Une aube rouge.

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Ce jour-là, nous ne savions rien de la guerre et pourtant nous allions vers elle, gonflés à bloc par cet enthousiasme juvénile irradiant d’une témérité naissante. Selon notre plan, nous avions déserté le dortoir principal aux dernières heures de la nuit, profitant d’un rare instant d’inattention de nos instructeurs qui devaient, comme tout le monde de temps à autre, la mettre en veilleuse. Les couloirs de l’Académie étaient à nous, et pour y avoir vécu une grande partie de nos existences, la réciproque était aussi vraie : depuis nos six ans, nous y avions tout vécu, nos jeux, nos disputes, nos réconciliations. Même quand tout s’était compliqué entre nous, ils sont demeurés les témoins attentifs de nos émois : tantôt messagers de nos peines, tantôt gardiens de nos amours. Ils savaient tout de nous parce que nous n’avions rien à leur cacher et pourtant, ce jour-là, nous voulions les quitter.

 Parvenus au hangar qui abritait les aéronefs d’entraînement, nous nous étions mis en quête d’un appareil assez grand pour nous accueillir, mais suffisamment modeste pour n’inquiéter personne. Sitôt trouvé, celui-ci avait été réquisitionné, et ce malgré une dernière protestation d’Elrin, qui avait osé l’insulte suprême de propriétaires avant de se résigner : nous étions partis, partis en guerre.

 Avions-nous été assez discrets ? Silencieux au point de mériter le titre de commando que nous nous étions donné ? À présent, quand il m’arrive d’y penser, il est certain que nous avions été repérés dès notre sortie du dortoir. Que tout le temps qu’avait duré notre exfiltration, nos instructeurs avaient analysé le moindre de nos mouvements, jugeant, selon nos mérites respectifs, la maturité de notre éducation : ils nous laissèrent partir et pourtant nous n’étions pas prêts.

Dans l’habitacle trop étroit pour notre fierté, nous exultions, le souffle coupé par nos éclats de rire, qui portaient en une lumière plus vive encore une victoire déjà éclatante. Nous l’avions fait. En cet instant précis, nous étions convaincus qu’ensemble, tout était à notre portée. Ashir d’ailleurs, ne boudant pas son plaisir, ne put s’empêcher, aussi longtemps que durât la nuit, de nous remémorer avec quelle unité, nous nous étions fixé un objectif et comment, sans jamais faillir à celle-ci, nous nous en étions emparés. Intarissable, comme toujours, une version plus épique encore effleurait ses lèvres lorsque Korey pointa l’horizon d’une main tremblante de surprise : devant nous, une aube rouge-pastel dégradait les dernières nuances nocturnes, renvoyant nos mérites à leurs justes valeurs. Nous étions quatre, quatre dans l’embrassement d’un jour nouveau, mais nous savions que là-bas, quelque part sur la ligne de front, certains parmi les nôtres ne virent jamais poindre le flamboyant crépuscule de notre enfance.

 Mon arme d’entraînement serrée contre ma poitrine, je ne pouvais plus ignorer la sombre masse qui obscurcissait alors le ciel matinal. Ce donneur de mort qui lançait contre notre monde ses foudres ionisées : le Délivrance.

Mais qui y avait-il à délivrer sur Marxilhat ? Certainement pas nous !

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