Je viens d’intégrer le service d’une cheffe que j’aime bien (sans ressentir de sa part un sentiment réciproque). Nous sommes en réunion. Après avoir abordé les problèmes courants, tous les regards convergent vers moi, le petit nouveau. Mes collègues semblent embarrassés. Le sujet est délicat et je m’aperçois que tous les échanges précédents avaient pour but de noyer le poisson. Ma cheffe prend la parole. L’air grave, elle annonce qu’en plus de moi un autre agent va venir dans le service. Il a tué ses parents de plusieurs coups de couteau à l’âge de 17 ans. Comme l’exige la loi, l’administration doit accueillir ces individus au profil spécial pour une durée indéterminée en vue de leur réinsertion. Elle cite le nom de la loi, nom appartenant à un ministre dont la progéniture avait tiré au fusil d’assaut sur sa classe. Puis elle donne le nom du tueur. Je me fige. Le gars bossait dans l’établissement où j’étais avant. Il ressemblait à Michael Myers, le célèbre serial killer du film Halloween. Tout le monde l’esquivait connaissant son passé. Surtout à la cantoche. Je suis vert. Avait-il obtenu sa mutation par la voie normale ou bien l’avait-on dégagé à cause d’un « écart de comportement » ? (en effet, une récidive était sanctionnée par un changement d’affectation). Sans me regarder, ma cheffe embraye sur l’organisation du service. Elle insiste sur la notion de binôme. J’enfonce mes doigts dans le gobelet en carton contenant maintenant un café tiède. Le grésillement d’un néon défectueux me perce le crâne.