CHAPITRE XVIII
De la gouvernance du président don Francisco de Sandi et des événements sous elle survenus. De la venue du licencié Salierna de Mariaca, de sa mort et de celle dudit président.
Il a déjà été dit que le président don Francisco de Sandi, de l'ordre de Santiago, l'avait auparavant été de l'Audience de Guatemala, d'où il vint directement à celle d'ici pour y prendre ses nouvelles fonctions. Il fit son entrée en cette ville de Santa Fe le 28 août de l'année 1597, peu avant le départ du docteur Antonio González pour la Castille. Il amena avec lui madame la Présidente, sa femme, et un sien frère, fray Martín de Sandi, de l'ordre des Franciscains, qu'il eût été mieux inspiré de laisser au Guatemala, en raison de ce qui se dit ensuite de lui à cause de ce frère.
Le président commença donc à gouverner, et comme il y avait à cette époque en cette ville des gens animés d'un esprit satirique, j'ignore d'ailleurs s'il y en a toujours aujourd'hui, certains des plus importants lui rendirent visite, et ils le trouvèrent en proie à une forte fièvre, qu'il traînait depuis déjà longtemps; ils reçurent donc un accueil désagréable, et n'y retournèrent plus. Cette rugosité du président Sandi était telle, qu'en aucune manière il ne consentait à ce que quiconque, quelle que fût sa qualité, rendît visite à la présidente, sa femme; par conséquent il était tenu pour un juge colérique et mal luné. Les deux auditeurs, les licenciés Diego Gómez de Mena et Luis Enríquez, étant d'un caractère similaire, appuyèrent ses orientations et rigueurs. Je conclurai sur ce point, en disant que sa gouvernance fut affligeante et gravement conflictuelle.
Selon Marc Aurèle un bon juge doit remplir douze conditions. La première est: "ne point encenser le riche tyran, ni haïr le pauvre juste; ne point nier justice au pauvre parce qu'il est pauvre, ni pardonner au riche parce qu'il est riche; ne point accorder de grâce par pur bon sentiment, ni de faveur par passion; ne point laisser de mal sans châtiment, ni de bien sans récompense; ne point déléguer l'exercice de la claire justice à autrui, ni rendre soi-même la sienne propre; ne point nier la justice à qui la demande, ni la miséricorde à qui la mérite; ne point châtier sous l'effet de la colère, ni promettre de grâces sous celui de la joie; ne point se laisser distraire dans la prospérité, ni désespérer dans l'adversité; ne point faire de mal par malice, ni commettre de vilenie par avarice; ne point ouvrir sa porte aux flatteurs, ni écouter les murmureurs; s'efforcer d'être aimé des bons et craint des mauvais; favoriser les pauvres qui ne peuvent que peu, pour être favorisé de Dieu, Qui peut beaucoup".
Voyons à présent si certaines de ces douze conditions sont remplies par les juges composant ce gouvernement. Il revint au licencié Luis Enríquez de diriger les travaux d'édification du pont de San Agustín, dans la rue principale de cette ville de Santa Fe. Tandis qu'il s'affairait à la préparation du chantier, il convoqua les Indiens usmes et tunjuelos des villages d'Ubaque, de Chipaque, d'Une et de Cueca, pour qu'ils servissent en travaillant quelques semaines sur ledit chantier. Les hommes chargés de la réquisition des Indiens d'Une et de Cueca, qui dépendaient de l'encomienda d'Alonso Gutiérrez Pimentel, les trouvèrent occupés à des semis et autres labeurs agricoles pour le compte de leur maître, qui n'apprécia pas qu'on vînt lui prendre sa main d'œuvre. Mais on la lui prit tout de même, et il se laissa aller à tenir des propos avec une certaine liberté de ton contre l'auditeur, qui furent répétés à ce dernier. J'ignore si l'arrestation de don Alonso eut lieu avant ou après que le licencié Luis Enríquez eut pris connaissance desdits propos, mais intéressons-nous plutôt au résultat.
L'auditeur informa l'Accord Royal de l'affaire, et il fut lui-même désigné pour en instruire la cause. Grand Dieu! Juge et partie... je ne comprends pas une telle logique. Prends garde à toi, Alonso Gutiérrez Pimentel! Un éclair de feu te fond dessus! Les premiers témoignages permirent de l'arrêter et de saisir ses biens; et finalement il lui fut fait un si vilain procès qu'il déboucha sur sa pendaison! Un homme qui de nombreuses fois avait été alcade ordinaire de cette ville et lieutenant royal! Il lui eût mieux convenu d'être né muet et de ne bénéficier d'aucune encomienda. Et que Dieu nous préserve des femmes qui prétendent obtenir vengeance des offenses qu'elles ont subies, telle Tamar envers le malheureux Amnon. Dans les geôles royales de Santa Fe était prisonnier Damián de Silva, pour une affaire concernant certains de ses négoces, lorsqu'on alla lui notifier un procès-verbal dressé par l'Accord. Quand on lui eut lu ladite notification, il prit la liberté de prononcer à l'endroit des juges de laides paroles, qui leur furent évidemment répétées. La procédure relative à ces injures fut donc instruite, et il fut condamné à recevoir deux cents coups de fouet; et avant même qu'ils ne fussent sortis de l'Accord, la procession s'était formée.
C'est pour moi une chose fabuleuse que d'avoir vu autant de procès de gens jugés pour avoir parlé, et de n'avoir jamais vu personne l'être pour s'être tu, ni de n'avoir jamais entendu parler d'un quelconque cas de cette nature. On dit pourtant bien que le silence est lâcheté. Il y eut beaucoup d'autres procès en ces temps-là, certains justes, d'autres moins; car si des femmes interviennent, Dieu nous préserve de leur malice.
Qui communément dirigent le monde sont des femmes. Ainsi Isaïe affirma que Jérusalem était commandée par des femmes, car il fut un temps où son gouvernement était constitué de femmes. Le prophète Jérémie voyant que les femmes hiérosolymitaines commandaient leurs maris, et que leurs maris dirigeaient Jérusalem, il dit que la ville était gouvernée par des femmes.
Comment peut-on s'opposer à ce que la femme commande, la juridiction étant sienne, puisqu'elle est première dans le temps, ce qui lui confère l'avantage en Droit? Ce n'est en effet que son héritage, et je vais le prouver: Dieu dit à Adam: "Ne mange point des fruits de l'arbre qui est au milieu du Paradis, car tu en mourrais".
Or Ève, sa femme, en cueille un fruit, le lui amène, et lui commande de le manger avec elle; et Adam obéit à sa femme. Il goûte donc au fruit défendu, et Dieu prononce son décret nous assujettissant tous à la mort. À son procès Adam invoqua une circonstance atténuante, en disant: "Mulier quam dedisti mihi, ipsa me decept"¹. Allons, Monsieur, cela ne constitue en aucun cas une excuse à votre gourmandise; jamais vous n'eussiez dû la laisser s'en aller promener, car c'est précisément ce qui fut à l'origine de tous ces dommages. La femme et la fille honnêtes ne s'éloignent que peu et rarement du foyer. Et si vous leur donnez licence pour qu'elles s'en aillent promener, ou qu'elles se l'accordent elles-mêmes, et qu'advient une quelconque disgrâce, n'en rejetez point la faute sur Dieu, ni ne vous réfugiez derrière l'excuse invoquée par Adam, mais blâmez plutôt votre propre négligence.
1: La femme que Tu m'as donnée m'a déçu.
Je n'ai jusqu'à présent jamais rien trouvé dans les Écritures qui indiquât qu'Adam eût commandé quoi que ce fût; c'est pourquoi le commandement relève de la juridiction féminine. La Femme a dépouillé Naboth de sa vigne. Elle enleva à Samson sa chevelure, de laquelle il tenait sa force, et lui arracha les yeux. Elle fit perdre à David l'amitié de Dieu pour un certain temps, et lui fit commettre adultère et homicide; et ce qu'il y eut de pire fut qu'elle lui fit donner le mauvais exemple pour les siens et ses voisins. À son fils Salomon, elle lui fit se rendre coupable d'idolâtrie, et au glorieux Baptiste, elle coupa la tête. Y a-t-il une différence entre le fait que les femmes dirigent les Républiques, et qu'elles dirigent les hommes qui dirigent les Républiques ?
Communément ce sont les femmes qui dirigent le monde. Ce sont elles qui siègent aux tribunaux, prononcent des sentences, condamnent le juste et innocentent le coupable. Ce sont elles qui à leur guise instaurent et suppriment des lois, et font exécuter avec rigueur les sentences. Et ce sont elles encore qui reçoivent dons et présents et intentent de faux procès.
L'autre empereur grec dit de son fils Diophrutos, garçonnet de sept ans, qu'il dirigeait toute la Grèce, et il en donna l'explication suivante: "Cet enfant commande sa mère, sa mère me commande, et moi je dirige toute la Grèce". Voilà une bonne boutade! Dites plutôt, Empereur, que votre femme, grâce à cette force dont vous connaissez la nature, soumet votre volonté, et que la Grèce est soumise à la vôtre. Et n'en rejetez point la faute sur l'enfant, dont le seul pouvoir se limite à réclamer des friandises.
Ces bestioles sont fort jolies et elles jouissent du privilège d'être très désirées, et c'est là que le mal prend sa source. Un bon feu puisse-t-il embraser et consumer les mauvaises pensées, évitant ainsi leur réalisation.
Grand Dieu! Qui au terme des plus de soixante-douze années que j'ai passées sur cette terre, tient encore à me mêler à des affaires de femmes? Le passé ne suffit-il point? Dieu m'entende et le péché soit sourd: ne me tombe point dessus une averse de chopines et autres féminines chausses, qui m'obligerait à chercher un soigneur pour me raccommoder les os entre eux. D'ailleurs je ne comprends pas: je ne les ai point offensées; au contraire, je leur ai reconnu tout le pouvoir du monde. Et puisqu'elles dirigent tout, elles n'ont pas lieu de s'offusquer.
Vous ne manquerez point de me demander pourquoi je ne dis pas des hommes s'ils sont bénis ou sanctifiés. Je répondrai que l'Homme est feu et la Femme étoupe, et que vient le Diable, qui souffle. Où se rencontrent le feu, le Diable et la Femme, que peut-il y avoir de bon? Avec ça j'ai tout dit, car si nous devions traiter de l'Homme en général, comme en particulier, ce serait interminable.
On dit que l'Homme constitue le monde mineur, car en lui on retrouve la même essence qui constitue le monde majeur, bien que sous une forme plus brève. En effet en lui se trouvent l'être, communément avec les éléments, la vie, communément avec les plantes, les cinq sens, communément avec les animaux, et l'entendement et le libre-arbitre, communément avec les anges. C'est la raison pour laquelle Saint Grégoire affirme que si l'Homme a quelque chose de commun, sous un certain rapport, avec toute créature, toute créature est homme. Cela s'explique par le fait que Dieu le créa le septième jour, après avoir créé toutes les autres créatures; Il voulut donc en faire une synthèse de tout ce qu'Il avait déjà fabriqué.
Je souhaite revenir aux femmes et les faire décolérer, si toutefois elles sont en colère, et parler un peu de leur valeur. Très grande est la renommée des dix Sibylles, qui avec des mots délicieux, annoncèrent les faits et gestes, la mort, la résurrection et l'ascension de notre Rédempteur, ainsi que tous les autres articles de la foi catholique.
La fameuse et chaste veuve Judith, avec une sagesse et une habileté plus qu'humaines, sut décupler son pouvoir de séduction (déjà très grand) tout en conservant sa vertu, coupa la tête d'Holopherne et libéra la ville de Béthulie. Marie, sœur de Moïse, fut elle aussi doctissime; avec son adufe elle mena la danse d'autres femmes, et chanta un cantique à la gloire de Dieu composé de divines paroles, en mémoire de la victoire que le peuple de Dieu avait eue sur Pharaon et son armée. Abigaïl fut si prudente et convaincante, qu'elle sut contenir la colère du roi David contre Nabal de Carmel, son mari; et après la mort de ce dernier, elle eut l'honneur mérité de devenir elle-même l'épouse du même roi David. La reine Esther fut si docte et valeureuse, qu'elle réussit à raisonner le roi Assuérus afin qu'il pardonnât au peuple hébreu et sentenciât à mort le traître Haman.
Décolérez donc, Mesdames, car ce que je viens de dire sur ces femmes vaut également pour beaucoup d'autres. Mais à présent m'appellent le président don Francisco de Sandi et quelques jeunots d'auditeurs; et il est certain qu'étant jeunes et à marier, il était naturel qu'ils recherchassent quelque divertissement. Mais cela prenait de telles proportions, que les billets relatifs à leurs aventures de noceurs étaient placardés directement sur les portes des édifices royaux; et il arriva même qu'eux-mêmes, tandis qu'ils jugeaient depuis les estrades royales, s'adressassent entre eux des allusions à peine dissimulées, au moyen de calembours ou autres, quant à la manière dont ils occupaient leur temps libre.
La Femme est l'instrument du Diable, primordial pour la promotion du péché et la destruction du Paradis. Ainsi donc sous ledit gouvernement du docteur don Francisco de Sandi, vint au couvent de Santo Domingo un visiteur. Or le provincial de l'Ordre, qui était alors le père fray Leandro Garfras, grand prêcheur, ainsi que d'autres frères de sa dévotion, ne pouvant plus souffrir ce visiteur, sortirent du couvent et prirent, comme on dit, le maquis. Pour arbitrer ce conflit on créa un poste de juge conservateur, qui fut nommé par le père fray Francisco Mallón, de l'ordre de Saint Augustin. Ledit juge étudia l'affaire, et entre autres mesures qu'il prit, il fit publier des censures contre les impliqués.
Il en fit placarder une sur les portes de cette sainte église cathédrale. On en avisa monsieur l'archevêque don Bartolomé Lobo Guerrero. Sa Seigneurie la fit retirer. Et le lendemain à l'aube on retrouva la même censure placardée au même endroit, à côté d'une autre, dirigée contre l'archevêque lui-même.
Outrée par une telle audace, Sa Seigneurie convoqua le maître d'école don Francisco de Porras Mejía, son proviseur, et lui ordonna d'arrêter le juge conservateur et de le lui amener; le proviseur partit donc pour exécuter son mandat. C'était le temps des ordres, et la ville était pleine d'ordinants, qui représentaient à eux tous plus de trois cents personnes, soit la quasi-totalité des ecclésiastiques. Donc fort de tous ces gens qui l'accompagnaient, le proviseur passa par la rue Royale, la place et l'angle du couvent de San Agustín, tandis que ces messieurs de l'Audience Royale se trouvaient dans la salle d'Accord, où on les informa de la situation. Ce fut le licencié Diego Gómez de Mena qui fut chargé de la résolution de ce conflit. Il se mit donc en chemin accompagné des alcades ordinaires, des alguazils supérieurs de Cour et de ville, et autres. Pendant ce temps-là de nombreux laïcs s'étaient joints au proviseur et à son escorte, et les deux camps se rejoignirent à l'entrée du pont de San Agustín, où ils se firent face.
Tandis que l'auditeur et le proviseur discutaient, un ecclésiastique, j'ignore pour quel motif, agrippa l'alcade ordinaire Mayorga par les cheveux, de telle manière qu'il lui en arracha une bonne touffe d'une seule tirée, avant d'empoigner une épée qu'il dissimulait sous sa cape, car tous avaient prévu des armes.
Accourut immédiatement le proviseur, prononçant des censures. De son côté l'auditeur fit proclamer un avis, menaçant de déclarer traître au Roi tout laïc qui bougeât. Ils entrèrent alors dans la maison du capitaine Sotelo, juste à côté dudit pont, où ils négocièrent. Enfin l'auditeur retourna à l'Audience, et le proviseur à l'église, sans que quiconque n'eût pénétré dans le couvent de San Agustín, où les frères étaient également préparés à toute éventualité.
Tandis que cette agitation avait lieu au pont de San Agustín, l'Accord Royal avait envoyé le licencié Lorenzo de Terrones au domicile du proviseur, pour saisir ses biens. Lorsque ce dernier arriva avec tous ses ecclésiastiques à l'angle des édifices royaux, il tomba sur le licencié Luis Enríquez, qui, sur ordre de l'Accord Royal, l'attendait pour le mettre aux arrêts. Il le fit donc enfermer dans une pièce de la Caisse Royale. Une fois monsieur l'archevêque informé de tout cela, il partit lui-même pour l'Accord, accompagné de tous les prébendiers, de tout le clergé et des ordinants.
Les auditeurs étaient déjà présents à l'Audience Royale, et ils n'autorisèrent que le seul archevêque à pénétrer dans la salle royale. Se trouvaient dans le patio des édifices royaux de nombreux laïcs sur le qui-vive. L'archevêque entra et frappa à la porte de l'Audience. Depuis l'intérieur on lui demanda: "Qui est-ce?". "L'archevêque du Royaume", répondit-il. "Ouvrez à l'archevêque du Royaume", ordonna-t-on. S'ouvrirent alors les portes, et d'autres ecclésiastiques voulurent entrer avec lui, mais on ne le leur permit pas. Une fois dedans l'archevêque s'écria: "Descendez donc, et allons tous ensemble à l'Accord Royal, car je fais, moi aussi, partie du Conseil!". Depuis les estrades on dit: "Secrétaire, notifiez à l'archevêque du Royaume les options qui s'offrent à lui: ou il s'assied sur ces royales estrades, ou bien il sort d'ici". Sa Seigneurie s'écria à nouveau: "Descendez et allons à l'Accord!". Et on lui répondit encore: "Secrétaire, veuillez réitérer la notification à l'archevêque du Royaume, en lui précisant que s'il refuse de prendre place sur ces royales estrades ou de sortir d'ici, il sera considéré comme étranger aux Royaumes". Et l'archevêque de s'asseoir sur les estrades. L'Audience ordonna donc qu'on laissât ses membres seuls avec le prélat, tout le monde sortit et on referma les portes, derrière lesquelles nous ne sûmes jamais ce qui se passa.
Plus d'une heure après ressortit l'archevêque, dont le visage trahissait la colère et la frustration, et il rentra chez lui. Les autres messieurs sortirent à leur tour de l'Audience et allèrent à l'Accord, où ce jour-là ils prirent leur repas. En fin d'après-midi, entre cinq et six heures, ils renvoyèrent son proviseur à monsieur l'archevêque, accompagné du licencié Lorenzo de Terrones, auditeur de l'Audience Royale, et de fort lucides gens du peuple, qui étaient restés à attendre l'issue de toutes ces tractations. Et ce fut ainsi que prit fin toute cette agitation, sans qu'on n'en parlât jamais plus. Quant à l'affaire du visiteur de Santo Domingo, elle connut également un dénouement heureux, et les frères protestataires regagnèrent donc leur couvent.
Une fois les constitutions synodales achevées, monsieur l'archevêque envoya des convocations à ses suffragants, pour célébrer le concile provincial. Mais ce projet fut entravé par sa promotion à l'archevêché de Lima. Il reçut les bulles relatives à cette grâce le 3 août de l'année 1608, et la suivante, le 8 janvier 1609 exactement, il partit de cette ville de Santa Fe pour celle de Lima, où il vécut jusqu'à sa mort, en janvier 1622, à plus de quatre-vingts ans. Notre Seigneur le tienne en Sa sainte gloire, car il me maria de sa main, il y a de cela plus de trente-sept ans, à celle qui est toujours aujourd'hui ma femme.
Lui succéda à la tête de l'archevêché de Santa Fe don fray Juan de Castro, de l'ordre de Saint Augustin, qui ayant bénéficié de sa rente quelques années, y renonça, sans même sortir d'Espagne. Je souhaiterais à présent clarifier deux points: le premier est que je ne puis m'abstenir d'avoir des interactions avec la beauté, car elle m'oblige à ce que nous en ayons; et le second est que si je me propose pour relater des affaires, ce n'est point pour que vous vous inspiriez de leur malice, mais au contraire pour que vous teniez les hommes y étant impliqués pour des exemples à ne pas suivre, et que vous évitiez plus aisément le mal qui les fit tomber si bas.
Vers la fin du gouvernement du docteur Antonio González et le début de la présidence du docteur don Francisco de Sandi, Pedro de Andújar fut corrégidor de la ville de Marequita. Je précise qu'au canton de ladite ville appartiennent également les villes de Tocaima, d'Ibagué, de Remedios, ainsi que jadis également celle de Victoria, qui a aujourd'hui disparu, mais sur le site de laquelle perdurent les riches gisements d'or et autres minerais sur lesquels elle fut bâtie.
À Marequita, donc, vivait une certaine doña Luisa Tafur, jeune femme hardie et belle, épouse d'un certain Francisco Vela, fils de Diego López Vela; ils avaient jadis été résidents de Victoria. Cette dame avait un frère, nommé don Francisco Tafur, qui avait tué par erreur un certain Miranda d'une estocade qu'il lui avait donnée, car il l'avait pris pour un autre, et était par conséquent recherché par la Justice, raison pour laquelle il menait une vie de fugitif.
Or la doña Luisa avait noué des amours avec un gentilhomme nommé don Diego de Fuenmayor, résident de la même ville de Marequita, homme riche et accommodé. La beauté de tout temps a été la cause de nombreuses disgrâces, mais elle n'en est point coupable, car c'est un don de Dieu; les coupables sont ceux qui en font mauvais usage. Ainsi moindre eût été la faute de la beauté de Dinah, fille de Jacob, si le prince de Sichem n'en eût abusé. Moindre eût été la faute de la beauté d'Hélène, la Grecque, si Pâris le Troyen ne l'eût enlevée. Tous ces maux furent engendrés du fait que ces beautés s'en fussent promener. En fin de comptes, l'occasion faisant le larron, c'est sur elle qu'il convient de rejeter la faute, car en certaines de ces occasions se trouvent dangereusement tentés les hommes les plus vertueux. À ce propos Saint Augustin dit: "Jamais je ne trouvai en moi tant de vertu que lorsque je m'éloignai des tentations".
Le Francisco Vela avait quelques soupçons sur ces amours qu'entretenait sa femme avec le don Diego Fuenmayor, et pour en avoir le cœur net, il mena ses investigations. Un jour donc, de tous ceux qu'il passait à l'affût d'une occasion de satisfaire sa curiosité et son honneur, il en trouva une. Mais il n'en obtint aucun autre effet que celui de causer des blessures à la femme. De cet épisode le don Diego résulta échaudé, ou plutôt conviendrait-il de dire averti, et déterminé à se débarrasser par n'importe quel moyen du perturbateur de ses plaisirs.
La doña Luisa se retrouva ainsi offensée par son mari, et privée de la possibilité de voir don Diego, ce qui constituait pour elle la blessure la plus vive. En effet celles que son mari lui avait causées avaient meurtri sa chair et fait jaillir son sang, mais celle liée à la frustration de ne plus voir celui qu'elle aimait, était profondément imprimée dans son cœur. Et celui-ci réclamant vengeance, elle commença à étudier le moyen de tuer son mari, devenu son pire ennemi. Elle fit part de cette idée au don Francisco Tafur, son frère, qu'elle trouva tout à fait disposé à lui prêter main forte, d'autant plus qu'il considérait son beau-frère comme la cause de la spoliation de son honneur; en effet les blessures qu'il avait infligées à sa sœur alimentaient des murmures en ville, où nul ne doutait d'émettre son jugement personnel sur l'affaire. Le don Diego de Fuenmayor s'enquit bientôt de ce dessein, et n'hésita pas à ajouter sa pierre à ce périlleux édifice: il promit au don Francisco Tafur que s'il commettait effectivement l'acte en question, il lui fournirait de l'argent, des chevaux, et tout le nécessaire pour qu'il partît au Pérou, ou où bon lui semblât. Ainsi le don Francisco prépara avec grand soin le meurtre de son beau-frère.
À cette même époque vint à la ville de Marequita un maître d'armes nommé Alonso Núñez, avec qui le don Francisco Tafur se lia d'amitié, et qui s'était montré des jours auparavant en compagnie de Francisco Antonio de Olmos, fondeur et essayeur de la monnaie de ce Royaume. Puis il quitta son logement pour aller vivre chez la doña Luisa Tafur, sa sœur. Le Francisco Vela, après les blessures qu'il avait infligées à sa femme, était très précautionneux et attendait que le temps lui amenât une occasion plus satisfaisante. De son côté la femme ne restait pas non plus passive, cherchant à remédier à la douloureuse frustration qu'elle éprouvait, du fait de se voir privée de la douce amitié du don Diego de Fuenmayor.
Ô femmes, instruments du Diable! Qu'il soit entendu que je parle des mauvaises, car les bonnes, qui sont nombreuses, ma plume ne les évoque sinon pour les louer. Dieu nous préserve de leur courroux lorsque s'empare d'elles la cruauté, effaçant ainsi tous leurs autres et plus doux traits de caractère. Elles font alors fi de leur honneur, de leur vie même, et vont jusqu'à oublier Dieu, au jugement de Qui elles ne pourront se soustraire pour autant qu'elles fuient. Et c'est ainsi qu'elles se retrouvent disposées à tout écraser pour avoir le dernier mot et assouvir leur désir de vengeance.
Tullia fit assassiner son père, le roi Tarquin de Rome, pour hériter du Royaume, et elle fit jeter son corps dans une rue. Puis tandis qu'elle passait par là sur son char triomphal, le charretier, par compassion, voulut en dévier la trajectoire, mais elle l'obligea à passer sur le cadavre de son père, l'éparpillant ainsi en morceaux. Dis-moi, Tarquin, roi de Rome, quel péché fut le tien, puisque Dieu permit que tu engendrasses une telle fille? Sans nul doute fut-il gravissime. Dis-moi également, puisque vous êtes là-bas ensemble, quelle peine s'applique en Enfer à la fille ayant usé de semblable cruauté envers son père? Sans nul doute est-elle terrible, car en plus d'attenter contre le précepte de Dieu, son acte porte en lui le délit, l'horreur et l'effroi. Certainement des chars de feu lui passent-ils continuellement dessus, et toi, portant la charge de tes peines et tourments, tu fais office de charretier. Juste vengeance, si seulement tu étais en mesure de la savourer!
Le don Francisco Tafur, encouragé par les promesses du don Diego de Fuenmayor, guettait l'occasion de pouvoir tuer son beau-frère. Il s'enquit de ce qu'il se trouvait dans une hacienda, sur l'autre rive du río Gualí; il prit alors un mousquet chargé et partit à sa recherche. Une fois arrivé aux abords de l'hacienda, bien que la nuit fût fort sombre, sa présence fut sentie par les chiens qui en alertèrent les gens. Tous, dont le Francisco Vela à l'arrière-garde, fondirent alors sur lui, le trouvèrent, et lui confisquèrent son mousquet. Le don Francisco Vela ayant reconnu son beau-frère, il lui demanda ce qu'il cherchait et où il allait. Il lui répondit qu'il savait bien qu'il fuyait la Justice pour la mort de cet homme qu'il avait causée, et que c'était la raison pour laquelle il devait se tenir constamment sur ses gardes et armé, et qu'il ne trouvait de lieu où il pût souffler, ni se reposer ne fût-ce qu'une heure. Le Francisco Vela le tranquillisa et lui dit qu'il jouissait du privilège d'être son beau-frère, et qu'il comprenait que guidé par le désir de recouvrer son honneur, il eût commis ce geste malheureux. Suite à cet épisode ils demeurèrent pour un temps réconciliés et amis, et régulièrement, de nuit, ils entraient et sortaient ensemble de la ville.
Le maître d'armes Alsonso Núñez, vivant dans la maison de la doña Luisa Tafur, entretenait avec elle de cordiaux rapports, si bien qu'un jour il osa lui demander qu'elle l'employât. La dame, qui n'avait d'autre attente que de se venger de son mari, combla les espérances de l'Alonso Núñez, et commença par insister sur le fait qu'avant toute chose, le plus urgent était de se débarrasser de la gêne que représentait son mari, en le tuant; et elle lui précisa que son frère don Francisco Tafur l'aiderait dans cette tâche. Il s'entretint donc avec lui de ce négoce, et ils accordèrent de rechercher l'occasion de tuer le don Francisco Vela, et bientôt le Démon, qui est maître dans ces danses-là, leur en apporta une sur un plateau.
Le don Francisco Vela se trouvait hors de la ville, et une nuit il alla rendre visite à une sienne tante, chez qui il demeura un moment, avant d'en partir pour gagner le domicile du curé de la ville, où se trouvait un certain don Antonio, sien ami, qui s'y trouvait malade. Quand le don Francisco Tafur s'enquit de l'arrivée du Francisco Vela chez sa tante, il en avisa l'Alonso Núñez et lui dit qu'il fallait tout faire pour le tuer cette nuit-là, et qu'on ne le soupçonnerait pas en raison de son récent établissement en ville. Il lui expliqua que lui-même se chargerait d'aller le chercher et de l'attirer vers où ils pourraient agir en toute sécurité. Ce plan accordé, le don Francisco Tafur alla chercher sa victime chez sa tante, où on lui dit qu'il était parti chez le curé pour visiter ledit malade. Il s'y rendit donc et l'y trouva effectivement. La visite au malade terminée, ils sortirent tous les deux et se dirigèrent vers la place. L'Alonso Núñez, qui les suivait de près, les vit sortir et fit halte à l'angle de la rue. Le don Francisco Tafur, qui avait reconnu l'Alonso Núñez, dit à son beau-frère le Francisco Vela: "Je vois là une ombre, j'espère qu'il ne s'agit pas de la Justice. Sortons donc de la ville par cette rue, et attendons dans la campagne qu'il soit un peu plus tard". Ainsi ils sortirent de la ville, toujours suivis par l'Alonso Núñez; et arrivés à hauteur d'un fourré, ils dégainèrent tous deux leurs épées et en transpercèrent de coups le Francisco Vela jusqu'à ce qu'il mourût; puis ils laissèrent son corps dans des broussailles et quittèrent les lieux.
Le don Francisco Tafur demanda au curé qu'il informât Diego López Vela de comment il avait tué son fils, pour les blessures qu'il avait causées à sa sœur et le déshonneur de sa famille qu'il en avait résulté. On rechercha alors le corps de Francisco Vela pendant trois jours, sans succès, jusqu'à ce qu'un Indien avisât la Justice qu'il l'avait découvert par hasard: intrigué par la grande concentration de vautours qui s'y étaient massés, et croyant qu'il s'agissait d'autre chose, il entra dans les bois pour voir ce qui les attirait tant, et y trouva le cadavre. La Justice mandata alors deux hommes pour arrêter les délinquants, qui s'étaient retirés vers Purnio, et qui furent faits prisonniers et ramenés à Marequita, non sans avoir auparavant opposé une longue résistance. Le corrégidor de la ville infligea le tourment au don Francisco Tafur, qui s'obstina malgré tout à nier catégoriquement toutes les accusations dont il faisait l'objet.
Le corrégidor pensa que le don Francisco s'était ardemment préparé mentalement à recevoir le tourment, et il lui dit: "Vos ressources, don Francisco, à l'image de vos beaux-frères, sont nombreuses, mais j'y remédierai".
On interrompit alors le tourment et le corrégidor laissa passer plusieurs jours, avant de le lui infliger à nouveau, à un moment où il ne s'y attendait pas. Le don Francisco avoua alors la vérité, dénonçant par la même occasion son complice l'Alonso Núñez. Justice fut donc rendue, en décapitant le don Francisco Tafur et en pendant l'Alonso Núñez, car tel est le prix de l'amour mondain.
La luxure est une incitation et un stimulant cruel à la malfaisance, qui jamais ne consent à la moindre quiétude; de nuit elle bouillonne, et de jour elle soupire et désire. La luxure est un appétit désordonné de délices malhonnêtes, qui cause la cécité de l'entendement, empêche l'usage de la raison et change les hommes en bêtes.
La doña Luisa Tafur, après un certain temps quitta la ville de Marequita pour le bourg de La Palma, d'où elle vint à cette ville-ci de Santa Fe, où elle entra comme nonne au couvent de La Concepción, bien qu'elle le quittât plus tard sans qu'on connût le chemin qu'elle avait pris, ni qu'on sût ce qu'il advint d'elle. Et à présent retrouvons notre président don Francisco de Sandi.
Les rapports sur la rigoureuse gouvernance du président furent transmis en Castille, pointant également, en plus de la rigueur, la manière dont fray Martín de Sandi, de l'ordre des Franciscains... Mais c'est là que s'interrompt cette anecdote sur ce religieux, puisqu'il manque au Livre de l'Accord Royale une page, qui en fut arrachée. Peut-être importait-il qu'elle disparût... Et l'histoire se poursuit donc de la manière suivante. Emmener tout cet or. Ils lui répondirent que oui. Il dit: "Mais je n'en rapporte pas du tout", tout en leur montrant le contenu de ses poches, ainsi que certaines parties de son corps, avant de prendre congé. Quelques jours plus tard, tandis qu'allait empirant le mal dont souffrait le visiteur, et que tout le monde disait qu'il allait mourir, le président publia sa plainte, affirmant que le visiteur allait indûment emporter avec lui cinq mille pesos de bon or. Et il ne se contenta pas de se plaindre, sinon qu'il se déplaça personnellement chez monsieur l'archevêque don Bartolomé Lobo Guerrero, pour le supplier de prendre en charge la conscience du licencié Salierna de Mariaca, le visiteur, afin qu'il lui rendît les cinq mille pesos qu'il lui devait.
Sa Seigneurie ne négligea pas la requête du président, car très vite il se rendit chez le visiteur pour lui en faire part, tentant de le convaincre avec insistance d'y satisfaire. Mais le visiteur lui jura avec toute la solennité requise en un semblable cas, avec un grand sentimentalisme dans ses mots et en prenant dans les siennes ses mains consacrées, que la plainte du docteur Sandi était injuste, car ses affirmations étaient fausses et qu'il n'avait jamais agi tel qu'il le prétendait. Monsieur l'archevêque retourna donc chez lui, d'où il envoya au président la réponse à la requête qu'il lui avait formulée.
Le visiteur, réalisant l'ampleur de la souillure dont on avait maculé son honneur et sa fonction, convoqua le docteur don Francisco de Sandi, pour qu'ils confrontassent leurs versions respectives en présence de nombreux témoins. Il lui demanda alors comment un gentilhomme de son rang pouvait porter contre lui des accusations aussi diffamatoires, puisqu'il était faux qu'il eût jamais reçu de sa part cinq mille pesos de bon or. Le président lui répondit en réitérant ses affirmations, et en ajoutant qu'il ne pouvait qu'avoir mauvaise conscience en quittant ce monde sans s'être acquitté de sa dette, et qu'il lui avait lui-même remis cette somme en mains propres, tel qu'il le prouverait amplement. Le visiteur dit alors qu'il ignorait que des témoins pussent attester d'une telle fausseté, se rendant ainsi complices d'une si grande vilenie; et il ajouta que lui se mourait, qu'il se savait condamné, et que dès lors il lui donnait rendez-vous et le mettait en demeure, pour que le neuvième jour après celui de sa mort il comparût avec lui devant Dieu, où serait trouvée la vérité, car en ce Tribunal il n'y avait point de faussetés ni de tromperies qui valussent. Le docteur Sandi se retira donc, se maintenant sur ses positions, et le visiteur lui signifia nouvellement la même mise en demeure.
Quatre jours après cette confrontation, vint le dernier de la vie du licencié Salierna de Mariaca. Ce matin-là un ami du docteur Sandi était allé le voir, et au retour il passa devant les maisons du maréchal Hernán Venegas, qui appartiennent aujourd'hui à la Couronne, et où logeait le président. Ce dernier, par la fenêtre, lui demanda d'où il venait, et son ami lui répondit qu'il sortait de chez le visiteur. Le président lui dit alors: "Le Diable ne vient-il pas d'emporter ce voleur?". Il lui répondit: "Monsieur, il n'a plus l'usage de la parole, et je crois bien qu'il ne lui reste que quelques petites heures à vivre". Et ils prirent congé l'un de l'autre.
Le même jour entre onze heures et midi, les cloches de la cathédrale sonnèrent pour le visiteur Mariaca. Le bruit se répandit, causant quelques remous dans la ville. Le président Sandi s'assit pour déjeuner avec grand plaisir, les témoins racontèrent plus tard qu'il avait même fait quelques petites remarques, dont chacun pourra deviner la nature. Après manger il se coucha pour faire une sieste.
Doña Ana de Mesa, sa femme, prit une chaise et s'assit près de la tête de lit, d'où elle constata l'agitation dont son mari était la proie tout le temps qu'il demeura dans le lit. Plus ou moins une heure après, il se souvint qu'il avait passé un moment désagréable, et demanda à sa femme: "Madame, ai-je dormi beaucoup?". Elle lui répondit: "Votre Seigneurie n'a dormi que peu, car votre sommeil fut agité". Il reprit: "De fait, je n'ai point dormi, Madame, car dès l'instant où je me couchai, je me retrouvai en présence du licencié Mariaca, et nous eûmes de grands désaccords et disputes, desquels je sortis fort fâché, et je ne me sens pas bien. Voulez-vous me prendre le pouls, car je crois que j'ai de la fièvre". La présidente s'exécuta et lui dit: "Que Votre Seigneurie ne fasse point cas des rêves, qui ne sont que moquerie; votre pouls est normal, bien que certes, vous ayez un peu de fièvre, ce qui grâce à Dieu ne sera rien". "Appelez donc le licencié Auñón", conclut le président. Le médecin se rendit chez le président et l'examina. Il diagnostiqua qu'il souffrait d'une fièvre lente, et lui annonça qu'il allait lui prescrire une purge qui la lui enlèverait.
Mais cette fièvre ne le lâcha point, car le 13 septembre de l'an 1602 mourut le visiteur Mariaca, et le 22 des mêmes mois et année mourut le président Sandi, exactement au terme des neuf jours de la mise en demeure que lui avait faite son ennemi; cette affaire fit l'objet d'une grande admiration, d'autant plus que le jour de la mort du président il y eut une grande tempête de tonnerre, d'éclairs et d'eau sur cette ville de Santa Fe, qui semblait sur le point d'être engloutie. Le lendemain on enterra son corps, avec une cérémonie modérée, dans le couvent de San Agustín. Le visiteur, lui, fut enterré dans la cathédrale de la ville.
Cette malheureuse affaire, que je tiens pour très malheureuse, car les périls de cette vie sont nombreux, eut lieu dans cette ville de Santa Fe, et beaucoup de ses contemporains et témoins sont encore en vie aujourd'hui. Ce monde est un perpétuel péril, et ainsi Saint Paul dit: "Dangers des fleuves, dangers des voleurs, dangers dans les villes, dangers dans les mers, dangers dans la solitude, et dangers dans les faux frères".
Pour en revenir à mon sujet, je dirai que, si comme j'en ai déjà parlé, gouverner, présider et diriger sont des douceurs, je vous souhaite un excellent appétit, mais pour ma part je m'en abstiendrai; en effet je préfère me contenter d'une arrobe de sucre, bien que cela coûte quatre ou cinq pesos, car finalement avec ce produit on peut faire de petits cadeaux, mangeables par l'homme; cela vaut mieux qu'une arrobe d'or avec autant de froideur, d'amertume et de mésaventures, tel que dans le cas présent, et tel que nous le voyons quotidiennement.
Les dispositions cruelles du docteur don Francisco de Sandi ont toujours été de notoriété publique; il comptait en effet faire tomber trois têtes de cette ville: l'une, celle de Diego Hidalgo de Montemayor; l'autre, celle du comptable Juan de Artiaga; et la troisième, celle du capitaine Diego de Ospina. Le pourquoi, seuls lui et Dieu l'ont jamais su; mais ce vilain dessein ne put jamais se réaliser, car Dieu voulut qu'il en advînt autrement: le Diego de Montemayor eut une maladie dont il mourut brièvement; le Juan de Artiaga, monté sur une mule, prenait la route vers ses propriétés qu'il avait à Tunjuelo, mais la mule s'affola et se lança dans une course éperdue depuis le pont de San Agustín jusqu'à l'angle des édifices royaux, où moi et Juan Ubreta (le Biscayen) nous trouvions.
Je sortis mon épée pour couper les pattes de la mule, car tout au long de cette rue de nombreuses personnes tentèrent de lui barrer la route, mais elles ne purent l'arrêter; mais, faisant cas du conseil de mon compagnon, je renonçai finalement à exécuter cette tentative. La mule traversa la place, passa à côté du gibet qui avait été installé là pour faire justice, et contre une porte de chaux et de pierres d'une des échoppes de Luis López Ortiz, le pauvre comptable donna violemment de la tête en tombant de sa mule, ce qui lui causa une si vilaine blessure, que trois ou quatre jours après il était enterré.
Le capitaine Diego de Ospina, sur ordre du président, était enfermé dans la prison de Cour; et la nuit du Jeudi saint, accompagné de l'alcade de la prison, qui avait déjà reçu son pourboire, et avec d'autres prisonniers, ils allèrent commémorer les sept étapes du procès du Christ Notre Seigneur, et ne revinrent jamais. Ainsi les mauvaises intentions du docteur Sandi demeurèrent vaines.
Avant de poursuivre je souhaite parler des auditeurs qui furent subordonnés à ces deux présidences.
Au gouvernement du docteur Antonio González participèrent: le licencié Ferraes de Porras, qui mourut en cette ville, le licencié Rojo de Carrascal, qui partit plus tard pour l'Audience de Las Charcas, pour y occuper le siège de contrôleur. Lui succéda le licencié Aller de Villagómez, et avec lui vinrent comme auditeurs les licenciés Egas de Guzmán, qui mourut lui aussi en cette ville, et Miguel de Ibarra, qui fut visiteur général de la juridiction de Santa Fe, qui donna leur réserve aux Indiens, et qui plus tard fut promu président de l'Audience Royale de San Francisco de Quito.
Puis arriva comme auditeur le docteur Luis Tello de Erazo, et consécutivement les licenciés Diego Gómez de Mena et Luis Enríquez; tous les trois prirent parti pour la rigueur du docteur don Francisco de Sandi. Ce dernier toutefois montra quelque tempérance suite à la venue du licencié Lorenzo de Terrones, et bien plus encore avec celle du licencié Alonso Vásquez de Cisneros, qui fut auditeur à Santa Fe de l'an 1601 à l'an 1622, avant d'être muté à Mexico. Ses deux compagnons furent visités et envoyés en Espagne, d'où ils repartirent pourvus: le licencié Diego Gómez de Mena d'un poste d'auditeur à l'Audience de Mexico, et le licencié Luis Enríquez d'un poste d'alcade de Cour à Lima.
Annotations
Versions