*** Le 28 juillet 2022 – 11h00 *** (08) Des décisions à prendre

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Quand nous sommes rentrées, nous étions toutes les trois harassées, mais heureuse d'être arrivées chez nous sans encombre. J'allais m'asseoir dans le divan, pour enlever mes chaussures, mais mon tee-shirt me collait dans le dos, ce qui me rendait mal à l'aise. Je décidai donc, d'aller prendre une douche rapide pour me remettre d'aplomb. Cela me fit beaucoup de bien d'enfiler des vêtements propres et secs. Avant de rejoindre maman et Élise, je décidai de faire un détour par ma chambre pour consulter mon téléphone.

Il n'y avait toujours aucun signe de vie de Mélissa. J'avais le cœur dans les chaussettes et une petite mine quand je pénétrai dans la buanderie. Elles étaient toute les deux en train de décharger la voiture en papotant et je me dirigeais vers elle pour les aider à finir. En voyant toutes les caisses de marchandise étalées par terre au centre de la pièce, j'étais fière de moi.

Dès l'instant où Élise et maman ont commencé à tout déballer en me listant le contenu des cartons pour que je les note, elles poussaient de ohhh et de ahhh de contentement en découvrant toutes les choses qui passaient entre leurs mains.

— C'est merveilleux les filles, vous avez vraiment pensé à tout ! Je suis extrêmement fière de vous, même si je n'approuve pas du tout ce que vous avez fait pour obtenir tout ça... Cependant, je dois admettre que vous avez fait preuve de beaucoup audace et que cela nous aidera considérablement à survivre si les choses empirent. D'après ce que j'ai pu voir aujourd'hui dehors, c'est déjà le cas ! Alors bravo !

J'étais heureuse qu'elle ne me passe pas un savon, mais je préférais faire profil bas en m'excusant encore une fois de mon geste.

— Je suis désolée de ce que j'ai fait, maman et je m'excuse d'autant plus d'avoir entraîné Élise dans tout ça. Je ne voulais pas que nous rentrions bredouilles ce qui allait être le cas et je n'ai pensé qu'à ça en allant dans cet entrepôt. J'ai conscience que nous aurions pu avoir de graves problèmes si nous nous étions fait prendre. Je... Je... m'excuse et je te remercie d'être si compréhensive.

Ses yeux brillaient soudain d'émotion tandis qu'elle découvrait une caisse de lait en poudre pour bébé, puis une seconde juste en dessous.

— Tu y as pensé ! Oh, je suis tellement contente pour cet enfant, j'étais tellement peinée tout à l'heure quand j'ai vu qu'il n'y en avait plus dans le rayon. Je vais aller de ce pas lui en apporter une caisse. Je garde la seconde au cas où pour faire du troc, si nous en arrivons là.

— D'accord, sois prudente, et reviens vite !

Elle nous assurait qu'elle ne traînerait pas et se relevai en s'emparant d'une caisse, puis elle quitta la pièce.

Nous avons continué de ranger le reste. Il y avait un très beau panel de boites de conserves, Élise avait fait fort sur ce coup, là ! Pour ma part, j'avais décidé de privilégier l'aspect médical. De ce fait, j'avais su me procurer une petite caisse d'antidouleurs disponibles en vente libre, ainsi que des petits kits de secours. Je me suis félicitée personnellement d'avoir eu l'idée de penser aux vitamines et autres compléments alimentaires. J'avais également réussi à m'emparer de nombreux paquets de nourriture lyophilisée et de boites de piles de toutes les tailles. Nous étions désormais plutôt bien équipées !

Maman est revenue de chez la voisine un quart d'heure plus tard. Elle était pâle et paraissait soucieuse.

Je l'interrogeai

— Alors la voisine était contente pour le lait ? Elle a su en trouver finalement ?

— Oui ! Enfin, non. Euh... Oui, elle était très contente et, non elle n'a pas su en trouver. Elle nous est très reconnaissante de l'avoir dépannée. Son petit garçon est adorable, elle me l'a présenté.

— Hé bien c'est super ça, je suis contente que nous l'ayons aidée. Rien de plus ?

— Si, justement, il y a plus que ça. Elle n'a pas trouvé de lait pour la bonne raison que seules nous, ses voisins proches et la vieille dame qui habite trois maisons plus loin lui avons répondu. Elle m'a affirmé avoir frappé dans toute la rue des deux côtés de la route, en vain. A son avis, soit les gens ont peur et ne répondent pas, soit ils se sont enfuis. Elle en a vu certains charger leurs voitures à toute vitesse et prendre la route en trombe comme si des fantômes étaient à leurs trousses. Elle a peur, car elle a entendu dans les informations de la journée qu'une nouvelle pluie de météorites pourrait survenir à tout moment.

Je me tenais la tête entre les mains, désespérée. Ce cauchemar n'allait-il donc pas se terminer ?

Maman me tapota le dos et Élise vint me faire une accolade, nous étions perdues. Maman finit par lâcher du bout des lèvres.

— Que pouvons-nous faire de plus pour nous prémunir ? Je ne sais plus quoi faire, j'ai l'impression que le danger vient de partout et de nulle part à la fois...

Je lâchai d'un air grave.

— Je pense qu'il est temps que l'on se barricade en mettant des planches et des bâches aux fenêtres. Contre la météorite ça ne servira à rien, mais contre les gens qui n'ont plus rien à perdre, ça peut être utile ! Nous n'avons nulle part d'autre ou aller et toutes nos réserves sont ici. Nous devons également préparer un plan de fuite. Nous devons nous tenir prêtes à toute éventualité !

Maman qui avait trouvé ma proposition judicieuse, se rendit au garage afin d'aller chercher les outils dont nous pourrions avoir besoin pour nous cloîtrer dans la maison. Quant à nous, nous nous sommes dépêchées de fermer les volets et de vérifier si toutes les issues étaient bien verrouillées. Lorsque ce fut fait, maman revint avec une scie, un marteau, des clous et une visseuse.

Nous avons passé la demi-heure suivante à démonter plusieurs de nos meubles afin que nous puissions réutiliser leurs planches et les visser aux montants des fenêtres. Lorsque cela a été fait, nous avons perdu une nouvelle demi-heure à bricoler un système qui ne condamnerait pas les portes menant vers l'extérieur. Nous devions pouvoir sortir, mais personne d'autre ne devait pouvoir entrer.

Tout était clos, enfin presque ! Car maman avait ensuite suggéré que nous nous aménagions deux points d'observation vers l'extérieur. Le premier à l'avant de la maison et le second a l'arrière. Hormis ces deux rais de lumière naturelle, nous évoluions désormais dans une semi obscurité. Cette situation poussa rapidement Élise à aller allumer d'autres lumières afin que nous puissions y voir plus clair. Il se trouvait, surtout, qu'elle avait une sainte horreur du noir.

Nous n'avions pas mangé depuis ce matin et nos ventres criaient ouvertement famine. Maman s'en alla pour préparer le repas et Élise s'était allongée dans le divan. Elle avait les yeux fermés et elle somnolait. Je me suis assise à ses pieds et j'en ai profité pour allumer la télévision afin de regarder les dernières infos.

Je n'ai pas dû zapper longtemps pour constater que c'était de plus en plus grave ! Certaines chaines connues avaient carrément cessé d'émettre, elles s'excusaient pour la gêne occasionnée et nous enjoignaient de consulter leur site Web pour de plus amples informations. Les autres rediffusaient pour la plupart des reportages que nous avions déjà visionnés la veille. Seule, Euronews, la chaîne d'informations continue m'apprenait quelques éléments nouveaux et pas des moindres !

Chez nos voisins Français, par exemple, un système de détection des chutes de météorites s'était mis en place en juin 2016. Nommée l'opération fripon elle avait pour but de retrouver des météorites immédiatement après leur chute et de pister leur source grâce à un réseau de 100 caméras qui étaient constamment braquées sur le ciel de France.

Certaines images en provenance de ces caméras avaient fuité dans les médias et elles étaient tout bonnement impressionnantes ! Nous pouvions y voir, sur des séquences différentes, et donc sur plusieurs angles, une météorite de taille moyenne qui devait faire une bonne cinquantaine de mètres de diamètre entourées de plusieurs exemplaires de format plus petit. Le pire de tout, dans ces images, c'était précisément le moment où elles finissaient par atteindre la terre. Car la traversée de notre atmosphère ne semblait pratiquement pas les endommager avant l'impact qui engendrait un chaos sans précédent au cœur de villes sur lesquelles elles s'écrasaient.

Fort heureusement, le plus gros spécimen tombé jusqu'à présent ne mesurait « que » 42 mètres de diamètres. Et tant que la barre des 50 mètres de diamètre n'était pas dépassée, nous étions censés être à l'abri d'un hiver d'impact et d'un changement climatique significatif qui pourrait nous mener à notre éviction de la surface de la terre. Nous avions réchappé à cela, pour l'instant.

Je venais d'éteindre la TV pour pouvoir réfléchir un peu à tout ça, quand j'entendis maman nous appeler depuis la cuisine. Le repas était prêt ! Élise qui semblait dormir profondément jusqu'ici se redressa d'un bond et se mit debout en un instant. J'en restais sidérée ! Je venais d'avoir l'exemple en live du pouvoir d'un estomac vide.

Nous commencions tout doucement à nous détendre un peu en dégustant notre repas, quand soudain nous avons entendu un cri raisonner au loin. C'était clairement un cri de terreur. Il était court et bref, mais parfaitement audible de là où nous étions. Nous nous sommes levées d'un bond afin d'aller regarder par notre poste d'observatoire quelle pouvait être l'origine de ces cris glaçants. Il n'y avait aucun passant à l'horizon, et peu de voitures en mouvement, tout était calme et semblait normal.

Le ciel s'était assombri. Le soleil avait disparu et un orage semblait s'annoncer. Nous passions chacune d'un observatoire à l'autre avec dans nos cœurs la crainte de découvrir quelque chose d'horrible, mais rien ne se dévoilait à nos yeux apeurés. Il y avait juste ce cri qui avait cessé, mais qui raisonnait encore à nos oreilles. 

Cela nous avait chamboulées et nous étions sur le qui-vive en finissant notre repas. De nombreuses questions me trottaient dans la tête. Qui était la personne qui avait poussé ce cri et pourquoi ? Était-elle en danger ? Et nous l'étions-nous encore un peu plus ? Je ne prenais même pas la peine de formuler mes interrogations à haute voix, puisque je savais pertinemment que personne dans cette pièce n'avait de réponse à me donner. Il fallait l'admettre, nous étions complètement paumées face à cette situation.

Pourtant, il fallait bien que quelqu'un prenne les choses en main ! Je décidai d'être cette personne et je me levai brusquement ce qui provoqua un sursaut de surprise. Puis, je commençai à arpenter la cuisine de long en large, ce qui était un signe évident de ma nervosité, avant d'ajouter.

— Il faut tout de suite décider d'un plan d'évacuation d'urgence. Nous devons nous rendre à l'évidence, il peut se produire un tas de choses qui pourraient nous amener à devoir partir d'ici. Imaginez si la maison des voisins prenait feu et que personne ne venait l'éteindre ? Nous avons la voiture, un peu d'essence et des vivres. Mais nous n'avons aucun endroit pour nous établir et nous ne saurons pas tout emporter avec nous.

Personne n'avait pipé mot à propos de ce que je venais de dire, mais j'étais rassurée de constater que maman réfléchissait intensément à mes paroles. Elle était parfaitement consciente que j'avais raison et elle hésita un instant avant de balbutier d'un ton légèrement coupable.

— En fait, il y a une chose que je dois vous dire les filles. Votre père était le seul héritier de ses parents et quand ils sont décédés, ils lui ont légués leur maison dans les Ardennes. Mais étant donné que je possédais déjà cette maison dans laquelle nous vivons et que je ne voulais pas la quitter, nous avons décidé de la mettre en location ce qui nous assurait un petit revenu supplémentaire tous les mois. Les derniers locataires qui y ont vécu pendant presque dix ans sont partis il y a quelques mois à peine, car ils sont à leur tour devenus propriétaires et je n'ai pas encore trouvé des nouveaux locataires. Donc... Pour le moment, elle est vide !

J'étais totalement sidérée par cet aveu auquel je ne m'attendais pas du tout. Surtout, qu'il y avait quelque temps de cela, nous nous étions toutes les trois fait la promesse de n'avoir aucun "gros" secrets entre nous et de toujours nous montrer franches les unes envers les autres. J'enchaînai donc d'un ton purement accusateur.

— Et je peux savoir pourquoi tu ne nous as jamais rien dit à ce propos ?!

Elle enchaîna avec vivacité.

— Hé bien pour la simple et bonne raison que votre père vous a légué cette maison à toutes les deux ! Et comme vous êtes encore mineures, c'est à moi de gérer tout cela jusqu'à votre majorité. Je ne voulais simplement pas que cela puisse interférer avec vos études et vos projets d'avenir. Je pense, que le fait de savoir qu'une maison vous attendait de toute façon quelque part aurait pu vous pousser à vous reposer sur vos lauriers et à délaisser vos études. Comme vous le savez, vous étiez très jeunes quand votre père est décédé et avant aujourd'hui, je n'avais jamais été amenée à vous parler de cette maison.

Je grommelai entre mes dents, blessée dans mon estime qu'elle m'ait caché ça des années durant. Pourtant, dans le fond, je comprenais sa vision maternelle de choses. Alors, au vu des circonstances, Je décidai de ne pas lui tenir rigueur de cette grosse cachotterie. Néanmoins, je ne manquais pas d'ajouter.

— Bon... D'accord, j'accepte tes explications. Et puis, je dois bien avouer que cette maison tombe à pic ! Cependant, je voudrais que tu nous promettes que dorénavant tu ne nous cacheras plus rien d'autre d'important. Car quand on fait une promesse aux autres, il faut avant tout les respecter soi-même, c'est toi qui nous l'as appris !

Elle affichait désormais l'air navré de quelqu'un qui voulait se racheter et elle me répondit en me regardant droit dans les yeux, d'un air sincère et sans sourciller.

— Non, je te le promets, il n'y a rien d'autre à t'avouer et je te jure que je ne te cacherai plus rien d'important qui te concerne directement.

Puis elle se tourna vers Élise qui était restée discrète lors de notre échange houleux et elle la regarda également droit dans les yeux en lui faisant la même promesse.

J'étais soulagée de voir quelle était sincère et de savoir que je pouvais à nouveau lui faire confiance. Je décidais donc de ne pas nous éterniser là-dessus et d'en revenir au sujet principal.

— Bon ! Maintenant que nous avons un autre endroit où nous pourrions nous établir ça change la donne. Nous devons vérifier où il se trouve par rapport aux zones touchées par les météorites. Nous devons aussi décider d'un trajet qui contournera à bonne distance celles qui pourraient se trouver sur notre route. Élise, tu veux bien aller chercher mon téléphone, dans ma chambre, sur la table de nuit, stp ?

— D'acc, j'y vais !

Maman se levai également.

— J'arrive, je vais chercher la carte routière dans le vide-poche de la voiture. Prends un feutre dans le tiroir.

— Parfait, c'est exactement ce qu'il nous faut !

Quand elles sont revenues, nous nous somme mises simultanément en action. Pendant que nous nous afférions à notre affaire, Élise qui était restée assez silencieuse jusqu'à présent avait assommé maman de questions au sujet de cette fameuse maison. En effet, comme nous étions beaucoup trop jeunes à l'époque nous n'en avions gardé aucun souvenir.

Maman nous avait alors expliqué qu'elle se situait pratiquement au milieu des bois et qu'elle était idéalement située, pour peu que l'on aime le calme et la nature. La maison, d'apparence rustique était en pierre et de taille similaire à celle-ci. De toutes les questions qu'elle a pu lui poser, et il y en a eu beaucoup ! J'étais certaine que la seule chose qu'Élise avait retenu dans tout ça, c'est que la chambre qui lui serait destinée serait un peu plus grande que l'actuelle. Ça la mettait en joie ! Je ne m'évertuai même pas de lui expliquer que sa nouvelle chambre lui semblera bien vide sans jouets dedans. Car il allait de soi que nous ne pourrions pas les emporter... Pour ma part, à l'issue de cette conversation, mon côté pratique n'en a retenu que le fait qu'elle était dotée d'un puits d'eau potable associé à un collecteur d'eau de pluie, mais également d'un sous-sol. Quelle aubaine !

Environ deux heures plus tard, notre plan était enfin prêt. Nous avions une chance inouïe, car jusqu'à présent cette fameuse maison restait assez éloignée des divers impacts qu'il y avait eu sur le pays selon les diverses cartes que j'avais consultées sur internet. Nous devrions juste faire quelques petits détours afin d'éviter les autoroutes et privilégier les chemins de campagne, ce qui allongerait considérablement le temps de route.

D'après Mappy, le trajet devrait nous prendre un peu moins de deux heures en espérant que ça roule bien et qu'il n'y ait pas de problème en chemin. J'espérais de tout cœur qu'il n'y en aurait aucun.  

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