Chapitre 17

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Chaque nuit, les hurlements de Lizéa me réveillaient. Elle ne cessait de faire des cauchemars, comme me l’avait expliqué Océane avant que je parte. Aujourd’hui ne faisaient pas ses exceptions, et elle était encore plus désagréable au matin. Grincheuse, elle ne voulait faire aucune activité, préférant rester blottie dans mes bras. C’était avec difficultés que je tentais, tant bien que mal de travailler en attendant l’arrivée d’Élise.


— Lizéa, tu ne veux pas aller jouer avec tes amis ? tenta Clémence qui me voyait dépasser.

— Non.

— Liz, s’il te plait, enchaînais-je.

— Non ! hurla-t-elle, attirant l’attention de tout le monde, y compris celui de ma mère.

— Excuse-là, elle a mal dormis.

— Nous avons une salle de sieste, juste à côté, si tu veux.

— Va te coucher chérie. Tu iras mieux quand tu seras reposé.

— La sieste c’est pour les bébés.

— Désolé, s’excusa Clémence avant de s’éloigner.

— Liz, je sais que tu es fatiguée, mais…


Elle hurla et se débattit dans mes bras pour se coller un peu plus contre moi. Je ne pouvais pas la gronder, je savais pourquoi elle était dans cet état et ça me blessait. J’étais dépassé par la situation sans pouvoir aider ma fille.


— Lizéa Luisard Stinley !


Lizéa s’arrêta aussitôt en reconnaissant la voix de sa sœur. Elle descendit de mes genoux pour rejoindre les bras d’Élise. Ma grande était là, j’allais pouvoir souffler.


— Pourquoi tu cries, Liz ? C’est les bébés qui pleurent comme ça.

— Je suis pas un bébé !

— Alors arrête de te comporter comme tel. Tu ne vois pas que tu fais de la peine à maman ? Tu es une grande fille, qui agit comme une grande.

— Pardon, renifla-t-elle.

— Excuse-toi maintenant.


Mes filles me rejoignirent, Lizéa me fit un rapide bisou avant de retourner dans les bras de sa sœur. Élise m’embrassa à son tour et s’assit en face de moi.


— Tu as fait bon voyage ? la questionnais-je.

— Oui. Je suis contente d’être enfin arrivée. Liz fait encore ses cauchemars ?

— Oui. Je fais ce que je peux pour la rassurer, mais…

— Maman avait du mal aussi, je prenais souvent la relève la nuit. Je vais t’aider.

— Merci ma grande. Comment ce sont passé tes examens ?

— À merveille. Si je suis pas major de promo, je ne comprends pas.

— Sauf si c’est ton frère qui te pique la place.

— Ah, ça suffit maman, me porte pas la poisse.


Je rigolais, ma petite renifla puis sécha ses larmes. Derrière mes filles, ma mère nous observait attentivement, curieuse.


— Liz, pourquoi tu ne dirais pas à maman ce que tu vois quand tu fermes les yeux ?

— Des flammes, partout.

— Pourquoi tu es restée au lieu d’écouter ta maitresse ? ajoutais-je.

— Tu aides tout le temps tout le monde, alors je voulais faire pareil. Moi aussi je voulais aider.

— Tu comprends quand même que ça aurait pu être pire ? J’aurais fait comment moi, sans toi ?

— Tu as toujours Ben et Élise. Et puis…

— Chérie, soupirais-je. Ne pense jamais que ton frère ou ta sœur sont plus importants que toi. Je t’aime autant qu’eux. Je n’ai jamais fait de différence entre vous trois.

— Maman ne le dit pas, reprit Élise, mais je suis sûr que tu es sa préférée.


Ma fille me fit un clin d’œil et je compris ses attentions. Susciter l’égo de sa petite sœur pour la rassurer.


— Je sais, mais… enchaîna Lizéa. Je voulais que tu sois fière de moi. Comme à l’école, ils disent que tu n’es pas ma vraie maman…

— Ne les écoute pas. Je suis autant ta maman qu’Océane.

— Mais c’est vrai que tu n’es pas ma vraie maman ?

— Aïe, soupira Élise, le sujet qui tue.

— Il faut qu’on soit une discussion sérieuse toi et moi.


Ma fille semblait vraiment inquiète et ça m’effrayait. Parce qu’elle était la première à se poser des questions sur notre famille. La première à se demander pourquoi nous n’étions pas comme tous le monde. La première à me dire quand ses copains ou leurs parents parlaient en mal d’Océane et moi. Mais c’était un sujet que je ne voulais pas aborder plusieurs fois. D’un signe de tête, j’invitais ma mère à nous rejoindre. Lizéa, comme Élise, lui lancèrent un regard noir, mais ne dirent rien. Lizéa oublia rapidement sa présence et Élise avait compris ma démarche.


— Comment t’expliquer ? Comme tu le sais, normalement, il faut un papa et une maman pour faire un bébé.

— Mais j’ai pas de papa, moi, bouda-t-elle.


Ma mère s’étonna aussitôt, mais ne dit rien. De toute façon, je ne l’aurais pas laissée intervenir si elle avait essayé.


— Moi non plus, je n’ai pas de papa.

— Élise, soupirais-je.

— C’est vrai. C’est juste mon géniteur. Il est bien mieux mort que vivant de toute façon, cingla-t-elle.

— Ton papa s’appelle Steven, Lizéa. C’est un ami de maman. Comme tu le sais, le bébé, il grandit dans le ventre de la maman. SI tes copains disent que je ne suis pas ta vraie maman, c’est parce que tu n’as pas grandi dans le mien.

— Mais Ben et Élise si ? C’est pour ça que je ne leur ressemble pas ?

— Oui. C’est pour ça que tu es blonde comme maman et que tu seras aussi grande qu’elle.

— Plus grande que toi ?

— Oui. Pour faire simple, Océane est ta maman biologique et je suis ta deuxième maman. Pour Ben et Élise, c’est l’inverse. Mais nous sommes toutes les deux tes mamans. Est-ce que tu comprends ?

— J’ai compris. Le papa de Ben et Élise c’est qui ?

— Oh non, je ne parlerais pas de lui avec toi.

— Pourquoi ? bouda-t-elle.

— Tu vois les méchants de tes dessins animés ? Bah lui, c’était un grand méchant, expliqua Elise.

— Est-ce que je peux rencontrer mon papa ?

— Je ne pense pas que ce soit possible, poussin.

— Il ne veut pas de moi ?

— Tu vois quand je te fais un cadeau ? Le jouet est à toi, pas à moi. Bah là c’est pareil. Ton papa a fait un cadeau à maman. Il nous a aidés à t’avoir parce que maman n’arrivait pas à être enceinte autrement.

— Donc quand les parents disent que vous ne me vouliez pas et que maman t’a… je sais plus le mot, mais on va dire, menti, c’est faux ?

— Plus que faux. Je te voulais que tu ne peux l’imaginer. Alors oui, maman à été voir un homme alors que nous étions mariées, expliquais-je surtout pour ma mère, mais j’étais d’accord.

— Ah ! J’ai compris. En fait, ils ont fait ce que tu fais avec maman.


Mes yeux s’arrondirent, mes filles le remarquèrent et explosèrent de rire. Cette petite chipie nous avait surprises sans qu » on le sache et s’était bien gardé de nous le dire. Au moins, elle ne pleurait plus et avait oublié ses cauchemars.


— Tu as d’autres questions ?

— Ben et Élise, tu les voulais ?

— C’est compliqué. J’ai déjà eux cette discussion avec toi, mais toi, c’est trop tôt.

— Tu faisais quoi quand tu avais mon âge ?

— Comme toi, j’essayais de défier ma mère, mentis-je à moitié. Une autre question ?

— Elle, c’est qui ? désigna-t-elle ma mère.

— Tu sais garder un secret ?

— Oui !

— Menteuse, rétorqua Élise, la faisant rire.

— Approchez mes enfants sans moi et vous ne me reverrez plus jamais, me tournais-je vers ma mère.

— Je te le promets.

— Chéries, je vous présente ma mère, votre grand-mère. Mère, je vous présente mes filles, Lizéa et Élise.


Lizéa se retourna sur les genoux de sa sœur et croit les bras, comme elle avait tant de fois vu Océane faire.


— Je suis enchantée de vous rencontrer. Je m’appelle Julie.

— Ouais, on sait, cingla Élise, sur la défensive.

— Étrange, étrange, souffla Lizéa en continuant d’imiter sa mère quand elle réfléchit. Maman, j’ai faim.

— Ce n’est pas l’heure, chérie.

— Mais…

— J’ai dit non. Et ne t’avise pas à aller voler en cuisine.

— Je ne fais pas ça, moi, mentit-elle, avec un sourire diabolique avant de partir en vitesse.


Élise se mit légèrement en retrait, pour me laisser parler avec ma mère. Mais elle restait tous de même présente, pour me soutenir moralement. Je ne sais pas comment établir le contact avec cette femme que je ne connaissais pas.


— Tu as trois enfants, c’est ça ? me questionna-t-elle en première.

— Oui. J’ai aussi un fils, Benjamin. Lui et Élise sont jumeaux, ils ont bientôt dix-huit ans et Lizéa à sept ans.

— Les jumeaux sont tes enfants biologiques, si j’ai bien compris ?

— Oui. Ils sont issus de mon premier mariage. C’est une histoire compliquée.

— Et aujourd’hui, tu es mariée avec qui ?

— Celle qui aurait dû être ma seule et unique épouse. Je suis mariée depuis dix-huit ans avec Océane Luisard.

— Celle…

— Celle que je vous ai empêché de tuer, oui. Elle m’a beaucoup aidé après votre départ. Elle compte beaucoup pour moi et nous somme toute les deux Impératrices, avec chacune nos domaines de prédilection. Notre duo fonctionne très bien.

— Je suis contente d’apprendre que tu as réussi à fonder la famille que tu voulais.

— C’était compliqué. J’ai rencontré beaucoup d’obstacles, dont beaucoup à cause de vous, mais oui, j’ai réussi à m’en sortir.

— Elena, soupira-t-elle. Je tiens sincèrement à m’excuser pour tout. Je n’étais pas vraiment conscient de ce que je faisais et…

— Je sais, vous êtes malade. Père, Maria et Corine m’ont expliqué.

— Tu as retrouvé ton père et ta grand-mère ?

— Père est venue de voir et j’ai retrouvée Maria par mes propres moyens. Quant à Corine, la mère d’Emma… je sais quel lien vous unissait et elle est comme une mère pour moi.

— Emma travaille toujours au château ?

— Oui. Elle est gouvernante. Elle gère le château et tout le personnel.

— Plus pour très longtemps, rigola ma fille.

— Comment ça ? enchaînais-je.

— Et merde, j’ai fait une boulette. Steuplé, maman, lui dit pas que c’est moi qui t’en suis parlé.

— Parce qu’elle va t’obliger à ranger toi-même ta chambre ? Promis, je lui dirais rien.

— Emma a rencontré quelqu’un. Et ce n’est pas n’importe qui.

— Attends, tu es sûr qu’on parle de la même personne ? Tu vois vraiment Emma me quitter ?

— Absolument pas, non. Mais ce gars, c’est un bon parti.

— J’en parlerais discrètement avec elle. Merci pour l’info, chérie.

— Mais avec plaisir.

— Et ton père, reprit ma mère. Qu’est-ce qu’il devient ?

— Il a ouvert un orphelinat quelque part à la campagne. Il ne m’a pas dit où. Notre relation est… on se parle pas souvent.

— C’est aussi ma faute.

— À vrai dire, j’aurais pu essayer d’avoir une meilleure relation avec lui. Je n’ai simplement pas voulu lui accorder une plus grande place dans ma vie. Même si je reconnais qu’il m’a beaucoup aider fut un temps.

— Pourquoi ne pas aller discuter dehors ? Tant qu’il fait beau, proposa ma fille.

— C’est une bonne idée.


J’invitais ma mère à se joindre à nous dans une promenade tandis qu’Élise partit chercher sa sœur. Une fois dehors, même le soleil tapait fort, une légère brise venait nous rafraichir. Quand mes filles nous rejoignirent, la plus jeune avait une part de gâteau dans la main. Je levais les yeux au ciel, mais ne dit rien, c’était trop tard de toute façon.


— Élise, l’interpellais-je, tu en es où dans ton inscription pour la fac ?

— Tout est validé. Il manquera plus que mes notes et mon diplôme, que je suis certaine d’avoir.

— Parfait. Et concernant le projet de ton frère ?

— Je crois que ça avance. Il s’est constitué une équipe avec des amis et des soldats pour l’accompagner.

— Tout est en bonne voix alors. Élise va aller à l’université d’histoire, expliquais-je à ma mère et Benjamin souhaite partir en exploration avant de se poser.

— Ce sont de beaux projets. Pourquoi l’histoire ?

— Maman avait commencé des études d’histoire avant que… commença Élise. Que vous l’avez arrêté. J’ai toujours été passionné par le passé, par comment l’Empire est devenir ce qu’il est aujourd’hui.

— Le fait d’être la future impératrice t’a beaucoup aidé dans ce choix d’étude, rigolais-je.

— Un peu. Même si c’est des études de droit ou d’économie auraient été plus judicieuses pour gouverner.

— Tant que tu fais ce qui te plait, je suis contente pour toi.

— Je suppose que vous n’avez pas encore réfléchi pour Lizéa ?

— Pas encore, non. Elle a plus de liberté que les jumeaux, j’en conviens, mais c’est parce qu’elle n’est pas destinée à devenir Impératrice. Elle sera libre de choisir la voix qu’elle souhaite, quelle qu’elle soit.


On discuta encore pendant une bonne demi-heure, de divers sujets concernant ma famille ou moi-même. Élise reçut un message de son frère disant qu’il avait été accepté pour participer à la grande compétition continentale, en tant qu’archer. Mon fils entrait dans la cour de grand. Il était arrivé au même niveau que sa mère, tout deux grands sportifs professionnels. Il ne lui manquait plus que de gagner pour la dépasser. Je ne doutais absolument pas de sa capacité à réussir.

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