femme dans les bras un moment. Je ne savais pas quand j’allais la revoir, puis fit un pas en direction de ma guérison. Jeanne et le Dr Elton m’emmenèrent dans une première salle blanche qui sentait le désinfectant et où il n’y avait qu’une seule table d’examen.


— Essayez-vous, je vous en prie.

— Tu vas devoir nous donner ton téléphone, Elena. Ne t’inquiète pas, je tiendrais Océane informé de l’évolution de ta santé.


J’éteignis mon téléphone et le lui donna. J’avais longtemps vécu sans et contrairement à mes enfants, je n’étais pas en permanence dessus. Il n’allait pas me manquer. Jeanne le plaça dans une boite transparente, fermée à clé.


— Voici votre nouvelle tenue, un pyjama en quelque sorte, reprit le Dr Elton. Il est assez confortable. Je vais ensuite mettre ce bracelet autour de votre poignet. Vous devrez le scanner à chaque point de contrôle. C’est un moyen de surveiller vos déplacements. Ici, les règles sont assez strictes. Pas d’objet personnel hors surveillance, pas de visite sans accord, vous devrez prendre tous les médicaments qu’on vous donnera et suivrez les consignes.

— Très bien.

— Je vous laisse vous changer, vous avez cinq minutes.


Même si je perdais toute liberté de mouvement et que j’allais être surveillé en permanence, comme au temps de ma mère, je me sentais en sécurité. Je savais pourquoi j’étais là et j’avais confiance en Jeanne. Dans ce nouveau pyjama peu esthétique, mais assez confortable, j’étais prête. Bracelet de pensionnaire autour du poignet gauche, je n’avais plus rien d’une Impératrice.


— Voici votre chambre pour les prochaines semaines. Elle sera agrémentée d’objets divers après évaluation de votre santé mentale. Le petit déjeuner est à huit heures et vous avez réunion avec votre groupe de soutient, tous les matins à dix heures. Avez-vous des questions ?

— Non, merci.


Le Dr Elton et Jeanne sortit de ma chambre et la porte fut fermée à clé. J’observais aussitôt la pièce, avant de faire une crise de claustrophobie. J’avais une fenêtre avec vue sur le parc. Jeanne leur avait tout dit. Il y avait des barreaux, mais je pouvais quand même l’ouvrir. Pour le moment, je n’avais qu’un lit, une toilette et une douche. Seulement le strict minimum. N’ayant rien à faire, ni rien pour m’occuper, je m’accoudais à la fenêtre d’où le soleil chauffait ma peau. Je n’avais plus aucune responsabilité, plus de date limite à respecter. C’était la première fois depuis que j’étais devenue Impératrice, sans le vouloir. Ici, le temps passait différemment. En fait, je n’avais plus aucune notion du temps en quelques minutes. Quand la porte s’ouvrit, je me détournais.


— Bonjour Elena. Je suis Alexandra, l’une des infirmières. Souhaitez-vous rejoindre tout le monde dans la salle commune ?

— Pourquoi pas. Je vous suis.


Dans la salle commune, il y avait plus d’une vingtaine de patients. Certaines jouaient ensemble, d’autres regardaient dans le vide. Une jeune fille attira mon attention. Elle ne devait pas avoir plus de vingt ans et répète en boucle la même chose. Trente-six plus de quarante-deux.


— Soixante-dix-huit, répondis-je en m’asseyant en face d’elle.


Elle s’arrêta de parler et me fixa. Finalement, elle attrapa un stylo et écrivit 78 pour ensuite le répéter en boucle. La voir dans cet état me brisait le cœur, mon cœur de mère. Elle était encore jeune. À côté, il y avait un meuble de jeu de société. Je sortis un puzzle et le commençais sans un mot. La jeune fille finit par se joindre à moi.


— Sarah, dit-elle de but en blanc.

— Elena.


Elle se reconcentra sur le puzzle, m’ignorant et je la laissais tranquille. L’après-midi se déroula exactement de la même façon.


— Sarah ? Tu as de la visite, annonça une infirmière même si Sarah l’ignora.


Une jeune femme rousse approcha tandis que Sarah se balançait d’avant en arrière, les genoux désormais repliés contre sa poitrine.


— Puis-je m’asseoir avec vous ? me questionna-t-elle.

— Bien sûr.

— Vous êtes une amie de Sarah ? Je ne vous ai encore jamais vu ici.

— Je suis arrivée ce matin.

— Je m’appelle Caroline. Je suis sa petite amie.

— Puis-je vous demander ce qui lui est arrivé ou est-ce trop délicat ?


La jeune femme se renfrogna immédiatement. Je n’aurais pas dû poser la question.


— Vous êtes pour ou contre les gens comme moi ?

— Les femmes qui aiment les femmes ?

— Oui, enchaîna-t-elle d’un ton sévère.

— Je suis mariée à une femme depuis dix-huit ans et on a trois enfants, la rassurais-je.


Son visage se détendit aussitôt et un léger sourire apparut sur ses lèvres.


— C’est beau. Sarah a été agressée à cause de ça.

— Vous m’en voyez navrée. Je ne pensais pas que ça existait encore. Je savais qu’il y avait des différends, ma fille en a été victime, mais pas à ce point.

— Malheureusement si. Elle avait tout juste dix-sept ans. On ne se connaissait que depuis trois mois.

— Depuis quand est-elle ici ?

— Bientôt trois ans. Je viens trois fois par semaine et je n’ai vu aucune évolution. Elle ne se rend même pas compte que je viens.

— C’est gentil de votre part de ne pas l’avoir abandonné.

— C’est normal. Je l’aime et c’est à cause de moi si elle est là aujourd’hui. J’ai été la première à lui avouer mes sentiments. Je suis sa première fille.

— Ma femme était la première aussi. Elle a été la première pour tous, en fait.

— Vous vous êtes marié peu après l’autorisation du mariage pour tous ?

— Nous sommes parmi les premiers, en effet.

— Puis-je vous demander pourquoi vous, vous êtes ici ?

— Vous fuiriez si je vous le disais.

— Je ne vous jugerais pas. C’est promis.


Je me levais et observais un moment par la fenêtre sceller. Allais-je vraiment réussir à avouer à une inconnue ce qui m’avait poussé à fuir ma famille ? J’entendis sa chaise déraper avant de la voir à mes côtés. Elle m’avait rejoint.


— Vous semblez avoir besoin de parler. Je ne suis pas psychiatre, mais je sais être une oreille attentive.

— Je fuis ma famille avant de leur faire du mal. J’ai choisi de venir ici avant qu’il ne soit trop tard.

— Avez-vous une quelconque maladie mentale qui trouble votre jugement ?

— Je suis schizophrène, oui. Ma maladie n’est encore qu’à ses débuts, mais j’ai vu ses ravages sur ma mère. Et j’ai tué un homme pour protéger ma femme, par pur instinct de survie. Même si c’était une ordure qui lui a fait beaucoup de mal, je n’arrête pas de me dire quand cette maladie, je ne serais surement jamais allé jusqu’au bout de l’acte.

— Le principal, c’est que vous ayez vous-même fait les démarches pour vous faire soigner. Sarah n’a que moi. J’ai dû l’interner de force malgré ce que me disait mon cœur. Mais je savais que c’était pour son bien.

— Vous êtes sûr de ne pas être psychiatre ? rigolais-je.

— Certaine. Mais je discute avec celui de Sarah depuis trois ans.


Je continuais de discutais avec Caroline jusqu’à ce qu’elle doive rentrer chez elle. C’était une première journée d’adaptation assez calme. Même si je ne savais pas à quoi m’attendre, je me savais bien entouré.

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