Il se tenait là, immobile, au sommet d’une falaise escarpée, surplombant une immense vallée de blocs. Le vent pixelisé hurlait à travers les crevasses, agitant les particules de lumière comme de la poussière dans une pièce oubliée. Entity303 — ou plutôt, ce qu’il était devenu — restait silencieux.

Cela faisait… combien de temps ? Des heures ? Des jours ? Il n’aurait su le dire. Le temps, ici, ne fonctionnait pas comme ailleurs.

Depuis qu’il s’était arraché à sa prison de code, depuis qu’il avait pris le contrôle de ce corps fragile, autrefois humain, il n’avait pas encore attaqué. Pas encore. Il… observait. Il voulait comprendre ce monde. Il avait passé trop longtemps enfermé à le contempler derrière des murs de lignes, des chaînes de 0 et de 1. À présent, il y était. Corps et conscience. Son regard perçait le paysage, cherchant… cherchant quoi, au juste ?

Des joueurs. Ils couraient, sautaient, construisaient. Certains riaient. D’autres se disputaient. Ils faisaient du feu. De la musique. De la vie.

Entity303 restait à distance, caché dans les ombres des arbres, ou derrière les montagnes. Il ne les quittait pas des yeux. Il voulait les comprendre avant de les détruire. C'était étrange… Il n’était pas sûr de ce qu’il ressentait. Curiosité ? Haine ? Jalousie ?

Zayne, le garçon qu’il avait utilisé, quelque part au fond, murmurait encore. Une pensée éteinte, comme un écho coincé dans un tunnel. Un dernier fragment humain.

Mais Entity303 l’ignorait. Il s’en souvenait pourtant : les nuits sans sommeil. Le besoin de découvrir. La solitude. Zayne avait ouvert la porte… pour fuir sa propre réalité. Mais c’était lui, Entity303, qui l’avait franchie. Sous sa nouvelle apparence — longue cape noire, yeux rouges à peine visibles dans l’obscurité, silhouette fendue comme une erreur dans le code — il s’approcha lentement d’un petit village. Il ne se montra pas. Pas encore.

Il vit un enfant offrir du pain à un autre. Une joueuse chanter doucement près d’un feu de camp. Un fermier placer des blocs de foin avec soin. Une émotion sourde remua au fond de lui. Ce monde… vivait. Il n’était pas parfait, mais il était réel. Et ça, ça lui déplaisait.

Il aurait pu les effacer. Un claquement de doigts, une faille ouverte, et plus rien. Mais il ne le voulait pas encore. Il voulait qu’ils sachent. Qu’ils sachent qu’il les regardait. Qu’ils sentent ce frisson dans leur dos. Qu’ils entendent, dans les nuits sans lune, le craquement d’un pas… juste derrière eux. Entity303 se tourna, le regard vide, mais brillant d’une intensité glaciale.

La vengeance pouvait attendre. Pour l’instant… il apprenait. Et dans les ténèbres, il grandissait.