Chapitre 3 : la rencontre

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- Allons dépêche-toi Kassandra, me lança ma mère. Elle semblait maintenant nerveuse et inquiète.

Mais je restais totalement figée sur ma chaise. Mon corps tout entier refusait de m'obéir et mon cerveau, en ébullition, cherchait désespérément une échappatoire. Je n'étais déjà pas prête pour le rencontrer ce soir alors le voir maintenant, impossible ! Une seule pensée tournait en boucle dans ma tête : fuir.

- Mais Papa, j'ai école ! protestais-je.

- J'ai déjà prévenu, ils ne t'attendent pas, m'opposa-t-il.

- Mais, je ne suis pas habillée pour le rencontrer, tentais-je sans trop y croire.

- Kay débarque d'un voyage long et éprouvant, je doute qu'il soit plus présentable que toi. Allons en route, il n'y a pas de temps à perdre, annonça-t-il, coupant court à toute objection supplémentaire de ma part.

Je le suivis dehors et croisait le regard doux et plein d'encouragements de ma grand-mère avant que la porte ne se referme.

Je montais sur le chariot au côté de mon père et nous nous mîmes en route. Nous habitions à l'opposé du port, celui-ci se trouvait à une extrémité de la colonie et notre maison de l'autre à l'orée de la forêt. Nos chevaux se mirent au pas et le chariot avança doucement sur le sentier. Mon père restait silencieux me laissant le loisir d'observer ce chemin que j'empruntais quotidiennement. Notre maison se trouvait au bout de cette allée qui se terminait en petite place entourée de maisonnettes. Elle était tout en bois comme toutes les autres maisons de la colonie. Construites par les premiers arrivants, elles avaient été améliorées et agrandies au fil des ans par les familles qui les occupaient. Elles étaient maintenant loin des premières cabanes des colons même si le confort et l'espace restait toujours rudimentaire. J'aperçus la forge de mon père au fond la place et plus loin encore le moulin qui enjambait la petite rivière. La plupart des maisons possédaient des avancées qui tenaient lieu d'échoppes où les habitant vendaient leurs marchandises. Ainsi tous les jours la place s'animaient au rythme de ce marché improvisé comme un peu partout dans la colonie.

Lorsque le quartier du port apparut, une boule se forma dans ma gorge. J'étais tout simplement terrifiée.

- Papa ?

Il se tourna doucement vers moi.

- J'ai peur, lui annonçais-je.

Il me serra délicatement la main, dans ses yeux une foule de sentiments semblaient se mélanger.

- Je sais Kassie.

Mon père n'était pas un grand bavard et pourtant j'avais créé un lien très fort avec lui, bien plus qu'avec ma mère. Cependant depuis une année, il s'était comme éloigné de moi et nous ne passions plus de temps tous les deux. Il semblait toujours préoccupé, fatigué et les regards tendres qui avaient accompagnés mon enfance avait maintenant laissé la place à une émotion que je ne parvenais pas à déchiffrer. A cet instant il paraissait songeur et il mit une minute avant d'ajouter.

- Tout se passera bien.

Je ne sais pas si c'est parce qu'il me parut tellement sincère ou parce que j'avais désespérément besoin de me raccrocher à quelque chose mais je le crus.

Mon père ralentit l'allure alors que l'air s'emplissait des effluves marines du port. Il devenait difficile de circuler avec le chariot car les quais étaient maintenant bondés. Il descendit rapidement et accrocha les chevaux à un poteau près d'une petite boutique. J'observais la foule qui circulait ; c'était l'heure ou les bateaux déchargeaient la pêche du petit matin et les clients semblaient au rendez-vous en cette douce matinée. La plupart des badauds s'étaient surtout rassemblés devant un bateau plus massif. De nombreux jeunes hommes, accompagnés pour certains de leur famille, s’apprêtaient à embarquer sur ce navire afin de partir en expédition de repérage dans l'espoir d'établir une nouvelle colonie et peut-être d'y fonder une famille à leur tour.

Mon père me tendit la main pour descendre du chariot et je dus me résoudre à quitter mon refuge temporaire. Nous nous approchions à notre tour doucement quand des gloussements et des murmures attirèrent mon attention. Un groupe de jeunes filles de mon âge semblait en pleine effervescence et observait quelque chose avec beaucoup d'attention en minaudant. Je découvris trop rapidement que le quelque chose était en fait quelqu'un et que mon père se dirigeait fermement vers lui. Je sus tout de suite que c'était lui, il ressemblait beaucoup à son père. Il avait la même carrure, ses cheveux bruns parfaitement coiffé avait la même nuance, son visage admirablement ciselé, sa peau mat, tout en lui montrait son lien de parenté avec le gouverneur. Quand il croisa mon regard, je remarquais que ces yeux étaient d'un vert profond, je n'y vis pas le bleu glacial de son père. Il devait avoir les yeux de sa mère. Il se tourna vers mon père immédiatement sans que rien ne transparaisse sur son visage.

- Monsieur Alexandros, déclara-t-il en serrant la main de mon père.

- Kay, annonça mon père, bienvenu chez toi.

Kay lui rendit un sourire franc.

- Voici Kassandra, énonca mon père, tournant son regard vers moi.

Kay perdit aussitôt son sourire, il hocha imperceptiblement la tête et se retourna aussitôt vers mon père. Super, bougeonnais-je intérieurement. Le côté charmant n'avait semble-t-il atteint que la surface. Il était peut-être simplement fatigué par son périple. Mon père et son futur gendre reprirent leur conversation comme si je n'étais pas là prenant la direction de notre chariot. Je les suivis tant bien que mal à travers la foule. J'atteignis enfin le chariot mais mon père s'entretenait un peu plus loin avec un ami, je me retrouvais donc seule avec Kay.

- Je croyais que les filles d'ici soignait leur tenue, m'annonça-t-il froidement, en même temps leur futur mari n'ont pas vraiment le choix quoi qu'il arrive !

Je restais bouche bée quelques secondes. Comment osait-il ? Est-ce-qu'il pensait trouver une magnifique épouse, le sourire au lèvres, attendant son époux qu'elle ne connaissait pas les yeux remplis d'amour. Je maudissais en même temps mon père qui ne m'avait pas laissé me changer, bien sûr lui était parfait alors qu'on avait l'impression que c'était moi qui avait passé plusieurs jours et même semaines en mer. Mes mots sortirent plus vite que je ne l'aurais voulu et furent aussi blessant que les paroles qu'il m'avait jeté au visage.

- Je pensais que votre père serait venu vous acceuillir, cinglais-je.

Il parut touché rien qu'une micro-seconde mais reprit aussitôt son masque aussi froid que charmant. Un sourire factice figé sur le visage.

Le trajet de retour fut éprouvant. J'étais dans une colère noire, pleine de haine envers cet inconnu. J'avais sans doute secrètement espéré que nous aurions pu entretenir une relation au moins sereine. Après tout, nous nous trouvions l'un et l'autre contraint de nous marier cela aurait pu nous rapprocher un tant sois peut.

Il était charmant avec mon père et ils discutaient ensemble de notre futur maison, de son travail à la forge au côté de mon père. J'étais tout simplement transparente. Et cela me rendait furieuse.

- Te voilà chez toi, annonça mon père à Kay, il l'aida à descendre ses sacs et ils se serrèrent la main beaucoup trop chaleureusement à mon goût.

- Nous serons bien sûr ce soir à la réception de ton père, énonça mon père.

Kay hocha ma tête et se tourna vers moi pour la première fois depuis notre échange musclé.

- Alors à ce soir Kassandra, annonça Kay sans émotion.

- Kassie, repondis-je.

- Pardon ? fit-il surpris.

- Je préfère Kassie, lui expliquais-je.

- Oh ! Alors à ce soir. Il marqua une pause avant d'ajouter avec un petit sourire impertinent sur les lèvres, Kassandra !

Parfait, nous étions donc fait pour nous détester, pour le meilleur et pour le pire.

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