Ligne de départ, matinée, 00’00’’00

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Elle est là.

Se révélant à moi comme une évidence, Elle est apparue, couronnée par l’étincelle qui embrase le jour, escortée par Hélios lui-même. Comment ne suis-je pas aveuglé à sa vue, elle, dont l’empreinte en ma mémoire ternit jusqu’aux premiers jours de mon existence ? En la voyant glisser sur les hauteurs, je sens mon esprit se faire trop étroit, mon être trop exigu, pour l’accueillir en leur sein.

   Alors qu’elle s’installe sur la ligne, une panique me contraint à la fixer, à la fixer trop longuement : son visage lumineux, irradiant de perfection, se tourne vers moi. Je me réfugie dans mes échauffements, feintant l’indifférence, ces mêmes échauffements que je ne fais plus qu’à moitié ; soutenir son regard reviendrait à défier celui d’Hélios lui-même, mais l'ignorer aurait été un affront plus grand encore :

Elle est là.


   Je lui tourne le dos, et pourtant, je sens sur moi le brasier de son regard : mon corps en brûle et j’imagine avec quelle intensité elle me sonde. Les autres la dévisagent aussi, aussi ardemment, se pliant aux usages d’une telle assemblée. Mais, c’est bien moi qu’elle scrute, faisant fi de l’envie qu’elle suscite parmi ses semblables. Quoi de plus banal, entre dieux, que de se dévorer des yeux ? Mais il y a là une nouveauté, un spectacle qu’elle n’est pas habituée à voir : un nouveau prétendant aux hauteurs olympiennes.

   La planète a tourné suffisamment et à présent il nous faut nous installer sur la ligne. Je m’y avance en m’assurant d’éviter ces yeux électriques qui semblent vouloir me foudroyer. Je déglutis : ma position de départ et la sienne sont voisines. Subjugué, j’avais oublié qui je remplace, de qui j’ai pris le parti d’assumer les arriérés : Nestor d’Arcadie. Autrement dit, son rival en tout. Conscient à nouveau de ce fait, je sais que je ne dois lui offrir aucune fenêtre de tir, aucun quartier de ma chair qu’elle ne puisse lacérer de ses mots ambrosiens, doucereux et acérés, qui dans sa bouche trancheraient même et sans aucun mal leur im aux immortels.

Je résiste !

Elle me fixe !

Je résiste.

Elle me fixe !

Je résiste…

Je la regarde et sur son visage aux mille expressions s’en dessine une nouvelle, de celles dont j’ignore tout, pour ne l’avoir jamais vue sur quiconque. Cela m’intrigue et m’effraie à la fois ; elle ne me sourit pas et pourtant elle ne tord ses traits en aucune grimace, fût-ce de dégoût ou de mépris. Cela ressemble plutôt à cette expression, insondable mystère, qu’arborent ceux dont la sagesse insaisissable pétrifie les esprits trop simples, et qui tentent, malgré tout, de se mettre à leur niveau. S’apercevant, peut-être, de mon incrédulité, elle m’assène un signe de tête, lent et gracieux. Un signe qui m’interroge sur ma nature : suis-je le remplaçant ? Je baisse la tête pour toute réponse, la nuque écrasée d’humilité.

Elle est là.

Atalante de Pélion est là.

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