CHAPITRE VII
De comment Guatavita cacha ses trésors, de la preuve qu'il fut le principal seigneur de ces naturels, et de comment le successeur de Bogotá, avec l'aide des Espagnols, fit payer aux Panches les enlèvements d'habitants de la savane dont ils s'étaient rendus coupables pendant la guerre. Du voyage en Castille des trois généraux. De la venue du licencié Jerónimo Lebrón comme gouverneur de ce Royaume et de la ville de Santa Marta.
Depuis les balcons de la vallée de Gachetá, Guatavita observait les va-et-vient et les coups que la fortune infligeait à son adversaire et rival Bogotá. Fragile est la prospérité humaine, puisqu'il n'y en eut aucune qui ne connût de chute. Malgré tout il avait rassemblé des gens, me conta son neveu et successeur don Juan, pour aider les Espagnols contre le Bogotá; cela est crédible, puisque l'on peut tout attendre d'un ennemi aspirant à la vengeance. Grâce à ses espions, guetteurs et coureurs, il savait ce qui était arrivé à Bogotá, bien qu'il ignorât sa mort, qui comme je l'ai dit avait été dissimulée par son successeur, et qui demeura longtemps secrète.
On raconta à Guatavita comment les Espagnols avaient pillé le grand sanctuaire du cacique de Bogotá, qui se trouvait en son domaine accolé à la montagne, qu'ils étaient très amis de l'or, et qu'ils le recherchaient dans tout village, s'en emparant dès qu'ils le pouvaient. Le cacique décida donc de mettre à l'abri ses trésors. Il convoqua alors son intendant, qui était le cacique de Pauso, et lui confia cent Indiens chargés d'or, pour qu'il les menât jusqu'aux cordillères des Chíos, les dernières, afin qu'ils cachassent le trésor parmi les rochers de ces montagnes; il ordonna également qu'à leur retour ils allassent directement au mont de La Guadua, et qu'ils y demeurassent dans l'attente de nouvelles instructions.
L'intendant Pauso se mit immédiatement en chemin, avec tous ces gens et tout cet or, vers le virage de la dernière cordillère, qui, depuis le village de Guatavita d'où il partit, se trouve à trois jours de marche. Il y cacha l'or, j'ignore exactement où. Il revint avec ses hommes, et conformément à l'ordre de leur seigneur, ils se rendirent au mont de La Guadua. Là, ils trouvèrent l'intendant Sueva, cacique de Zaque, avec cinq cents Indiens en armes, qui passèrent Pauso et tous ses hommes sous le fil du couteau. Il semble bien que ce fut le Diable lui-même qui donna ce conseil à Guatavita, afin de pouvoir emporter toutes ces âmes, et de nous faire perdre l'or. Certaines personnes ont par la suite dépensé beaucoup de temps et d'argent à le chercher, sans succès. Tout cela me fut conté par don Juan de Guatavita, cacique et seigneur de ces villages, et neveu de celui qui fit disparaître cet or. Et avant de changer de sujet, je veux prouver que Guatavita était le plus important seigneur sur ces terres, de qui tous acceptaient la sujétion, lui reconnaissant la suzeraineté suprême.
Aucune monarchie au monde, même ayant été destituée, ne le fut au point qu'il n'en demeurât aucune trace; ainsi l'Empire romain, le Royaume du roi Poros dans l'Inde orientale, celui de Darius en Perse, la grande Babylone, et d'autres encore que je pourrais citer, ont certes disparu, mais exercent toujours une influence sur les hommes. Voyons donc à présent quelles empreintes a laissées le caciquat de Bogotá, tandis qu'il régnait sur sa seigneurie. Elles sont limitées à son village de Bogotá, ne comptant d'autres sujets ailleurs; et si l'on en trouve aujourd'hui quelques-uns à Tena, cela date d'après la conquête. Et si les Panches furent expulsés de là, et si la ville se nomme Santa Fe de Bogotá, la raison en a déjà été dite: c'est que le cacique Bogotá y avait son domaine.
Mais voyons à présent quelles traces ont subsisté de la monarchie de Guatavita. On en trouve dans son village principal de Guatavita, qui conserve son nom; et à flanc de colline lui sont restées les deux capitaineries de Tuneche et Chaleche, à une lieue du village. Et sur le chemin de Tunja sont restés fidèles à sa monarchie les villages de Zaque, de Gachetá, de Chipasaque, de Pauso, d'Ubalá et de Tualá; ces deux derniers ont conservé leurs caciques, ses vassaux. Et à cela il faut ajouter les Chíos, de l'autre côté de la dernière cordillère, qui ont continué de lui obéir. Il me semble que nous avons suffisamment de preuves que Guatavita était le seigneur suprême et non Bogotá. D'autant plus qu'on dit que Guatavita investissait les caciques dans leurs caciquats en ce Royaume, et que celui qui n'avait pas été couronné par lui ne pouvait se faire appeler cacique. À ce sujet est fort savant le père fray Alonso Ronquillo, de l'ordre des Dominicains, qui eut longtemps la charge de ces missions-là; et s'il était vivant, le père fray Bernardino de Ulloa, du même ordre, nous en dirait davantage et mieux, puisqu'il administra lesdites missions de nombreuses années, y ayant été placé par le premier archevêque de ce Royaume, don fray Juan de los Barrios, par qui il avait d'ailleurs été ordonné. Et plus encore m'en conta cet archevêque: en quinze années au service de l'archevêché, il n'ordonna pas plus de trois prêtres, qui furent ledit père Bernardo de Ulloa, gentilhomme notoire, et le père Francisco García, issu de sa propre maison, qui fut longtemps curé au service de la Sainte Église, puis proviseur.
Le troisième prêtre fut le père Romero, premier curé de Nuestra Señora de las Nieves, et premier métis à être ordonné en ce Royaume; son ordonnance se fit grâce à l'insistante prière de l'Adelantado de Quesada et des capitaines Zorro et Orejuela, autres conquistadors. Le père fray Bernardino de Ulloa servait dans trois missions: celle de Guasca, village propriété personnelle du roi d'Espagne, et celles de Guatavita et Gachetá. Il servait successivement quatre mois dans chacune d'elles, et avait une grande connaissance de l'histoire et de la culture des Indiens, précédemment référées. Cette encomienda fut cédée en répartition au maréchal Hernando Venegas; ses héritiers en bénéficient aujourd'hui. Mais revenons à présent à Bogotá, qui nous attend.
Il a déjà été relaté comment lors de la guerre entre Guatavita et Bogotá, les Panches voisins de la cordillère, comprenant que la grande savane était dépourvue de soldats, sortirent de leurs terres et des villages les plus proches de ladite cordillère pour y enlever gens et biens. Voyant donc que les généraux étudiaient le moyen de retourner en Castille, le nouveau « Bogotá » et les Indiens de ladite savane accoururent auprès de l'Adelantado don Gonzalo Jiménez de Quesada, le suppliant de les aider à récupérer leurs femmes et leurs enfants.
L'Adelantado accéda à cette requête de fort bon aloi, et n'hésita pas à mettre en oeuvre d'importants moyens pour leur accorder cette faveur, puisqu'il réquisitionna des hommes de chacun des trois généraux pour former une puissante troupe, à laquelle s'unirent lesdits Indiens, qui surent fort judicieusement profiter de cette opportunité pour reprendre aux Panches ce qui leur appartenait, leur enlever ce qu'ils avaient au titre de préjudice, et à beaucoup d'entre eux leur faire payer au prix de leur vie ce qu'ils leur devaient. Ils les poursuivirent jusqu'aux forts secondaires des Tolimas, au bord du grand río de la Magdalena, où ils furent à nouveau attaqués par les Caraïbes et les Tolimas, qui les forcèrent à revenir sur la terre qu'ils avaient laissée. En cette occasion, Tena et une partie de ses terres furent assujetties au fief de Bogotá. Les soldats profitèrent avantageusement du pillage des Panches, chez qui ils trouvèrent du très bon or en poudre. Et à présent passons aux généraux, qui sont en chemin, et qui ne sauraient attendre davantage.
Le cacique de Guatavita, en voulant cacher son trésor, fut découvert par les Espagnols, avec qui il accorda la paix au nom de tous ses sujets. Le Maréchal, qui reçut cette encomienda-là, le traita fort bien, s'efforçant de le convaincre de se faire chrétien. Il reçut donc le baptême, avec pour nom don Fernando. Mais bientôt il mourut et lui succéda don Juan, son neveu. Le Maréchal le maria à doña María, une jeune métisse qu'il avait élevée en sa maison; il eut beaucoup d'enfants dont un seul vit encore, et qui a pour nom don Felipe.
Le cacique de Bogotá, qui mourut au cours de la conquête, était réputé être naturel d'ici-même, et avoir été investi cacique de Bogotá, ainsi que lieutenant et capitaine général des affaires guerrières par Guatavita; celui-ci nourrit donc un corbeau qui lui arracha les yeux, comme dit le proverbe. Le cacique de Suba et Tuna fut le premier à se faire baptiser, course qu'il gagna contre le Guatavita à un cheveu près; et moi-même je le ressors du fond de ces antiquités pour lui rendre cette gloire.
La ville de Santa Fe fondée, ses grandes lignes tracées par l'Adelantado de Quesada, le site de la future église majeure désigné, son curé nommé en la personne du bachelier Juan Verdejo, aumônier de l'armée de Federmann, le cabildo formé de ses alcades ordinaires (dont les premiers furent le capitaine Jerónimo de Insar, des macheteros, et Pedro de Arévalo), la terre pacifiée et apaisée et les trois généraux satisfaits, ils accordèrent tous les trois de faire ensemble le voyage vers la Castille pour y faire valoir leurs droits.
L'Adelantado laissa à son frère Hernán Pérez de Quesada la charge de lieutenant général; ils s'embarquèrent sur trois brigantines pour redescendre le grand río de la Magdalena; et avec eux repartirent beaucoup de soldats, qui, se retrouvant riches, ne voulurent pas demeurer aux Indes. Furent également du voyage le licencié Juan de Lezcames, aumônier de l'armée du général de Quesada, et le père fray Domingo de Las Casas, de l'ordre des Dominicains.
Arrivés à Carthagène, certains soldats partirent pour Santa Marta, d'autres pour Saint-Domingue, en l'île d'Hispaniola, pour avoir en ces villes leurs femmes et partie de leur descendance. À la première occasion les généraux embarquèrent pour l'Espagne. Nikolaus de Federmann mourut en mer.
Une fois en Castille, don Sebastián de Belalcázar se présenta derechef à l'examen de ses affaires par la Cour, dont il sortit rapidement et en d'avantageuses dispositions, après quoi il revint par la première flotte pour prendre possession de son gouvernorat de Popayán.
Le général Jiménez de Quesada, puisque ses bagages étaient pleins d'or, voulut d'abord revoir Grenade, sa patrie, et passer du temps avec ses parents et amis. Au bout d'un certain temps il alla à la Cour pour qu'elle examinât ses affaires, au moment où elle était endeuillée par la mort de l'Impératrice. On raconta en ce Royaume que l'Adelantado y entra vêtu d'un habit grenat qui était à la mode en ces temps-là, abondamment brodé d'or, et que tandis qu'il traversait la place, l'aperçut le secrétaire Cobos depuis les fenêtres du palais, et qu'il s'exclama: "Qui est donc ce fou !? Évacuez-moi ce fou de cette place!" Et il fut donc contraint de s'en aller.
S'il en fut vraiment ainsi, tel qu'il se murmura en cette ville, il est bien peu de chose que je l'écrive moi-même. L'Adelantado manquait parfois de rigueur, et je sais de quoi je parle puisque je l'ai bien connu. Il fut en effet parrain de baptême d'une de mes sœurs, et compagnon de mes parents. Et mieux eût-il valu que non, pour ce que nous en coûta le second voyage qu'il fit en Castille, duquel il revint obnubilé par l'idée de partir à la recherche de l'Eldorado; il entreprit donc une expédition pour le trouver, à laquelle participa mon père, en y investissant en pure perte une bonne somme d'argent, bien que certes ils en revinrent tous deux vivants.
En fin de compte, de son premier voyage l'Adelantado ramena le titre "d'Adelantado de l'Eldorado", avec trois mille ducats de rente sur les terres conquises et à conquérir, avec lesquels il fut payé pour les services jusque-là rendus. Il mourut, comme il a été dit, en la ville de Marequita; sa dépouille fut transférée à la cathédrale d'ici, où il a sa chapelle. J'ai déjà dit qu'en certaines occasions il manquait de rigueur, comme en celle-ci, qui, pour un lettré ne fut pas des moindres, où il omit d'écrire ou de faire écrire sur les choses de son temps¹; quant aux autres de ses compagnons et capitaines, je ne leur jette pas la pierre, car il y avait parmi eux beaucoup d'hommes qui signaient les cabildos auxquels ils participaient avec un fer à cheval. Donc hormis cela, rien.
1: On en déduit que le chroniqueur n'a eu connaissance d'aucune des œuvres écrites par Quesada. Voir l'œuvre d'Otero D'Costa. Citation: "En ces temps les écoles en Espagne n'appartenaient ni à la ville ni à l'État, mais le plus souvent étaient conventuelles, fondées et entretenues par des particuliers pour l'instruction élémentaire. Seuls donc les nobles, les enfants de lettrés et de bourgeois bien accommodés pouvaient recevoir une instruction scolaire; la grande masse de la plèbe, dont la population rurale, "croupissait dans l'analphabétisme le plus crasse"---Culture et coutumes du peuple espagnol des XVIe et XVIIe Siècles, par Ludwig Pfandl.
Les soldats qui partirent avec les généraux, allant riches et chargés d'or, alimentèrent en Castille et dans les autres lieux où ils arrivèrent la légende du Nouveau Royaume de Grenade, racontant que les maisons y étaient recouvertes et tapissées de grappes d'or, avec quoi ils inspirèrent les vocations de nombreux candidats à l'aventure, qui laissèrent leurs foyers tapissés de linges de Cour pour s'en venir aux Indes. Les uns dirent la vérité, et les propos des autres furent mal compris.
En réalité, comme les soldats des trois généraux logèrent dans les huttes situées autour du domaine de Bogotá, et qu'en ce temps-là ils n'avaient ni coffres, ni caisses, ni malles dans lesquels ranger leur or, ils le gardaient dans des sacs de coton qu'utilisaient ces naturels, et ils les accrochaient aux poutres et aux palissades des maisons où ils vivaient; et ce fut ainsi qu'ils en vinrent à dire que leurs maisons étaient couvertes de grappes d'or.
Avant de passer à autre chose, je voudrais, avec votre permission, dire deux choses. Voici la première: vous aurez remarqué que dans tout ce que j'écris, le thème de l'or me revient toujours à la bouche; j'affirme donc que ces naturels peuvent estimer que leur siècle d'or fut antérieur à la conquête, qu'après elle ils connurent le siècle du fer, et que l'actuel est celui du fer et de l'acier. Et jouissent-ils de l'acier ? Si l'on considère le nombre dérisoire d'entre eux qui ont subsisté en cette juridiction de Santa Fe et dans celle de Tunja, et même ceux-là, pour ce qui est d'en posséder... mais je n'en dirai pas davantage.
L'autre chose que je souhaite exprimer est la suivante: de tout ce que j'ai vu ou lu, je n'ai pu trouver qui expliquât d'une manière crédible d'où viennent ou descendent ces nations indiennes. Certains prétendirent qu'ils descendaient des Phéniciens et des Carthaginois; et d'autres encore de cette tribu d'Israël dont on perdit la trace. Il semblerait que ces derniers tiennent là une piste, car leur sort rappelle la prophétie du patriarche sur son fils Issachar, puisque ces nations, ou du moins la majeure partie d'entre elles, servent de bêtes de somme.
Aux premiers temps de ce Royaume, comme il n'y avait ni chevaux ni mules avec lesquels transporter les marchandises qui venaient de Castille et du reste du monde, c'étaient les naturels qui les acheminaient depuis les ports, où ils chargeaient et déchargeaient également les navires, jusqu'à notre ville, au prix d'efforts surhumains, comme le font aujourd'hui les attelages de bêtes. Et de la bulle qui fut émise visant à supprimer ce service personnel, naquit un ressentiment que je détaillerai en son temps. Aujourd'hui ces Indiens ne portent plus autant qu'avant, mais leur labeur est à peine plus doux.
Don Juan Fernández de Ángulo fut le troisième évêque de Santa Marta et le premier de ce Royaume, puisqu'il ne s'agissait alors que d'un seul gouvernorat; il vint donc prendre possession de son évêché de Santa Fe à la fin de l'année 1537. Au cours de la suivante, en 1538, mourut l'Adelantado don Pedro de Lugo, gouverneur de Santa Marta dont dépendait encore ce Royaume; l'Audience Royale de Saint-Domingue lui nomma comme remplaçant intérimaire le licencié Jerónimo Lebrón, le temps que Sa Majesté l'Empereur nommât le gouverneur définitif, ou que revînt d'Espagne don Alonso Luis de Lugo, successeur originellement prévu, qui y était prisonnier sur la requête de l'Adelantado de Canarie, son père, qui avait même demandé à l'Empereur qu'on lui coupât la tête; en effet au cours de l'expédition de reconnaissance qu'ils avaient menée dans la montagne de Tayrona et ses environs, le fils, sans en faire part à son père ni rendre de comptes à qui que ce fût, avec ses soldats et tout l'or qui avait été amassé, regagna l'Espagne.
Ce fut donc la raison pour laquelle le père demanda la tête du fils, et de l'emprisonnement de ce dernier.
Suite à la mort, donc, du gouverneur de Santa Marta, le père, le licencié Jerónimo Lebrón, ayant ouï les récits des soldats qui étaient redescendus de ce Royaume, et qui parlaient tous des grandes richesses qui s'y trouvaient, accepta de fort bon cœur sa nouvelle nomination, afin de pouvoir en bénéficier lui aussi.
Il fit le voyage depuis Santa Marta jusqu'à ce Royaume en l'an 1540, avec plus de deux cents soldats, et avec pour guides et pilotes des soldats vétérans de la conquête de ce Royaume, et qui en étaient repartis aux côtés des généraux. Sur leurs conseils il amena des hommes mariés avec leurs femmes et enfants, ainsi que des femmes seules et vertueuses, qui, étant les premières de ce Royaume à être directement issues du Vieux Monde, furent toutes mariées honorablement. Il amena également toutes les marchandises qu'il put, pour les vendre aux conquistadors qui en manquaient cruellement, et qui devaient se vêtir et se chausser de toiles et de sandales de coton. Ce furent les premières marchandises qui arrivèrent en ce Royaume, et celles qui furent les mieux vendues. Les capitaines et soldats âgés qui l'accompagnaient amenèrent du blé, de l'orge, des pois chiches, des fèves, et des semences de divers légumes, dont les cultures se développèrent fort bien en ce Royaume. Avec ces nouvelles espèces, la terre même commença à se fertiliser, puisque avant elle ne connaissait d'autres grains que le maïs, la turma, l'arracacha, la chugua, l'hibia, la cubia, et d'autres racines et haricots, sans qu'ils en eussent d'autres pour se sustenter.
Mais ce que ce gouverneur apporta de plus important, fut la venue du maître d'école don Pedro García Matamoros, envoyé par monsieur l'évêque don Juan Fernández de Ángulo, avec le titre de proviseur général de ce Nouveau Royaume; il vint accompagné de tous les ecclésiastiques qu'il avait pu rassembler, et ils formèrent une nouvelle espèce de conquistadors de ce Royaume, leur arme étant la parole évangélique. Le proviseur gouverna donc de nombreuses années avec une grande prudence, s'efforçant d'amener les naturels à la conversion.
Le gouverneur arriva par Vélez au début de l'année 1541, et le Cabildo local le reçut fort bien. Les conquistadors de Vélez envoyèrent donc pour l'en aviser des messagers à Hernán Pérez de Quesada, qui prit la chose très au sérieux. Il partit immédiatement consulter le capitaine Gonzalo Suárez qui était du même avis que lui. Et pour que son accueil à Tunja ne dût pas être improvisé ni précipité, ils décidèrent de partir à sa rencontre, pour lui souhaiter la bienvenue avant qu'il n'entrât dans ladite ville, et de l'escorter jusqu'à elle.
Des soldats qui vinrent avec ce gouverneur, se sont établis en ce Royaume les suivants.
Le capitaine Hernando Velasco, conquistador et fondateur de la ville de Pamplona.
Le capitaine Luis Manjarrés, résident de la ville de Tunja.
Le capitaine Jerónimo Aguayo, résident de la ville de Tunja; le premier qui y sema du blé.
Le capitaine Diego Rincón, résident de Tunja.
Le capitaine Diego García Pacheco, résident de Tunja.
Le capitaine don Gonzalo de León, encomendero de Síquima, ou plutôt veux-je dire de Simijaca, Suta et Tausa, résident de Santa Fe.
Le capitaine Juan de Ángulo, résident de Vélez; il laissa des enfants nobles.
Le capitaine Lorenzo Martín, conquistador de Santa Marta, résident de la ville de Vélez.
Des gens qui vinrent avec le licencié Jerónimo Lebrón, beaucoup repartirent avec lui; certains montèrent au Pérou et au gouvernorat de Popayán; d'autres encore s'en furent en Castille avec de bonnes sommes d'argent. Les hommes mariés et leurs femmes demeurèrent en ce Royaume; je rappelle que lesdites femmes furent les premières du Royaume à être directement issues du Vieux Monde¹. Et maintenant continuons de suivre le cours de l'Histoire.
1: Les premières femmes espagnoles qui arrivèrent à Santa Fe furent au nombre de six : Isabel Romero, épouse de Francisco Lorenzo; Elvira Gutiérrez, épouse de Juan Montalvo; Catalina de Quintanilla, épouse de Francisco Gómez de Feria; Leonor Gómez, épouse d'Alonso Díaz; María Lorenzo, fille de la première.
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