Chapitre 12 - Blanc

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Ezekiel...

Oui, je voudrais te tuer. Toi, qui a détruit mon rêve, qui a détruit cinq cents ans de ma vie. Mais je ne peux pas. Tu as été mon ami, tu as fait partie de ma famille, même si ça n'a été que quelques mois. Je ne croyais pas que tu me quitterais, et ça m'a fait mal de te retrouver dans le camp adverse.

J'enrage. Je n'ai jamais compris pourquoi tu m'as quitté. Jamais nous ne nous sommes battus, que ce soit par les mots ou par les gestes. Nous avions les mêmes pensées, les mêmes avis, nous voulions tous deux changer le monde. Et puis, à la veille de notre révolte, tu es parti, sans un mot. Au matin, tu n'étais plus là. Quelles qu'aient été tes raisons, j'aurais au moins voulu les connaître, avoir ne serait-ce qu'une chance de te ramener vers nous.

Je veux t'affronter. Je veux au moins savoir. Mais pour ça, je dois te voir en face. Nous devons au moins éclaircir ce malentendu.

Je cède un instant à la colère et assène un coup de poing sur le bois de ma table. J'inspire profondément et cède presque à la tentation de pleurer. J'ai beaucoup d'affection pour le genre humain, sauf qu'ils sont un peu trop semblables à des moutons à mon goût. Ce qui fait leur force fait aussi leur faiblesse, et ils sont comme des pions sur un échiquier. Certains se démarquent assez pour prendre une position décisive, comme celle de la tour ou du fou. Mais les pions ont plus de pouvoir qu'on ne le soupçonne. Ils choisissent ceux qui sont dignes de devenir leurs souverains, ils choisissent leur Roi et leur Reine. Mais aujourd'hui, ils ont atteint les limites de leur raisonnement. Un jour, ils ont choisi, mais le lendemain, ils se sont rendu compte qu'ils s'étaient trompés. Et depuis, ils ne sont plus parvenus à en changer.

Je me redresse. Dehors, la nuit n'est plus aussi jeune. Je n'arrive pas à détacher mes pensées de lui... Et de toute façon, dans cet état, je ne parviendrai pas à dormir. Je devrais sortir, mais ça ne m'avancera à rien. Même l'air frais ne me permettra de reprendre mes esprits. Sortir maintenant est dangereux. Tous ces gens connaissent mon visage, et la nuit n'est pas vraiment l'emblème de la justice. Je dois rester sagement entre mes murs si je veux que mon plan ait une chance, même infime. À cause de ce traître d'Ezekiel, je dois rester sage, ne pas faire de bruit. On ne doit pas parler de moi en mal. Et même s'il est certain qu'il lira mon ouvrage et qu'il comprendra sans aucun doute mon but, je peux toujours espérer qu'il ne me mettra pas de bâtons dans les roues. Il est devenu Duc, il a absolument tous les droits.

Il est décidément le pire des adversaires...

Après avoir longuement tourné en rond dans ma chambre, tenté d'écrire un peu, puis m'être finalement tournée vers la fenêtre pour me rendre compte qu'il pleuvait, je décide d'aller me coucher, même si je vais probablement refaire ce que je faisais debout allongée dans mon lit.

Dans le noir, les yeux collés au plafond, je me sens mieux. Je ne comprends pas pourquoi le noir m'apaise tant. Je déteste être inactive. Et puis de toute façon, je n'ai pas sommeil. Je me relève brusquement et me dirige vers la fenêtre. Une idée me vient, sans que je sache d'où.

Et s'il avait pris son temps, pour ne pas que je m'inquiète, mais qu'il savait pertinemment où me chercher ?

Je frissonne. En restant à un endroit fixe, j'augmente mes chances d'être retrouvée, surtout si c'est Ezekiel qui me cherche. D'ailleurs, il m'aurait paru logique qu'il commence par fouiller ici. Après tout, je suis hébergée par la famille de mon ancien amant, il serait donc très naturel que je m'y sois réfugiée. Ce qui signifie que je suis en danger ici, et que je mets en péril non seulement mon plan, mais aussi toute la Famille Noire.

Je n'ai même pas besoin d'y réfléchir pour trouver une solution. Il faut que je m'en aille. Où, je ne sais pas encore, mais cela signifie également qu'il ne le sait pas non plus. En tout cas, je ne peux pas partir sans un mot, comme il l'a fait. J'allume rapidement une bougie et prend une feuille de papier. Je tapote un petit moment sur la table, me demandant comment l'expliquer sans qu'on ne me traite de lâche ni de traîtresse. Je finis par griffonner rapidement quelques mots d'excuse, un peu vagues soit, mais brefs. Sur un coup de sang, j'attrape une autre feuille et marmonne alors que ma plume trace les courbes des lettres.

" Ezekiel. Je sais que tu viendras. Quand, je te laisse le choix. Je veux te revoir, mais pas pour tenter de te faire changer d'avis. Je veux savoir pourquoi tu es parti, cette fois-là. Et si c'est de ma faute, je ne peux que m'excuser d'avance. Je ne voulais pas te blesser, mon ami, j'espère que tu le sais... "

Je signe rapidement et attrape une cape dans le placard. Je n'ai pas le temps pour les préparatifs. Je n'ai pas le temps de tout préparer comme si j'étais humaine. J'enfile un pantalon et une chemise, ferme ma cape et prend un foulard. Je me prends soudain à douter. Et si jamais ils me retrouvent, et qu'ils apportent leur arme anti-Immuable ? Il me faut quelque chose d'autre, pas une épée, c'est bien trop voyant... Prenons plutôt un poignard. Dans le pire des cas, je m'en servirais comme dans les cirques. J'ai toujours voulu essayer, mais je ne suis pas sûre de parvenir à faire quoi que ce soit avec un si petit instrument.

J'enfonce mon coupe papier dans ma botte et jette ma cape par-dessus mes épaules. Je ne dois pas faire de bruit, et surtout, les domestiques doivent rester endormis. Je me dirige vers la porte, qui s'ouvre à la volée. C'est la vieille bonne, qui m'a sans doute entendue. Elle m'accompagne jusqu'à la porte et me souhaite bonne route. Je lui fais signe de la main, et elle s'incline. Je lui offre un dernier sourire avant de partir. Je ne peux m'empêcher de verser une larme en croisant le regard de glace de mon amour.

Et puis je m'enfonce dans la nuit, laissant mes pas me guider.

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