Pépé
Aujourd'hui est une courte journée de travail. Je suis satisfait. Je n'aime pas perdre mon temps à bosser. Je me suis remis au sport et j'en ressens déjà les bienfaits. Mes douleurs au dos commencent à s'estomper. Avec une serviette, je sèche les peux de cheveux qui me restent. Il va falloir que je mette fin à cette calvitie d'un coup de tondeuse. Je m'examine dans la glace. Ma peau a des imperfections. Les rides contournent mes yeux et mes joues sont creusées. Le jeune adulte a disparu pour de bon, et a laissé place à un trentenaire.
Malgré que mon sablier soit encore bien rempli, je prends conscience de ma mortalité. Récemment, un ami de mon père est décédé tragiquement dans sa ferme. Cet événement terrible fait resurgir des émotions enfouies. Mon grand-père nous a quittés il y a quelques mois. La blessure est encore ouverte.
Je monte à sa cabane qui surplombe nos domiciles familiaux. Je m'assois quelques secondes pour admirer la vue. Je regarde ses chevaux courir dans le pré. Au loin, j'observe le village continuant à vivre paisiblement. Quand je me trouve sur le porche, il m'arrive encore d'entendre sa voix et de le voir sourire. Les souvenirs m'envahissent et me sèchent comme un uppercut au menton.
Cinq minutes, c'est bien trop court pour parler de lui. Je laisse mon cœur guider mes doigts sur le clavier.
Je sens l'odeur de son pain cuire dans le four à bois. Je me revois à sa table, partager un fameux repas. Au menu, escargot suivit d'une côte à l'os bien juteuse. Et pour clôturer tout ça, un dessert préparé par grand-mère avec amour.
"Eh Pipou, on va descendre le Mont Ventoux !" Plaisantait-il, en faisant allusion au vin rouge accompagnant nos festins. Mon grand-père m'a appris à apprécier les bonnes choses de la vie.
Je me recueille devant le rosier où sont dispersées ses cendres, située au milieu des cerisiers. Malgré tout les bons moments, je n'en aurais jamais eu assez. Il m'arrive d'avoir des regrets. Mais ils ne sont produits que par nos aveux d'impuissance face à la fatalité des choses. Je n'ai plus peur de la mort désormais, car quoi qu'elle soit, je serai à ses côtés.
"Eh Pipou, quand je ne pourrais plus conduire, il sera à toi". Me disait-il, les étoiles brillants dans ses yeux.
Je viens te dire que demain, je serai à bord de ton camping-car. Tu serais si fier. Je continuerai de vivre de façon à t'honorer et même si ta présence me manque, tu seras toujours à mes côtés. Et sur la route, je pleurerai autant que je sourirai.
Annotations
Versions