Chapitre 29 : Inatteignable.

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Les filles, qu'est-ce que c'était beau les filles, de les voir assises l'une à côté l'autre, regroupées en un cercle et gazouillant comme des oisillons accueillant l’aube. Elles ricanaient, le dos courbés pour mieux cacher les secrets qu’elles se partageaient.

- Alors finalement vous n'avez rien fait ? demanda Katerina en jetant un œil furtif autour d’elle.

- Juste des câlins... J'ai l'impression qu'il veut plus, mais qu'il n'ose rien dire, répondit Eglantine déçue.

- Fais lui comprendre avec tes yeux de biches, tu lui dis : "j'ai envie de plus", proposa Marry en prenant une voix aiguë.

- Quoi ?? Non, non, non, je suis incapable de faire ça !

- Eeeh Marry, t'as de l'expérience ? s'étonna Alicia.

- Tu poses vraiment la question, répondit Katerina en roulant des yeux.

- Qu’est-ce que tu insinues ? se fâcha la blonde, amère.

- Tu es la sainte-vierge peut-être ?

- Il est vrai que j’ai eu quelques aventures, sourit-elle en bombant sa poitrine.

- Sérieux ?! Et c'était comment… ? Eglantine c'est le moment de prendre des notes !

- Je… je … Oui ! balbutia l'autre.

Les nouvelles se répandaient rapidement. Ainsi, toute l’école savait pour la capture de la quatrième Richess. Celle qu’ils appelaient blondasse depuis le début de l’année était bien trop occupée à boire les paroles de Marry pour s'inquiéter des sucres cassés dans son dos. À côté, sévissait Eglantine, rougeoyante et Katerina qui faisait mine de ne pas être intéressée. Mais il fallut peu de temps pour qu’elle soit aussi obnubilée que ses deux amies par les mots de la blonde.

En franchissant le portail, Marry avait longuement hésité. Elle ne retrouvait plus la confiance ressentie le soir précédent. Bien qu’ils l’avaient clairement acceptée dans le groupe, les rejoindre pour la première fois n’était pas chose aisée. Comment s’y prendre ? Alors qu’elle avait tant essayé de les faire souffrir. Hypocrite. C’est ce qu’on dirait d’elle. Et la présence de ses sbires rendait la tâche d’autant plus difficile. Ils l’entouraient l’empêchant inconsciemment de partir.

De loin, Katerina n’avait aucune envie de l’aider, mais la douce n'était pas du même avis. Ce lien tout particulier qui les liait, l'amena devant les filles qui l'avaient tant martyrisée. Maintenant qu’elle avait fait la paix avec son plus grande ennemie, elle n’avait plus peur de ses langues de vipères. Elle leur coupa directement la parole, prêtes à jeter leurs malices, d’un : “Tu viens ?”. Personne n’en revint, mais chacun comprit au sourire coquin que Marry lui renvoya. Toute angoisse quitta son corps, et ce poids sur ses épaules la quitta. Elle rejoint le groupe en toute légèreté et sans aucune explication.

Nous les garçons les regardions se retrouver, et Chuck avait un sourire prononcé.

- Elle s'est plutôt bien intégrée, constatais-je.

- Ça ne m'étonne pas, affirma Elliot, elle a le même don que moi pour rassembler les gens !

- Je verrai si on peut lui faire confiance, mais je suis fier d'Eglantine, ajouta Michael.

- Je vous avais bien dit que je m'en occupais, répondit Chuck.

- Alors c'était ton plan depuis le départ ? lui demandais-je.

- Je n'irais pas jusque-là… Cela dit, il est temps que nous les rejoignons.

- C’est vrai, Bravo Chuck, tu les as réunies mais si elles nous excluent ce sera aussi ta faute !

- Il suffit de s’immiscer dans leurs conversations.

- Tu n'es pas juste curieux ? rit Michael.

- Pas besoin d’être curieux pour savoir de quoi elles parlent, dit-il avec un sourire malicieux.

Un grand point d’interrogation semblait visible au-dessus de la tête de ce dernier. Elliot le prit par l’épaule, riant doucement de son innocence. Comme prévu, les filles s’activèrent à notre approche. Il n’y avait que Marry qui gardait son calme. Au contraire, les autres échangèrent des regards complices lorsque Chuck posa la question taboue.

- De quoi est-ce que vous parliez les filles ? Vous êtes bien silencieuse tout d’un coup ? Ajouta-t-il en voyant leur expression se fermer.

- De choses qui ne devraient pas être entendus par un petit garçon, gloussa Marry.

Une guerre de sous-entendus bien placés débutait, mais l’expression de Marry venait de changer, fixant le portail avec terreur. La belle Blear venait d’en surgir, dans un long manteau lavande, sur lequel tombait ses cheveux chocolat fraichement coupé. Celle-ci s’avança dans la coure. Elle cherchait Marry qui jusqu’ici lui avait toujours fait part de sa présence. L’attente grandie sur le visage de la reine, ses prunelles perdues s’arrêtèrent sur les autres élèves. Quelque chose clochait, elle le sentait. Puis, son regard tomba sur nous. Elle eut un recul, et referma ses lèvres légèrement ouverte à la surprise. Son visage s'assombrit, et un air de dégout le traversa. Aucune explication s'avérait nécessaire, pourtant Marry lui courait déjà après.

- Blear, parlons-en ! lui cria-t-elle en s'empressant de la retenir par son épaule.

Elle se retourna violemment et leva sa main en se dégageant de son emprise d'un roulement d'épaule. Marry s’attendait à une baffe, mais elle se ravisa, comme si elle refusait d’établir tout contact supplémentaire. Elle n’eut droit qu’à regard écrasant, supérieur, qui ne reflétait qu’une chose : la trahison.

- Il n'y a rien à dire, siffla-t-elle d'un ton glacial.

-Je sais que ça ne te plait pas, mais tu devrais nous rejoindre...

- Épargne-moi ta gratitude et retourne traîner avec ces, s'arrêta-t-elle en les regardant par-dessus son épaule, ses insouciants, ajouta-t-elle en prenant un air abattue.

- Blear...

- Inutile ! s'exclama-t-elle en brandissant sa main l'obligeant à se taire. C'est fini, je n'ai plus rien à faire avec toi.

***

"Elle n'est pas aussi froide que vous le pensez, je vous assure !", tenta Marry de nous convaincre de sa gentillesse les jours suivants. Alicie ne voulait pas l'entendre. Et il était clair qu'elle ne souhaitait pas faire partie de notre bande. L'idée paraissait impossible, ce qui butait l'humeur de Marry. Elle semblât déprimé, bien qu'elle restât aussi farouche et fière qu’à son habitude. Nous n’avions plus abordé le sujet jusqu’à ce qu’elles se croisent dans le réfectoire et que Blear la dévisage, la laissant immobile au milieu du restaurant, son plateau-repas entre les mains. Elle vint se rasseoir à notre table, déconfite.

- Quelle conne ! jura soudainement Alicia.

- Ce n’est rien, râla Marry.

- Tu plaisantes ? Pourquoi tu la défends encore ?

- Alicia calme-toi, la coupa Eglantine.

- Elle n’a pas tort, ajouta Katerina.

- Elle n'est pas méchante, c'est juste qu'elle s'est sentie trahie, expliqua-t-elle au groupe. Vraiment, ajouta-t-elle en lança un regard convainquant à Chuck.

- Que veux-tu qu’on fasse ? lui dit-il alors.

- Tu… accepterais Blear ? hésita-t-elle à demander.

- Pourquoi pas ? Elle est un peu carré, mais elle n’est pas méchante.

- Carré ? Un balai dans le cul ouais, lâcha Elliot en s’empressant de taper dans la main d'Alicia.

- C'est juste qu'elle est distante, et qu'elle ne sait pas comment s'ouvrir aux autres...

- Mais elle n'a aucun intérêt à venir auprès de nous, dis-je.

- C'est ce qu'elle dit mais quand nous restions ensemble, elle semblait vraiment contente et, contrairement à moi, elle n'a jamais rien dit de mal sur vous...

- Alors il faut juste la convaincre ? demandais-je.

- C'est pas vrai, tu vas pas t'y mettre non plus ! lui cria Alicia.

- Et pourquoi pas ? Eglantine et Katerina était trop timide pour se joindre à nous, Marry trop fière, alors c'est possible qu'elle en ait envie ?

- Exactement, acquiesca Chuck.

- Faites ce que vous voulez, répondit-elle après un temps.

***

Les opportunités de parler à Blear ne manquait pas, à condition d'oser le faire.

Chuck tenta sa chance en premier, avec son rôle de président comme prétexte. Il avait soudainement besoin de "conseils" à propos de l'organisation du voyage, ou quant à la trésorie. Elle ne lui répondit que par bonne conscience, sachant pertinnement que le grand Chuck n’avait pas besoin de son avis pour gérer lap présidence.

- Merci pour tout, dit-il. Tu sais, ce serait vraiment chouette d'avoir une fille aussi intelligente que toi avec nous, ajouta-t-il en lui lançant un sourire.

- Ils t’ont toi, c’est suffisant, répondit-elle d’un ton particulièrement froid.

Un échec cuisant auquel Marry n’échappa pas. Toute tentative de discussion était repoussée. Rancunière, elle ne s’était toujouts pas remise de cette surprise, quelques matins plus tôt.

Étant donnée leur goût commun pour la bibliothèque, Eglantine prit la relève. Blear remarqua directement qu’elle lui tournait autour. En effet, dès que l’occasion se présenta, la douce s’assit à la même table, feignant s’intéresser à sa lecture. Michael la soutint, voyant que la discussion n’aboutissait pas. Il lui essaya de la convaincre de se joindre à eux, de partager leurs ouvrages, à s’entraider pour les cours. Elle répondit simplement qu’elle n’avait pas besoin d’aide, qu’elle était au point, et qu’elle n’avait pas le temps pour enseigner aux autres ce qui leur échappaient.

Elliot tenta une approche plus directe en l’interceptant dans un couloir :

- Bon, puisqu'ils pensent tous que ta place est parmi nous, c’est quand que tu te joins à nous ?

Fatiguée de ce harcèlement, elle ne prit même pas la peine de répondre à son sourire enjôleur. Katerina n'avait pas encore fait son apparition. Cette dernière s’y était prise d’une manière plus allusive, en se postant à côté d’elle en classe, sans dire quoi que ce soit, ou encore en la fixant intensément lorsqu’elles se croisaient avec les autres. Blear n’y répondit que par des soupirs : Pourquoi cet engouement ? Elle semblât particulièrement soulagée de voir le bout de la semaine arriver, il ne lui restait plus qu’une journée à survivre avant le weekend.

En sortant du réfectoire le jeudi soir, je me rendais dans la chambre d’Alicia en sa compagnie et en profitait pour lui poser quelques questions.

- Dis-moi, Alicia…

- Hum ?

- Pourquoi tu n’apprécies pas Blear ?

- C’est pas évident ? demanda-t-elle en retour, et puis ce n’est pas que je ne l’aime vraiment pas, mais…

- Stop, murmurais-je soudainement.

Je plaquais ma main contre le torse d’Alicia, la forçant à s’arrêter et me cachait derrière le mur à l’intersection du couloir. Geste quelle imita de suite. Je passais une partie de ma tête discrètement pour jeter un œil à la scène que j’avais crû entrevoir quelques secondes plus tôt. Blear se tenait au bout du couloir, et discutait avec un garçon dont je peinais à voir le visage.

- C’est qui ? demanda Alicia sans retenir sa voix, et en passant sa tête au-dessus de la mienne.

- Tais-toi ! lui criais-je en m’efforçant de garder la mienne à un volume adéquat.

Elle me fit une grimace et continuait de se tenir à mon épaule en gardant ses pieds sur leur pointe pour les espionner. Il était impossible d’entendre ce qu’ils se disaient, mais nous comprîmes à son profil que la discussion n’était pas joyeuse. Elle triturait sa joue, mal à l’aise, en gardant les yeux rivés au sol, et se couvrit brusquement la bouche lorsque le jeune homme à lunettes lui caressa l’avant-bras en guise de réconfort. Enfin, il la saisit doucement dans ses bras en attrapant l’arrière de sa tête pour la loger sur son torse. Une longue plainte résonna dans le couloir, qu'il tentait désespérément d'étouffer en la serrant plus fort, tandis qu'elle s'agrippait de plus en plus à lui. Elle prit du temps pour pleurer sur son épaule, tellement que j'en conclus que nous devrions faire le tour pour rejoindre la chambre d'Alicia. Cette dernière, s'était ranger derrière le mur, et me suivit sur le chemin inverse, mains dans les poches de son sweat. Quelques temps après nous continuions notre conversation.

- J'ai été surpris, entamais-je.

- Ouais, moi aussi...

- Alors tu allais dire ? Pourquoi tu ne la portes pas dans ton cœur ?

- Oh, fit-elle en s'arrêtant, non c'est rien, ajouta-t-elle en me lançant un grand sourire.

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