Une neige fine a recouvert les toits du manoir pendant la nuit. Il y a du givre sur les fenêtres. Dehors tout est flou. L'hiver est en avance cette année.
L'immense chambre commence à se refroidir. Dans l'âtre de la cheminée, les dernières braises finissent de rougeoyer. Bientôt, tout ne sera plus que cendres.

Lizbeth ouvre les yeux. Depuis trois jours, elle n'a plus mal, mais les bandages qui recouvrent son visage la gênent désormais. Encore un petit effort. Aujourd'hui, on la délivre de cette prison de ouate. Enfin, voir ce visage.
Le sculpteur ne devrait plus tarder. Aussi fidèle qu'une montre suisse, prodiguant ses soins aux aurores.
Lizbeth s'impatiente.

Des voix, plus loin, dans le long corridor. Ses parents et le sculpteur approchent enfin. Cliquetis de serrure. Ils entrent par la lourde porte cadenassée. Les visages sont inquiets, surtout celui de sa mère, qui bredouille.

• Vous pensez que ça a réussi ?
• Nous allons bien voir Madame. Mais je ne suis pas inquiet, la matrice était saine.
  

Lizbeth s'assied sur le bord du lit. Ses petites jambes dansent dans le vide.
Le sculpteur tire une chaise en bois et vient se placer en face de la fillette. Avec délicatesse il enlève les bandelettes une à une. L'air froid caresse les joues de Lizbeth. Elle sourit, son joli petit nez se retrousse.

• Madame êtes-vous satisfaite ?

La mère de Lizbeth sort une photo de sa veste. Un portrait en noir et blanc sur du papier jauni. Ses yeux se remplissent de larmes. Son mari se rapproche et l'enlace. A l'unisson ils s'exclament.

• C'est magnifique ! Quelle ressemblance !
• Puis-je valider l'acte de naissance ?
• Vous pouvez Sculpteur.
• Bien. Vous le recevrez dans deux jours. Encore un peu de patience. D'ici là, veillez à ce que sa pile reste en charge.
  

On rallonge Lizbeth et ses parents la couvrent de baisers, sur le front, sur les joues, sur le nez. C'est doux. C'est bon.

Lizbeth est heureuse, elle a un visage désormais. Tout le reste n'a aucune importance.