Chapitre 4 - Joséphine

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Je suis Joséphine et du haut de mes 19 ans, je croque la vie à pleines dents. Je ne sais pas ce que veut dire avoir peur, à quoi cela rime de se fixer des limites quand on est jeune, belle et plutôt futée.

Actuellement, je termine ma première année d'architecture à l'école de Luminy. Moi la petite bretonne native de Piriac-sur-Mer, j'ai décidé de venir étudier ici dans le midi. J'ai de la chance, car si Marseille est trépidante, l'endroit est excentré de la cité bouillonnante. Je vis donc un conte de fées au milieu des collines jouxtant le massif des calanques.

Mes parents, des gens modestes et aimants, se sont sacrifiés pour que leur fille chérie puisse réaliser son rêve, je ne les décevrai pas, c'est promis.

Je loge dans le studio qu'ils m'ont loué situé au 20ème étage du bâtiment principal de l'immense cité de la Rouvière, toute proche de Luminy. De mon minuscule balcon, j'ai une vue imprenable sur Marseille. Moi qui n'avais quasiment jamais quitté ma région, je n'imaginais pas qu'une ville puisse être aussi vaste. Je suis fascinée à la vue de ces myriades de petits cubes collés les uns aux autres, ce sont pourtant des habitations où vivent de vrais gens. Le ballet des véhicules qui ne s'arrêtent jamais n'est pas gênant. Je les observe, perchée dans ma tour de verre. On dirait les fameuses petites voitures Playmobil avec lesquelles Paul, mon petit cousin, s'amusait il y a peu. Mais ce que je préfère, c'est la vue de la mer qui s'illumine suivant les heures de la journée de tons différents. L'archipel du Frioul et les autres îles à proximité, découpent dans l'eau des formes étranges. L’île de Riou me fait penser à un énorme cuirassé, si bien que les navires de commerce qui la côtoient paraissent de minuscules esquifs.

Mais aujourd'hui, je n'ai pas le temps de me laisser aller à la contemplation, il faut que je m'active et fasse un peu de ménage. Exceptionnellement, car je ne suis pas du genre à faire défiler les représentants de la gent masculine chez-moi, j'ai invité un gars que j'ai rencontré en faisant mon footing. C'est génial de pouvoir faire du sport avec tant de facilité, il me suffit de franchir la porte de l'école et les collines aux senteurs de pins s'offrent à moi. C'est en faisant des étirements après l'effort, qu'il m'a abordé. Je ne sais pour quelle raison, mais ça a immédiatement matché entre nous. On s'est revus et nous sommes allés plusieurs fois au restaurant et au cinéma ensemble. Il a quinze années de plus que moi, pourtant, j'ai l'impression que nous avons le même âge, il faut dire qu'il n'est pas du style à se la péter. J'aime sa conversation, il est très érudit et sait me faire découvrir de nouveaux centres d’intérêt. Quand il parle de littérature, je ferme les yeux et je laisse ses paroles pénétrer mon esprit, bercée par sa voix douce et grave. Hier, il m'a parlé d'un certain Louis Brauquier. Il s'agit d'un poète marseillais, disparu à la fin du siècle dernier, qui a beaucoup voyagé grâce à son métier. Il avait un poste aux Messageries Maritimes, si bien que sa poésie est toute entière tournée vers la mer et les contrées lointaines qu'il a visitées. Je me remémore les mots magnifiques que mon nouvel ami a déclamés.


"Pour nous qui n'avons pas vu,
Il y a sur la carte du monde
Des noms de villes qui flottent
Aux lèvres comme des senteurs
Exotiques de vérandas
Par la côte du Pacifique,
Ou comme des cris d'enfants
Sur les plages péruviennes.

Des noms de villes brûlants
Comme du carry sur la langue
Singapour, Bornéo et l'archipel malais..."


Ce texte envoûtant porte un titre évocateur, Au-delà de Suez... Ses phrases me transportent comme le ferait un vieux gréement dont les voiles gonflées par le vent claqueraient tels des noms d'escales aux goûts épicés : Sumatra, Zanzibar, Ceylan.

Mais que m'arrive-t-il, est-ce vraiment le moment de rêver ? Il sera là dans une heure, Bon, ma maison est nickel chrome, mais il est grand temps que je m'occupe un peu de moi. Vous n'ignorez pas que nous autres les filles, avons besoin de temps pour nous préparer, alors direction la salle de bain !

Ma chevelure le fascine, je dois absolument la mettre en valeur. Il adore les rousses, m'a-t-il dit.

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